Dans un récent rapport, l’Organisation Mondiale de la Santé appelle à investir davantage dans la santé mentale et à une transformation des systèmes de santé, entre renforcement de la gouvernance et approche multisectorielle et communautaire de la question.
Il s’agit de son premier rapport depuis 20 ans sur le sujet. En juin dernier, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a publié Transformer la santé mentale pour tous, soit un document exclusivement dédié aux enjeux sanitaires du secteur. Outre un état des lieux de la santé mentale dans le monde, elle présente un certain nombre de recommandations à destination des décideurs qui élaborent les politiques publiques et de l’ensemble de leurs partenaires. L’objectif : impulser une transformation réelle, jugée urgente, des systèmes de santé afin qu’ils intègrent plus efficacement ce domaine du soin et garantissent une meilleure accessibilité aux soins de qualité pour les personnes qui souffrent de troubles psychiques. Trois raisons, selon elle, justifient d’investir davantage dans la santé mentale : la santé publique, le respect des droits humains, et le développement socio-économique.
La santé mentale, parent pauvre du soin
Ce rapport s’inscrit dans un contexte particulier : la pandémie de Covid-19 qui, en provoquant une crise sanitaire mondiale, a entraîné une augmentation des niveaux de stress et d’anxiété ayant eu eux-mêmes un impact préjudiciable sur la santé mentale. Or, note l’OMS, près d’un milliard de personnes souffraient déjà de troubles psychiques. Une situation qui n’a pu que s’aggraver : les troubles anxieux et dépressifs ont augmenté de plus de 25 % pendant la première année de pandémie
, estime-t-elle ainsi. Le taux est encore plus important pour celles qui vivent dans des zones de conflits, à hauteur de 1 personne sur 5, alors que déplacements de population et migrations constituent des facteurs majeurs de risques
pour la santé. Parallèlement, les systèmes de santé, déjà en forte tension sur ces problématiques de santé mentale, ont été fortement perturbés. Et rien n’a été fait pour améliorer la prise en charge des personnes souffrant de ce type de troubles. En cause, entre autres : une stigmatisation toujours prégnante de ce domaine du soin, très peu valorisé dans les systèmes de santé, même au sein des pays à haut revenus.
En découlent des difficultés d’accès et des carences d’accompagnement. En moyenne, moins de 2 % des budgets nationaux alloués aux soins de santé vont à la santé mentale. Plus de 70 % des dépenses pour la santé mentale dans les pays à revenu intermédiaire continuent d’être consacrés aux hôpitaux psychiatriques
, pointe le rapport. Et de souligner des chiffres alarmants : le suicide représente un décès sur 100 dans le monde, et la schizophrénie, problème de santé mentale le plus invalidant dans ses formes aiguës, toucherait un adulte sur 200. Les personnes souffrant de troubles schizophréniques ou d’autres troubles psychiques sévères meurent en moyenne 10 à 20 ans plus tôt que la population générale
, la plupart du temps de maladies physiques évitables. Et, au-delà des risques sanitaires qu’elles font courir, ces déficiences menacent également les droits fondamentaux des personnes (discrimination dans l’accès à l’école, au logement, à l’emploi ; privation de liberté…).
Il est indispensable d’intégrer les soins de santé mentale et de santé physique pour améliorer l’accessibilité.
Un domaine à investir très largement
Il est donc urgent d’investir dans le secteur de la santé mentale, encourage l’OMS, qui rappelle que les carences de prise en charge entraînent aussi des conséquences socio-économiques (perte de productivité, aggravation des inégalités…). Elle identifie ainsi plusieurs domaines d’action prioritaires pour investir plus largement dans le secteur : la gouvernance et le leadership ; les financements ; la sensibilisation du public ; et les compétences de soins en santé mentale.
L’organisation insiste notamment sur la nécessité de renforcer l’intégration de la santé mentale dans les systèmes de soin et de la valoriser : il est indispensable d’intégrer les soins de santé mentale et de santé physique pour améliorer l’accessibilité et atténuer la fragmentation et le double emploi des ressources et ainsi mieux couvrir les besoins en matière de santé
, juge-t-elle. Mais il s’agit aussi plus largement de lutter contre les discriminations et la stigmatisation, aussi bien au sein de la population générale que parmi les professionnels de santé, ou encore de développer la promotion et la prévention ( par le biais de programmes scolaires contre le harcèlement ou d'interdiction de pesticides toxiques, entre autres), en particulier pour identifier les déterminants individuels, sociaux et structurels de la santé mentale, puis à agir pour limiter les risques
.
Autre priorité majeure, consacrer davantage de moyens à la santé mentale, que ce soit par l’augmentation des crédits alloués par les États ou par une redistribution plus équitable des ressources. Le bât blesse également au niveau de la formation et de l’expertise des professionnels de santé dédiés aux prises en charge en santé mentale, parfois associées à d’importantes lacunes. Tous les pays doivent étoffer leurs effectifs de spécialistes de la santé mentale, tout en renforçant les compétences en psychiatrie d’autres professionnels et personnes chargés des soins
, et en particulier ceux chargés des soins primaires, plaide le rapport.
La pertinence de "l’approche communautaire"
Le pivot central d’une meilleure prise en charge de la santé mentale demeure toutefois une réorganisation profonde du système de santé, avec notamment une réduction du recours aux institutions. L’OMS défend en effet une approche à la fois multisectorielle et communautaire, mieux à même de répondre à l’ensemble des facteurs qui influent sur la santé mentale. La prise en charge des troubles psychiques sévères en hôpital psychiatrique doit être abandonnée au profit de services de santé mentale communautaires
, explique-t-elle. Le cadre communautaire faciliterait en effet l’accessibilité et l’acceptabilité de la prise en charge, par rapport à un cadre institutionnel, produisant ainsi de meilleurs résultats. Et ce d’autant plus qu’il permet de dispenser des soins centrés sur la personne » et « orientés vers le rétablissement
. La dimension sanitaire de la prise en soin doit par ailleurs impérativement être complétée par l’intervention de services sociaux, tels que l’accès à l’éducation, à un emploi décent, à la protection sociale ou encore aux actions d’intégration sociale. À cet égard, l’OMS voit les services de pairs-aidants une strate de soutien supplémentaire pertinente, entre partage des connaissances, soutien psychologique et ouverture vers plus d’interaction. Nous devons renforcer les soins de santé mentale de façon à ce que tout le spectre des besoins dans ce domaine soit couvert par un réseau communautaire de services et d’accompagnements accessibles, abordables et de qualité
, conclut le rapport, qui invite les Etats à s’emparer de ces recommandations en fonction de leurs priorités.
Audrey ParvaisJournaliste audrey.parvais@gpsante.fr
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