Dans un communiqué de presse en date du 13 novembre 2008 [1], les 4 syndicats représentatifs des infirmiers libéraux (CI, FNI, ONSIL, SNIIL) et la Fédération Nationale des Etablissements d’Hospitalisation à Domicile (FNEHAD) annonçaient avoir signé le 27 octobre 2008, un protocole d’accord cadre [2] « visant à définir les termes d’un partenariat entre les établissements d’HAD et les infirmiers libéraux construit sur la confiance et un respect mutuel ».
C’est certainement d’un œil bienveillant que bon nombre d’infirmiers libéraux, amenés à travailler régulièrement avec les HAD (services d’hospitalisation à domicile), verront cet accord, qui est une première en France.
En effet, jusqu’à aujourd’hui, les rapports entre les infirmiers libéraux et les services d’HAD étaient souvent tendus, les libéraux reprochant souvent aux HAD d’entrer en concurrence directe avec les services qu’ils proposaient à domicile. Pourtant, la nouvelle organisation du système de Santé amènera les professionnels de santé libéraux à travailler de plus en plus souvent avec des structures de soins à domicile, tels que les établissements d’HAD, les SSIAD (services de soins infirmiers à domicile), etc.
Mais un peu d’histoire peut nous permettre de mieux comprendre le différent opposant le secteur libéral et ces établissements intervenant aussi à domicile.
Bref historique des HAD
Bien que légalement créés dès 1970, les HAD avaient peiné à se développer en France, et il fallu la réforme hospitalière de 1991 pour qu’ils se voient réellement reconnaitre dans le système de santé français. Malgré tout, ce n’est qu’à partir de 2000, qu’ils deviennent vraiment visibles dans l’organisation des soins [3].
Depuis cette date, les services d’HAD sont en pleine extension, ce qui n’est pas sans poser problème aux infirmiers libéraux, qui se sentent souvent dépossédés de leur rôle d’intervenant incontournable du soin à domicile. En effet, durant cette période de latence des HAD, la démographie des infirmiers, elle, galopait, passant d’un peu plus de 23 000 en 1983 à près de 70 000 en 2008 (source Eco-santé, suivant le fichier ADELI).
De fait, pendant toute cette période, les infirmiers libéraux avaient répondu du mieux qu’ils pouvaient à la montée en charge des soins à domicile, d’où l’évolution de leurs effectifs. Et ce n’est pas sans quelques appréhensions qu’ils voient, aujourd’hui, l’arrivée des structures et établissements de soins à domicile sur ce qui était devenu « leur » terrain. Appréhensions fondées, car il faut bien reconnaitre que, dans certains endroits, la création d‘HAD s’est faite de façon quelque peu « anarchique » et certains services d’hospitalisation à domicile n’ont pas toujours respecté les textes auxquels ils étaient soumis, et plus particulièrement, les critères d’admission des patients dans ces structures.
Mais quels sont ces textes et critères ?
L’HAD, pourquoi, pour qui, comment ?
La reconnaissance des HAD dans le paysage du soin à domicile a nécessité, au fil du temps, un encadrement rigoureux.
Introduite dans le code de la santé publique en 1992, l’hospitalisation à domicile fait partie des « Structures de soins alternatives à l'hospitalisation ». Elle est définit et encadrée comme suit :
Article R6121-4 du Code de la Santé publique
Les structures d'hospitalisation à domicile permettent d'assurer au domicile du malade, pour une période limitée mais révisable en fonction de l'évolution de son état de santé, des soins médicaux et paramédicaux continus et coordonnés. Ces soins se différencient de ceux habituellement dispensés à domicile par la complexité et la fréquence des actes. Les structures d'hospitalisation à domicile peuvent également intervenir dans un établissement accueillant des personnes âgées mentionné au 6° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles. Dans ce cas, les soins ne peuvent être délivrés à un résident que si l'état de santé de celui-ci exige une intervention technique, qui ne se substitue pas aux prestations sanitaires et médico-sociales dispensées par l'établissement, et si son admission en hospitalisation à domicile répond à des conditions de prise en charge définies par un arrêté du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de la sécurité sociale. Ces conditions sont variables selon la nature des soins. Elles sont relatives notamment à la complexité des soins à assurer ou à l'ampleur des moyens à utiliser. A chaque structure d'hospitalisation à domicile correspond une aire géographique précisée par l'autorisation prévue à l'article L. 6122-1.
La circulaire N° DH/EO2/2000/295 du 30 mai 2000 [] relative à l'hospitalisation à domicile précise : « L'hospitalisation à domicile concerne des malades atteints de pathologies graves, aiguës ou chroniques, évolutives et/ou instables qui, en l'absence d'un tel service, seraient hospitalisés en établissement de santé. L'HAD a pour objectif d'améliorer le confort du patient dans de bonnes conditions de soins. Elle permet d'éviter ou de raccourcir l'hospitalisation en services de soins aigus ou de soins de suite et de réadaptation, lorsque la prise en charge à domicile est possible. »
Les critères d’admission sont donc clairs. Il faut, pour pouvoir être admis en HAD :
- Une prescription médicale d’un médecin hospitalier ou du médecin traitant libéral
- La nécessité d’une coordination médicale
- La nécessité d’une coordination des soins. Ces soins doivent être complexes, longs, pluriquotidiens, faisant intervenir divers professionnels de santé et, doivent être formalisés dans un projet thérapeutique clinique et psychosocial.
La circulaire du 30 mai 2000 précise entre autres que sont exclus de l’HAD les malades :
- qui relèvent uniquement de soins à l'acte, non coordonnés,
- qui relèvent de soins infirmiers à domicile (SIAD),
- dont l'état justifie le maintien au sein d'une structure de soins traditionnels en raison de la permanence et de la haute technicité des soins dont ils relèvent,
- qui relèvent uniquement de nutrition entérale ou parentérale, de moyens de suppléance à une insuffisance respiratoire ou une insuffisance rénale (malades pris en charge par des structures spécialisées dans ce type de soins) et des structures de soins alternatives à l'hospitalisation en psychiatrie, conformément à l'article R.712-2-2 du code de la santé publique,
Les soins dispensés par les HAD peuvent être ponctuels, continus ou de réadaptation.
- Les soins ponctuels sont définis comme « des soins techniques et complexes, chez des patients ayant une pathologie non stabilisée, pris en charge pour une durée préalablement déterminée. Ils peuvent être fréquemment réitérés (chimiothérapie, par exemple)»
- Les soins continus « associent, pour une durée non déterminée préalablement, des soins techniques plus ou moins complexes, des soins de nursing, de maintien et d’entretien de la vie pouvant aller jusqu’à la phase ultime. Ils concernent des patients ayant une pathologie évolutive »
- Les soins de réadaptation au domicile sont destinés « à des patients pris en charge pour une durée déterminée, après la phase aiguë d’une pathologie neurologique, orthopédique, cardiologique ou d’une polypathologie »
Les pathologies sont diverses : cancérologie, SIDA, maladies infectieuses, mais aussi diabète, affections cardio-vasculaires, respiratoires, obstétrique, etc.
Les soins sont donc très diversifiés : soins palliatifs, lutte contre la douleur, alimentations parentérales, chimiothérapies, antibiothérapies, mais aussi, suivi de couches pathologiques, suivi de grossesse à risques, etc.
Le conflit libéraux - HAD
Malgré cet encadrement législatif rigoureux, force est de reconnaitre qu’il existait parfois quelques abus, et les infirmiers libéraux ont régulièrement dénoncé des prises en charge de patients par les HAD, hors des critères d’admission, plus particulièrement la prise en charge de patients relevant uniquement de soins à l’acte, sans nécessité d’une coordination particulière.
D’autre part, malgré le fait que la circulaire du 30 mai 2000 rappelait en substance que : « les professionnels de santé libéraux doivent être plus étroitement associés à l'hospitalisation à domicile, que ce soit dans un cadre associatif ou public » et que cette collaboration devait être formalisée dans un contrat définissant le cadre juridique de la collaboration, beaucoup d’infirmiers libéraux se sont vu exclure de ces prises en charge, et/ou appelés ponctuellement, en « bouche-trou » lorsque les besoins de service de la structure le nécessitait, et, les contrats de collaboration étaient souvent à sens unique : l’infirmier libéral ayant l’exclusivité des devoirs.
Qui plus est, devant le refus de prise en charge de certains soins par quelques infirmiers libéraux, on voyait parfois poindre le nez du compérage dans certains secteurs, les établissements d’HAD faisant parfois intervenir « leurs » infirmiers libéraux, alors que le patient avait déjà l’habitude de s’adresser à un cabinet libéral.
Par ailleurs, les modalités de rémunération des intervenants libéraux étaient souvent source de conflit. En effet, il faut savoir que les interventions des infirmiers libéraux effectuées au domicile d’un patient pris en charge par un service d’HAD sont, de fait, hors du champ couvert par la Convention nationale liant les infirmiers libéraux aux Caisses d’Assurance Maladie.
Ces honoraires sont donc « libres ». Il en résulte que ces honoraires sont plus « taxés » que les honoraires conventionnels : les infirmiers libéraux doivent payer plus de charges sociales sur ceux-ci. Donc les libéraux souhaitaient reporter cette augmentation de leurs frais sur leurs honoraires, ce qui n’était pas toujours du goût des établissements d’HAD, qui, eux, préféraient appliquer les tarifs conventionnels stricto-sensu.
De l’autre côté, les établissements d’HAD reprochaient aux libéraux de refuser d’entrer dans une régulation de leurs pratiques, régulation nécessitée par le fait que les établissements d’HAD ont des comptes à rendre sur la qualité des soins. De plus, ayant un rôle de formation à assurer auprès de leurs intervenants, ils étaient souvent en butte à l’exercice libéral, qui voyait dans ces obligations une remise en question de ses compétences et/ou une perte de temps.
Et par ailleurs, l’exercice libéral ne se limitant pas aux interventions pour un établissement d’HAD, les infirmiers libéraux ne se pliaient pas de bonne grâce au fait de devoir assister à des réunions de coordination autour du patient, surtout si ces reunions n’étaient pas rémunérées (rappelons que l’exercice libéral est payé à l’acte, donc que pour tout professionnel libéral, « le temps c’est de l’argent » et si l’on passe son temps en réunions « gratuites », on ne peut pas être en même temps auprès de sa clientèle et/ou la développer).
Un protocole d’accord « gagnant-gagnant »
Ce nouveau protocole d’accord [2] met un terme à toutes ces causes de conflit. En effet, conçu comme un accord « gagnant-gagnant » il traite à la fois des obligations des établissements d’HAD, des obligations des infirmiers libéraux, et donne des recommandations sur les honoraires des libéraux, ce qui devrait satisfaire tout le monde.
En ce qui concerne les obligations des HAD, il rappelle les obligations réglementaires qui leur incombent : nécessité de soins coordonnés de professionnels de disciplines différentes, nécessité de soins complexes et/ou d’une technicité spécifique « qui ne sauraient être assurés par des professionnels libéraux intervenant isolément », obligation d’un protocole de soins, obligation d’assurer la permanence et la continuité des soins 7j/7 et 24h/24, obligation d’assurer le paiement des honoraires et des frais accessoires des intervenants libéraux, etc.
Il définit aussi des obligations vis-à-vis des infirmiers libéraux : obligation des respecter le libre-choix du praticien par le patient, engagement à rechercher l’infirmier libéral le plus proche du domicile du patient si ce dernier n’a pas privilégié un cabinet, obligation de fournir une lettre de mission à l’intervenant libéral, engagement à inclure les libéraux dans une réunion initiale de coordination, engagement à l’information réciproque, etc.
En ce qui concerne les libéraux, les obligations portent sur : le respect des obligations professionnelles propres aux infirmiers (diplômes, enregistrements divers, attestation de formation, règles professionnelles, etc.), engagement à respecter les obligations réglementaires en matière d’évaluation des pratiques professionnelles (EPP) et de formation continue, engagement au respect du protocole de soins, à la traçabilité des actes, engagement à participer aux réunions de coordination, aux formations organisées par les établissements d’HAD, à assurer la continuité de leurs soins (remplacement par une personne qualifiée) ,etc. Et ce protocole définit aussi les obligations des cabinets de groupe vis-à-vis des établissements d’HAD.
Pour ce qui est des rémunérations, ce protocole recommande l’application de la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) et des valeurs des lettres-clé, sans application de l’article 11B, c'est-à-dire une rémunération pour tous les actes réalisés et cela, à taux plein. Il recommande aussi une rémunération de la réunion de coordination initiale sur la base de 6 AMI (18€) par demi-heure, la rémunération des frais accessoires (déplacement) comme cela est prévu à la NGAP, la rémunération des interventions les dimanches, féries et nuit, suivant la NGAP, si ces interventions ont été identifiées comme nécessaires dans la lettre de mission, l’engagement des établissements d’HAD à payer les intervenants libéraux dans les quinze jours qui suivent la présentation de leur relevé d’honoraires dument complété, l’engagement des infirmiers libéraux à transmettre un relevé d’honoraire détaillé pour chaque patient et, en rapport avec leur lettre de mission, etc..
Ce protocole a été conclu pour une durée d’un an et fera l’objet d’une évaluation. Souhaitons qu’il soit une référence pour le « terrain », afin d’améliorer les relations entre libéraux et HAD, chacun partie ayant tout intérêt à travailler avec l’autre…….pour le bien être de la population.
Notes
- Communiqué de presse commun (format pdf) : http://www.fnehad.fr/dl/2008/11/communique-presse_protocole_accord_oct08.pdf
- Le protocole d’accord cadre (format pdf) : http://www.fnehad.fr/dl/2008/11/protocole-daccord-idel-fnehad-signe.pdf
- Le protocole d’accord cadre (format pdf) : http://www.fnehad.fr/dl/2008/11/protocole-daccord-idel-fnehad-signe.pdf
- Circulaire N° DH/EO2/2000/295 du 30 mai 2000 relative à l'hospitalisation à domicile :http://www.sante.gouv.fr/htm/actu/soins_pall/00_295t.htm
- Complément à la circulaire du 30 mai 2000 : http://www.fnehad.fr/dl/2008/03/complement-a-circulaire-du-30-mai-2000.pdf
INTERNATIONAL
Infirmiers, infirmières : appel à candidatures pour les prix "Reconnaissance" 2025 du SIDIIEF
HOSPITALISATION A DOMICILE
Un flash sécurité patient sur les évènements indésirables associés aux soins en HAD
THÉRAPIES COMPLÉMENTAIRES
Hypnose, méditation : la révolution silencieuse
RECRUTEMENT
Pénurie d'infirmiers : où en est-on ?