« On est passé de peu à côté d’un texte qui aurait perdu une grande partie de son sens » Avec ces propos ouvrant sa prise de parole devant ses homologues, le député Arthur Delaporte (Parti socialiste, Cavaldos) a résumé la séquence politique qui a agité l’Assemblée nationale depuis mercredi 7 février. Les élus ont adopté mercredi 14 février le projet de loi de lutte contre les dérives sectaires au terme de débats houleux sur son article 4. Supprimé par le Sénat avant d’être réintroduit par l’Hémicycle, celui-ci entend sanctionner la provocation à l'abstention ou à l'abandon de soins. Son rejet dans la soirée du 13 février par une coalition du groupe Rassemblement national (RN) et de voix des Républicains (LR) et de la France Insoumise (LFI) a donné lieu à une nouvelle délibération, et une nouvelle rédaction de l'article a alors été proposée par la rapporteuse du texte, la députée Brigitte Liso (Renaissance, Nord). Il a finalement été adopté par 151 voix pour et 73 voix contre.
Création du délit et protection des lanceurs d'alerte
Dans sa forme finale, l’article 4 prévoit ainsi de punir « d’un an d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende » toute personne qui en provoquerait une autre atteinte d’une pathologie à abandonner son traitement thérapeutique en lui présentant cet abandon « comme bénéfique » pour sa santé, alors qu’il entrainerait en réalité de graves conséquences pour son état. Les mêmes peines sont prévues pour toute « provocation à adopter des pratiques présentées comme ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique alors qu’il est manifeste, en l’état des connaissances médicales, que ces pratiques exposent à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ». Et en cas de récidive, les peines sont portées à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
Le texte précise également son champ d’application. Il n’y aura ainsi pas délit si la provocation s’accompagne « d’une information claire et complète » sur les conséquences d'un abandon de soins sur la santé, et si les conditions dans lesquelles cette provocation a été faite « ne remettent pas en cause la volonté libre et éclairée » de la personne visée. À noter qu’une personne en situation de sujétion psychologique ou physique ne sera pas jugée comme étant apte à manifester une telle volonté. Enfin, « les lanceurs d’alerte n’ont pas vocation à être concernés par ces nouvelles infractions », indique un sous-amendement, porté par les députés socialistes. Ces dispositions entendent ainsi répondre aux inquiétudes qui ont agité certains députés, qui voyaient dans ce texte une tentation du gouvernement de censurer la liberté d’expression et les lanceurs d’alerte.
Un texte qui aura besoin de moyens adéquats
« Ce texte, plus largement, permet de répondre à un certain nombre de nouvelles dérives que l’on peut observer relatives aux dérives sectaires », s’est félicité Arthur Delaporte. « Maintenant, il faut avancer et il faut surtout des moyens. Et j’espère que ce texte ne sera pas une occasion perdue », a-t-il plaidé, appelant à renforcer les institutions et les vigies du numérique, à commencer par la Miviludes et Pharos, afin qu’elles puissent mieux accomplir leurs missions. « C’est un pas en avant, il est insuffisant. Continuons le combat », a-t-il conclu.
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