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Edito - "Dignité perdue entre sonnette inutile et alèse jetable..."

Publié le 31/05/2019
main sonnette

main sonnette

Elle sonne. Elle sonne, mais personne ne vient. Elle appuie frénétiquement sur le bouton rouge, sur ce putain de bouton rouge, mais en vain, personne ne répond à son appel, elle est seule. Elle sonne, encore et encore, elle n'en peut plus d'attendre, elle ne tient plus... Le texte poignant d'une fille qui réhabilite la mémoire et la dignité d'une mère abandonnée des soins.

Dignité perdue d'une mère dans un lit d'hôpital, entre une sonnette inutile et une alèse jetable...

La soignante a mis les barrières de lit en partant, elle est trop faible pour les enjamber, trop faible pour se lever seule, trop faible pour marcher, et pourtant il faut qu'elle se lève, il le faut absolument, elle ne peut plus attendre. Alors elle appuie, encore et encore, sur ce putain de bouton rouge, sur cette maudite sonnette qui doit bien sonner quelque part. Et à force de sonner, et d'attendre, elle pleure, elle pleure parce qu'elle est seule, parce qu'elle est faible, parce qu'il faut qu'elle se lève, maintenant, c'est urgent, et qu'elle ne peut pas, à cause de cette putain de barrière de merde.

C'est à ce moment précis que j'arrive. Je frappe à la porte, trois petits coups discrets, de peur de déranger, et j'entre doucement. Devant moi, le spectacle désolant. Je suis face à une femme paniquée, en larmes, prisonnière d'un lit d'hôpital. Une femme qui pleure parce qu'elle veut se lever et que personne n'est là pour l'y aider. Une femme seule, qui appuie désespérément sur un putain de bouton rouge qui doit bien résonner quelque part dans cet hôpital.

Je suis face à cette femme qui va bientôt mourir, dévorée par le cancer, cette femme maigre et faible, désespérément faible, trop faible pour sortir de son lit. Cette femme trop faible pour aller seule aux toilettes, qu'on a laissée là, dans ce lit, avec une alèse jetable "au cas où". Cette femme qui va mourir mais qui n'est pas encore morte, qui veut simplement aller aux toilettes, parce que ça, elle peut encore le faire, elle n'est pas totalement vaincue, il lui reste encore ça, cette faculté, celle d'aller aux toilettes, de ne pas se faire dessus. Il lui reste cette ultime dignité, elle dont le corps a été touché, déshabillé, traité, marqué, irradié. Dignité perdue dans un lit d'hôpital, entre une sonnette inutile et une alèse jetable. Dignité perdue face à la jeune femme qui vient d'entrer et qui la voit pleurer de honte et de colère.

Cette femme... ma mère... L'image terrible de ma mère vaincue et de sa dignité perdue. L'image qui ne s'efface pas, gravée, indélébile. Humiliante. Ma mère… Maman.

Merci à la blogueuse Soignante en devenir de partager avec nous ce texte qui, même si cela ne sera jamais assez, réhabilite la mémoire et la dignité perdue d'une mère abandonnée des soins.


Source : infirmiers.com