On le sait, les métiers du "prendre soin" sont principalement féminins. Pourtant, malgré leur rôle prépondérant pour le collectif, notamment dans le contexte actuel, ces professions continuent, pour beaucoup, d’être sous-valorisées. De même, dans ce grand système qu’est la fonction publique hospitalière, le plafond de verre est toujours bien présent, l’esprit "carabin" aussi. Alors que la majorité de soignants sont des femmes, les postes à responsabilités demeurent occupés par des hommes. Alors que le mouvement "me too" a aidé à libérer la parole, le sexisme est, lui aussi, toujours bien implanté dans les établissements. Pour promouvoir l’égalité à l’hôpital, un collectif de professionnelles de santé a créé l’association "donner des Elles à la santé".
Pendant la pandémie, les femmes ont été providentielles et non l’Etat. Elles représentent 90 % de caissiers, 70 % des personnels d’entretien, la majorité des aides et soins à domicile… avec bien sûr des variations selon les pays. Les métiers du care et du cure sont sous-valorisés, sous responsabilisés et invisibles
, s’agace Brigitte Grésy, Présidente du Haut Conseil à l’Egalité entre les Hommes et les Femmes lors d’une web émission à l’occasion de la création du collectif Donner des Elles à la santé
pour plus d’égalité dans le milieu du soin. En effet, on peut se poser la question : le port de charges est valorisé dans certains métiers ; pourquoi le fait de porter des personnes âgées dépendantes ne l’est pas ? Les IBODE sont majoritairement des femmes, les techniciens informatiques des hommes. Or, pour le même niveau de diplôme, on constate 10 ou 20 points d’indices d’écart
, surenchérit Brigitte Grésy.
C’est pour lutter notamment contre ces inéquités dues à un patriarcat toujours vivace que plusieurs professionnelles de santé se sont alliées pour fonder l’association donner des Elles à la santé
. Leur but : mettre en place une politique égalitaire au sein du système hospitalier
. Ce qui s’avère difficile, selon le Dr Géraldine Pignot, urologue et présidente de l’association. Pour elle, il est prépondérant de sensibiliser les jeunes générations.
L’hôpital a 20 ans de retard par rapport aux entreprises.
Peu de femmes aux postes à responsabilités
Si plus de la moitié des médecins hospitaliers sont aujourd’hui des femmes, seulement 16 % occupent des postes à responsabilités. Une enquête Ipsos réalisée par l’association auprès de 500 médecins (230 femmes et 270 hommes) le montre : les femmes avouaient avoir davantage de mal à allier les obligations familiales et professionnelles. Elles sont plus de la moitié à penser que si elles deviennent mères, faire carrière deviendra plus compliqué pour elles. De même, elles sont 89 % à avoir été victimes de discrimination. Etrangement, les hommes interrogés sont relativement d’accord avec cette observation.
Pour le Dr Astrid Chevance, psychiatre, quand une femme brigue un poste élevé, elle s’expose, elle a peur d’en ressortir abîmée. C’est pourquoi les femmes se mettent elles-mêmes des freins. Pour un homme, être ambitieux est une qualité ; mais pour une femme, c’est perçu comme un défaut
.
Quand on demande à un expert d’intervenir à la télévision, dans les deux tiers des cas ce sont des hommes qui sont invités. Pendant la crise du Covid, les femmes étaient encore moins représentées.
La problématique des comportements sexistes
L’affaire Weinstein avait soulevé la problématique des comportements inappropriés dans le milieu professionnel et, à l’époque, l’hôpital n’avait pas été épargné non plus. Or, quelques années après, 82 % des femmes médecins évoquent des attitudes sexistes - voire du harcèlement. Deux tiers d’entre elles ont entendu des propos sur leur apparences, et un tiers parlent de gestes à connotation sexuelle. Le milieu de l’hôpital peine à changer ses mauvaises habitudes
. D’ailleurs, si ce sondage concerne les médecins, les professions paramédicales sont aussi largement concernées
. Le problème est que peu osent en parler. On lave son linge sale en famille. C’est historique, le secteur est très hiérarchisé sous forme de confraternité. Il ne faut pas sous-estimer la force du déni. Parfois, on peut penser que dénoncer coûte plus cher qu’accepter
, précise le Dr Chevance. Ces attitudes ne sont pas sans conséquences, ni pour les soignantes, ni pour les patients. Celles-ci peuvent perdre confiance en elles ; dépassées par leur souffrance psychique, elles sont ensuite moins à l’écoute des autres.
Alors que faire ? Toujours d’après Astrid Chevance, former les personnels est un premier pas. Les femmes doivent savoir comment agir dans ces cas-là car souvent elles sont prises au dépourvu
. En outre, les répondantes veulent une tolérance zéro face à ce genre de comportement, et plus de la moitié des hommes interrogés sont d’accord avec cette idée. Pourtant, l’hôpital a un rôle de prévention et d’après la loi il devrait y avoir de référents à qui s’adresser pour ce genre de problème
précise Corinne Hirsch, co-fondatrice du laboratoire de l’égalité.
On ne pourra pas changer les choses sans les hommes
Des pistes pour parvenir à un équilibre
En ce qui concerne l’égalité dans la santé au sens large, les sondées revendiquent que l’on mette en place systématiquement des remplacements lors des congés maternité et demandent des structures d’accueil pour les enfants sur leur lieu de travail. Elles souhaiteraient également une politique transparente sur les avancements. Elles sont d’ailleurs suivies sur ce point par près de la moitié des hommes. Si pour le Dr Chevance il faut mettre en place de expérimentations dans les hôpitaux pour par la suite examiner ce qui fonctionne. Pour Brigitte Grésy, il serait judicieux de mettre en place une politique de quotas plus fine. Il y en a déjà qui sont appliqués, mais il faut regarder mieux. On n’entend plus l’argument je ne veux pas être une femme quota lorsque les intéressées comprennent de quoi il s’agit. Privilégier une population sous-représentée, c’est donner la place à compétences égales, pas nommer n’importe qui
.
Quoiqu’il en soit, le collectif travaille déjà sur deux chartes. L’une à faire valoir auprès des fédérations hospitalières pour lutter contre le sexisme et favoriser la transparence sur les évolutions de carrière. L’autre a pour but de rendre partie prenante les organisateurs des congrès pour optimiser la visibilité des femmes et leur représentation.
Si vous souhaitez voir le replay de l’émission
Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com @roxane0706
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