L’ensemble de la profession infirmière qui exerce en libéral a le sentiment d’être un "acteur pivot du domicile". Ce rôle important est pourtant très difficile à rendre objectif. Pour contribuer à cette démonstration, l’URPS Infirmière PACA a élaboré et soumis un questionnaire aux IDEL de la région Sud PACA1, qui ont massivement répondu. Une remarque très importante émerge de cette enquête, la plupart des actes effectués n’ont pas de facturation possible à l’assurance maladie, donc pas de traçabilité quantifiable et les tutelles ont tendance à penser que cette rupture de vision terrain implique la non réalisation de ces actes. Dommage…
La vaccination...
La vaccination est un acte fréquent de l’exercice infirmier à domicile. Tous les IDEL le savent bien, il est cependant difficile d’effectuer des statistiques en la matière : pas de traçabilité faite au travers de la facturation ou pas de facturation faite par les professionnels de santé. Concernant la vaccination anti-grippale réalisée durant la période qui s'étale du 1er octobre 2017 au 31 janvier 2018, les résultats de cette enquête en attestent : plus de 50% des IDEL interrogés disent facturer entre 0 et 25% des actes effectués et un peu plus de 10% entre 76 et 100% des actes effectués. Pour les autres vaccinations, même résultat : 60% des IDEL interrogés disent facturer entre 0 et 25% des actes effectués et un peu plus de 20% entre 76 et 100% des actes effectués. Ces chiffres posent question : lorsque vous ne les facturez pas, quelles en sont les raisons ?
: pour 36% des répondants, l'acte vaccinal est inclu dans la facturation AIS (acte de soins infirmiers), lettre clé qui cote tous les soins relevant du rôle propre infirmier et pour 19% des répondants, il s'agit d'un 3e acte - et donc gratuit - Parmi les autres réponses, on note, pas d'ordonnance ou ordonnance non conforme, des patients non assurés ou ne souhaitant pas payer, ou une vaccination réalisée comme un "service rendu". Il apparait donc que sur 25 vaccinations effectuées - nombre médian2 par IDEL - seul 10 (nombre médian) ont été facturées.
Concernant la vaccination anti-grippale, plus de 50% des IDEL interrogés disent facturer entre 0 et 25% des actes effectués...
Les traitements per os...
Autre interrogation auprès de la cible IDEL, comment gèrent-ils les traitements per os de leurs patients ? On le sait, les IDEL prennent fréquemment en charge la gestion de ces traitements. Inscrite au coeur de leur métier, ils ont en effet en charge la dernière sécurisation au domicile, afin que la règle des 5B soit respectée : "Que le Bon patient prenne le Bon médicament à la Bonne dose par la Bonne voie au Bon moment".
L’IDEL assure donc le suivi d’un traitement : préparation du traitement (81% des répondants), vérification des ordonnances, de la conformité de la délivrance des médicaments, de la date de péremption (81% des répondants), du dosage, organise la gestion des stocks (78% des répondants), surveille l’observance, l’action et les effets indésirables 77% des répondants). L’IDEL signale, si nécessaire, au médecin tous les incidents. L’ensemble de cette gestion est transparente pour la veille sanitaire car la profession ne facture aucun de ces actes et les résultats en attestent : ils sont en moyenne 64% à prendre en charge ces traitement per os et encore une fois, les 2/3 de ces prises en charge sont inclus dans d'autres actes. Interactions médicamenteuses, allergies, mauvaises prescriptions (une intramusculaire chez un patient sous AVK par exemple), mauvais dosages... 27% des IDEL soulignent que leur expertise
leur a souvent
permis d'éviter une incohérence dans le parcours du médicament et plus de 56% parfois
.
Les répondants sont amenés à plus de 94% à modifier les piluliers entre deux préparations - souvent à 18% et parfois à 65% - pour de multiples raisons : changement d'ordonnance, réajustement suite à une consultation chez un spécialiste ou après un contrôle sanguin, adaptation AVK selon INR, adaptation HTA, modification selon intolérance, allergie, effets indésirables, pilulier modifié par le patient iou sa famille... De plus, les médicaments génériquables sont sources de difficultés pour les patients, sollicitant à plus de 96% les IDEL sur cette seule question.
Toutes ces problématiques liées à la prise des traitements per os sont chronophages pour les IDEL d'autant lorsqu'ils doivent en référer au médecin traitant comme dans le cas d'effets indésirables - ils sont 94% à le faire -. Les moyens ? Téléphone, SMS, dossier de soins, mail, cahier de liaison, courrier, messagerie sécurisée, passage au cabinet... De la même façon, les erreurs de prise sont signalées au médecins dans 83% des cas et par les mêmes moyens que précedemment. Signalons que pour les IDEL répondant ne pas signaler les erreurs de prise (16%), les raisons avancées sont le manque de temps, le médecin indisponible ou l'adaptation des traitements ou des prises par eux-mêmes. Enfin, en matière d'interactions entre plusieurs ordonnances ou traitements émanant de différents médecins, là encore les IDEL soulignent les signaler au médecin traitant à 90%.
27% des IDEL soulignent que
leur expertiseleur asouventpermis d'éviter une incohérence dans le parcours du médicament et plus de 56%parfois.
La coordination...
Qui mieux que l'IDEL connait le patient et son environnement, ce qui permet de coordonner au mieux la prise en charge globale avec l’ensemble des intervenants : médecin traitant, pharmacien, autres professionnels de santé et avec les acteurs sociaux et médico-sociaux.
Les IDEL soulignent coordonner systématiquement
de nombreux actes de soins et parmi ceux les plus fréquemment cités : les AVK (88%), les grands pansements (80%), l'insuline (78%), les perfusions (66%), les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) (58%), l'antibiothérapie (44%). Parmi les moyens de coordination utilisés, les répondants citent le téléphone (95%), le dossier de soins infirmiers (83%), les SMS (62%), la discussion lors de rencontres (50%) ou le mail (32%).
Concernant leur rôle en matière de coordination médico-sociale, ils sont 82% à le jouer et notamment avec les services d'aide à domicile, les assistantes sociales, les familles et aidants, les kinésithérapeutes, les médecins et pharmaciens, les aides sociales ou les mandataires judiciaires. Seuls 17, 5% des IDEL disent avoir eu recours à une plate-forme territoriale d’appui (PTA) ou à une CTA (Coordination Territoriale d'Appui), 42% des IDEL disent ne pas connaître ces services de coordination. Les IDEL sont très présents sur le registre médico-social : ils sont 70% à organiser les interventions des différents professionnels en fonction des besoins du patient
et près de 99% à avoir des actions sur l'environnement de leur patient dans un but d'ergonomie et de sécurité
.
Des réponses qui affichent clairement le rôle pivot de l’IDEL en matière de prise en charge globale de ses patients
Au vu de ces résultats et face à la réalité, trop souvent ignorée des tutelles de reconnaitre le rôle pivot et la place majeure des IDEL dans l'organisation de la médecine de ville, le souhait affirmé des IDEL est d’élargir leur autorisation de prescription pour faciliter leur exercice quotidien. Pouvoir prescrire des antiseptiques, des matelas anti-escarres, des déambulateurs, des lits médicalisés, des fauteils roulant ou des lève-malade, mais aussi des bas de contention, des chaussures anti-chutes, des compléments alimentaires ou des bilans sanguins, n'a qu'un objectif, clairement exprimé, un gain de temps : pas d’attente entre la prescription médicale et la résolution du besoin. Une question, une réaction, une décision et une action !
Une remarque très importante émerge de cette enquête, la plupart des actes effectués n’ont pas de facturation possible à l’assurance maladie, donc pas de traçabilité quantifiable et les tutelles ont tendance à penser que cette rupture de vision terrain implique la non réalisation de ces actes.
- Un questionnaire en ligne proposant 17 questions (vaccination, traitement per os, coordination) a été soumis aux infirmiers libéraux de la région PACA par courriels et SMS durant les mois de juin et juillet 2018. Objectif : explorer la prise en charge à domicile par les IUDEL sans traçabilité réelle (facturation) et comprendre les difficultés pour sécuriser les suivis. Le taux de réponse à été de 7.5% de la totalité des IDEL en PACA, un taux significatif qui donne une image réelle de leur travail quotidien.
- La médiane est un nombre qui divise en 2 parties la population telle que chaque partie contient le même nombre de valeurs.
Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern
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