L'enquête judiciaire lancée après le décès du petit garçon se focalise sur le circuit du médicament de l'établissement. S'il semble que l'infirmière qui a administré le mauvais produit a commis une erreur, il reste à comprendre comment le flacon de chlorure de magnésium qu'elle a utilisé s'est retrouvé dans l'armoire à pharmacie de ce service de pédiatrie générale où l'enfant était hospitalisé, alors qu'il n'aurait pas dû y être.
En dehors de l'étape d'administration, l'étape de dispensation du produit de santé -qui n'est pas sous le contrôle d'un pharmacien dans cet établissement contrairement à ce que prévoit le code de la santé publique- a comporté des erreurs, a indiqué mercredi à l'APM une source proche du dossier.
Le flacon n'aurait pas dû être dans le service car les poches de chlorure de magnésium sont directement préparées à la pharmacie. On prélève quelques mL d'un flacon de 150 mL de soluté concentré (comme celui qui a été administré) pour préparer une poche nominative de chlorure de magnésium. Ces préparations sont faites dans des conditions stériles et sous contrôle pharmaceutique.
Selon la source interrogée par l'APM, pour un motif encore ignoré, un carton de flacons pour poches de chlorure de magnésium aurait été délivré dans le service de pédiatrie générale, alors qu'aucune commande n'avait été passée, et certains éléments de ce carton auraient été rangés dans l'armoire à pharmacie.
Cette source évoque "une erreur organisationnelle" dans laquelle "plusieurs personnes de l'hôpital [seraient"> parties prenantes".
Joint mercredi par l'APM, le Pr Jean-François Bergmann (hôpital Lariboisière, AP-HP), président de la Commission du médicament et des dispositifs médicaux stériles (Comedims) de l'AP-HP, a indiqué que le circuit organisationnel du médicament, de manière générale, contenait de nombreuses étapes et que chacune d'elles pouvait être "une source de problème".
"Le rêve serait d'avoir une dispensation journalière individuelle nominative entièrement automatisée, mais le circuit réel n'est pas robotisé le plus souvent. (...) Les services passent donc une commande de médicaments et reçoivent une livraison en vrac avec tous les produits pour le service", a-t-il expliqué.
Parmi les sources d'erreurs possibles dans le circuit du médicament, il a cité une confusion entre deux produits en raison d'un étiquetage quasi semblable, des erreurs de livraison de médicaments au sein du service de soins, des erreurs de rangement de produits dans les armoires à pharmacie du service et des armoires de "mauvaise qualité".
Le médecin a également mentionné le problème lié au retour de médicaments non utilisés vers la pharmacie centrale. "Certains médicaments commandés dans un service sont parfois finalement non utilisés. Des soignants peuvent préférer garder ce produit en réserve en cas de besoin. Cela crée un risque d'erreur", a précisé le responsable.
UNE SECURISATION QUI TARDE A SE METTRE EN PLACE
La sécurisation du circuit du médicament est depuis des années un sujet de préoccupation constant des pharmaciens hospitaliers et les syndicats font régulièrement des recommandations auprès des pouvoirs publics pour l'améliorer.
"C'est typiquement une erreur de délivrance globale du circuit du médicament", commente Mariannick Le Blot, présidente du Syndicat national des pharmaciens des établissements publics de santé (Synprefh), interrogée par l'APM.
La délivrance devrait être nominative à partir d'une prescription informatisée, rappelle-t-elle. Mais très peu d'établissements sont capables de le faire à l'heure actuelle en France, note-t-on.
La dispensation aux patients hospitalisés de leurs médicaments de manière sécurisée, sous conditionnement unitaire et en délivrance nominative constitue un pré-requis indispensable à la qualité des soins, y compris dans les petits établissements, indique le Livre blanc du Synprefh présenté en juillet dernier et préfacé par la ministre de la santé, Roselyne Bachelot.
La première étape est d'informatiser les prescriptions pour qu'elles puissent être transmises à la pharmacie où une analyse pharmaceutique est réalisée (comme en officine de ville) avant préparation des produits. Or, l'informatisation est encore un grand chantier à l'hôpital.
"Petit-à-petit, les choses avancent", indique Mariannick Le Blot, citant le travail récent sur la clarification des étiquetages (avec la circulaire Dhos du 19 décembre) ou encore les contrats de bon usage qui ont rendu obligatoire la préparation centralisée des anticancéreux.
En attendant l'informatisation, le Synprefh recommande à ses adhérents de mettre en place divers systèmes visant à éviter des erreurs comme les armoires automatisées dans les services. Les infirmières doivent taper le nom du médicament et un tiroir s'ouvre pour libérer le produit demandé.
"Il faudrait que tout l'injectable soit préparé à la pharmacie", estime la présidente. Mais cela demande beaucoup de moyens. Certains hôpitaux ont choisi de le faire avec une automatisation des préparations, mais globalement les solutés massifs sont rarement en circuit nominatif.
Le Synprefh a beaucoup milité pour que le plan hôpital 2012 privilégie l'informatisation et une partie des crédits ont été attribués aux systèmes d'information hospitaliers (SIH). "C'est un point positif, mais il faut poursuivre les efforts", ajoute-t-elle. En plus d'un budget, il faut aussi des compétences de terrain pour aider les équipes. Pour le Synprefh, il faut harmoniser les projets informatiques dans les régions avec des équipes de support.
"Le problème, c'est que les programmes de sécurisation demandent des investissements et que les hôpitaux ont des budgets de plus en plus serrés qui rendent difficile de mettre en place des mesures nouvelles", commente la pharmacienne.
Le Synprefh attend aussi la publication de l'étude d'impact de la sécurisation du circuit du médicament conduite par la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (Dhos), ainsi que des bonnes pratiques de dispensation, qui bien que prévues par la loi, ne sont toujours pas publiées ni même rédigées.
"Le problème est bien connu", s'insurge pour sa part le Syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers universitaires (SNPHPU), dans un communiqué diffusé mercredi.
"Les causes de ces événements dramatiques sont multiples, typiques des systèmes complexes et ils sont pourtant évitables", indique le syndicat citant les chiffres récemment avancés de 140.000 hospitalisations provoquées par des accidents médicamenteux et 13.000 décès avérés chaque année.
"Il est indispensable que les choix ne se fassent pas au détriment de l'application des strictes règles de base du code de la santé publique", souligne le SNPHPU. Le code prévoit que le médecin prescrit, le pharmacien dispense et l'infirmière administre, rappelle-t-on.
"Il faut cesser de croire que des mesures uniquement ponctuelles comme seulement changer ou coloriser une étiquette sur un médicament suffisent à garantir la sécurité indispensable à son usage", ajoute le communiqué.
Le syndicat rappelle que cette sécurisation s'inscrit dans les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens signés entres les directeurs d'établissements et des agences régionales de l'hospitalisation (ARH).
Le SNPHPU demande "l'arrêt des polémiques médiatiques" au profit d'un "engagement fort de l'Etat et de la communauté hospitalière pour assurer la promotion et la réorganisation du service public". "Point n'est besoin de révolution de notre système de santé, il convient que les règles qui existent soient appliquées sans réserve", conclut-il.
INFOS ET ACTUALITES
Décès à l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul: Dysfonctionnements dans le circuit du médicament
Publié le 02/01/2009
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Source : infirmiers.com
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