L'Inspection générale des affaires sociales (Igas) évoque des "divergences d'appréciation médicale" et des "dysfonctionnements organisationnels" dans son rapport sur les conditions de prise en charge d'un patient de Massy (Essonne) dans la nuit du 27 au 28 décembre 2008, décédé avant d'avoir pu être placé dans un lit de réanimation.
Cette affaire a fait grand bruit fin 2008, provoquant notamment un point presse de Roselyne Bachelot au ministère de la santé le 29 décembre et une polémique sur les disponibilités de l'lle-de-France en lits de réanimation, rappelle-t-on.
Alors que son épouse avait appelé les pompiers le 27 décembre à 23h53, l'homme est décédé le lendemain matin vers 6h15 à son arrivée à l'hôpital Lariboisière (Paris), sans que la demande d'admission de ce malade dans un service de réanimation exprimée par le médecin urgentiste du Smur primaire à 1h41 n'ait pu être satisfaite, relate l'Igas dans son rapport daté de mars 2009 dont APM s'est procuré une copie.
L'Igas confirme que l'absence d'admission du patient en réanimation n'était "pas due à une insuffisance de lits disponibles" dans cette spécialité, comme l'avait déjà assuré la ministre fin 2008.
Elle indique également que l'admission plus précoce du patient dans un service de réanimation "n'aurait, selon toute vraisemblance, pas modifié ni retardé l'issue fatale de la maladie", comme l'avait indiqué le directeur général de la santé (DGS), Didier Houssin, en janvier 2009 à la vue des premières conclusions.
L'inspection souligne que l'homme "a bénéficié dès sa prise en charge à domicile par le médecin du Smur primaire de la plupart des techniques de réanimation disponibles dans les services de réanimation et ceci de manière continue sans interruption jusqu'à son décès".
L'homme qui souffrait d'une pneumopathie, ce qu'avait diagnostiqué ce médecin, a fait cinq arrêts cardio-respiratoires au cours de la nuit, dont le dernier "peu avant son arrivée à l'hôpital Lariboisière".
Cependant, "des divergences d'appréciations médicales successives ont compliqué son parcours et retardé la mise en place d'une solution opérationnelle", constate l'Igas.
La première est survenue à 2h15 lorsque, contacté par le médecin régulateur du Samu 91, le médecin réanimateur de l'hôpital Bichat, qui avait "des lits disponibles", a estimé que l'admission du patient en réanimation n'était pas justifiée et que ce patient devait d'abord être pris en charge dans un service d'urgences.
Le réanimateur de Bichat a récusé un autre patient de l'Essonne, précise l'Igas.
La seconde divergence a eu lieu quelques minutes plus tard, lorsque le réanimateur de l'hôpital Saint-Antoine a posé une indication d'une coronarographie comme préalable à l'admission en réanimation. Or, cet hôpital ne disposait pas de coronarographie.
L'indication de cet examen a été clairement contestée par le médecin du Smur primaire, puis a posteriori par le médecin des urgences et le cardiologue de l'hôpital de Longjumeau, compte tenu de l'état septicémique du patient.
Il est apparu par la suite que l'interne de Saint-Antoine qui avait été en contact avec le médecin régulateur du Samu 91 "n'avait ni mémorisé ni transmis" à sa chef de clinique la symptomatologie infectieuse. L'indication de coronarographie a donc été posée "sur la base d'un tableau clinique involontairement incomplet".
"S'en tenant à la prescription d'une coronarographie par la chef de clinique de Saint-Antoine", le médecin régulateur du Samu 91 s'est mis en recherche d'un établissement adapté, ce qui sera fait vers 5h auprès de l'hôpital Lariboisière, après que le réanimateur de Bichat soit intervenu auprès de l'unité de soins intensifs de cardiologie de cet établissement.
La mission de l'Igas précise qu'après avoir auditionné le réanimateur de Bichat, l'interne en cardiologie et le coronarographiste d'astreinte de Lariboisière, elle a constaté "l'absence de véritable discussion clinique de l'indication de coronarographie entre ces trois médecins".
PLUSIEURS CAUSES ONT RETARDE LE PLACEMENT EN REANIMATION
L'Igas ajoute que des "causes organisationnelles, les unes fortuites, les autres systémiques, ont retardé le placement du patient dans un lit de réanimation".
Elle précise ainsi que le Samu 91 a appelé le standard de la Pitié-Salpêtrière pour trouver un lit de réanimation mais que le standard "ne répondant pas pendant quatre minutes, la communication a été abandonnée".
La direction générale de l'AP-HP a indiqué par la suite qu'en cas d'occupation du standard de la Pitié-Salpêtrière, l'appelant entend une sonnerie d'appel et non une tonalité d'occupation.
Il est apparu également que le Samu 91 ignorait les numéros d'appels directs des services de réanimation de cet établissement.
Plus généralement, "la méthode de recherche par le Samu des places disponibles est artisanale", déplore l'Igas.
Elle remarque que le Samu 91 n'avait une visibilité sur les places de réanimation et de surveillance continue disponibles dans l'Essonne que deux fois par jour (6 h et 18 h) et qu'il n'en avait aucune sur celles dans les départements limitrophes.
Le Samu 77 n'avait lui-même pas de vision des places disponibles dans son propre département tandis que le Samu 75, qui a bien été contacté dans la nuit du 27 au 28 décembre, n'avait pas de vision régionale, le logiciel Capri n'étant pas suffisamment renseigné.
"Entre 23h38 et 4h15 du matin, pour l'ensemble des trois patients pour lesquels un médecin urgentiste a demandé au Samu 91 l'admission en réanimation, le médecin régulateur du Samu 91 appellera successivement 30 établissements publics et privés", souligne l'Igas. Sur ces 30 établissements, seuls quatre disposaient d'un lit de réanimation disponible (clinique privée du Val d'Yerres et hôpitaux Bichat, Saint-Antoine et Lariboisière), précise-t-elle.
Dans ses autres constats, l'Igas met aussi en cause l'organisation des Samu par département qui suscite selon elle "un cloisonnement des acteurs".
Elle critique également assez longuement l'absence d'organisation de la réception des patients transportés par un Smur à l'hôpital Lariboisière et en particulier "l'accueil déplorable" dont a souffert le Smur de Corbeil dans la nuit du 27 au 28 décembre.
EXPERIMENTER UN CONTACT DIRECT ENTRE MEDECINS
A l'issue de son enquête, l'Igas émet plusieurs recommandations. Elle suggère tout d'abord qu'un "contact direct" soit expérimenté entre le médecin urgentiste au chevet du malade et le médecin hospitalier responsable de l'admission en établissement en cas de divergence d'appréciation sur les indications médicales.
Elle appelle également à "parfaire" les dispositifs d'information sur les lits disponibles en réanimation et en cardiologie interventionnelle, en promouvant l'utilisation du logiciel Capri, en dotant les Samu d'un outil électronique donnant la cartographie de l'offre et d'un annuaire à jour des services des établissements.
Critiquant le découpage des Samu par département, elle propose de "décloisonner l'organisation des urgences en région parisienne en étudiant la création d'une organisation centralisée au niveau régional".
Soulignant que la direction de l'hôpital Lariboisière a pris une initiative pour améliorer la signalétique et l'information du Smur sur les accès de l'établissement, l'Igas suggère plus généralement de demander aux hôpitaux de "protocoliser les conditions d'accueil des patients transportés par Smur" sur la base d'un protocole type élaboré par la Dhos.
Elle conseille aussi de "vérifier" l'adéquation de la répartition spatiale de l'offre en région parisienne avec les besoins en réanimation et en cardiologie interventionnelle.
PARIS, 22 juillet 2009 (APM)
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