La direction du centre hospitalier Philippe Pinel d'Amiens et l'avocat de l'infirmière mise en examen après le décès d'une patiente ont fourni lundi à l'APM des versions divergentes des faits.
Une information judiciaire a été ouverte après le décès le 4 août d'une patiente de 30 ans dans une salle de bains d'un bâtiment d'hospitalisation de l'établissement. L'infirmière, suspendue administrativement à titre conservatoire depuis le 7 août, a été mise en examen pour homicide involontaire par négligence et placée sous contrôle judiciaire avec interdiction d'exercer.
Une enquête de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) est en cours depuis septembre, a-t-on appris auprès de la direction.
Alors que l'avocat de l'infirmière invoque une insuffisance d'effectifs au moment des faits, le directeur de l'hôpital dément cette version.
L'infirmière était "seule pour s'occuper de 17 patients au moment des faits", a déclaré lundi à l'APM son avocat, Me Hubert Delarue.
L'avocat souligne que sa cliente "se sent responsable de ce qui s'est passé", "est très culpabilisée et déstabilisée par la situation". Mais, souligne-t-il, "elle était seule dans un service pour psychotiques accueillant 17 ou 18 personnes" et ne "veut pas être le bouc-émissaire d'un dysfonctionnement du service".
"Cette infirmière est expérimentée, parfaitement considérée par sa hiérarchie et par ses patients", souligne Me Delarue.
"Ce jour-là, le mardi 4 août en fin d'après-midi, elle s'est retrouvée seule, alors que d'habitude il doit y avoir trois ou quatre personnes, dont une infirmière et une aide médico-psychologique (AMP). L'aide médico-psychologique a dû accompagner un patient pour une hospitalisation à l'hôpital Nord du CHU d'Amiens. Elle a dû donc gérer seule les problèmes habituels".
"Il était prévu un bain thérapeutique pour une patiente. C'était une patiente se déplaçant en fauteuil mais ayant tout de même une certaine autonomie, puisqu'elle pouvait s'habiller, se déshabiller et entrer dans la baignoire".
"L'infirmière a commencé à faire couler le bain à 37 degrés, puis elle a été prise d'une envie irrépressible, envie qu'elle retenait depuis plusieurs heures. Connaissant la patiente, elle lui a dit de l'attendre, le temps qu'elle aille aux toilettes. Quand elle est partie, la patiente était en dehors de la baignoire, la porte de la salle de bains est restée ouverte", raconte l'avocat.
"En sortant des toilettes, elle a croisé une infirmière d'un autre service qui avait été appelée en renfort. Elle a commencé à lui expliquer des choses, puisque cette collègue ne connaissait pas le service, puis elle s'est rappelé qu'un bain coulait. Mais quand elle est entrée dans la salle de bains, la patiente était au fond de la baignoire dans une eau à 60 degrés".
L'avocat précise que "personne n'a entendu de bruit ou de cris en provenance de la salle" et que sa cliente "estime qu'elle s'est absentée entre 5 et 10 minutes maximum".
"Deux questions se posent: qui a fermé le robinet d'eau? Est-ce la patiente, qui, selon certains, était en capacité de le faire, est-ce quelqu'un d'autre? Et pourquoi la température de l'eau est passée de 37 degrés à 60 degrés ?", interroge l'avocat.
L'infirmière seule responsable, selon la direction
Pour le directeur de l'hôpital, Gérard Delahaye, cette présentation des faits est erronée.
"Au moment des faits, l'infirmière n'était pas seule. Le manque d'effectifs qui est invoqué par certains n'est pas réel ni recevable. Il y avait quatre personnes présentes dans le service, conformément à ce qui était prévu au planning. L'AMP partie pour accompagner un patient a été remplacée par une infirmière en appliquant la procédure de renfort qui existe dans l'établissement", a-t-il déclaré lundi à l'APM.
"La suspension de l'infirmière à titre conservatoire a été motivée par une faute personnelle grave pouvant être considérée comme détachable du service", poursuit-il.
"L'infirmière le sait, elle ne devait pas laisser la patiente seule dans la salle de bains au bord de la baignoire. Elle est d'ailleurs mise en examen pour homicide involontaire par négligence".
Il relève par ailleurs que la famille de la victime a indiqué qu'elle ne pouvait pas se déshabiller toute seule, contrairement à ce qu'affirme l'infirmière.
Gérard Delahaye a aussi indiqué que la baignoire dans lequel le bain a été donné avait fait l'objet d'une maintenance par la société extérieure en charge.
Depuis, tous les robinets ont été vérifiés pour détecter d'éventuels défauts de fonctionnement des thermostats. Mais aucun élément n'a été trouvé.
"Jusqu'à présent, je n'ai aucun élément qui peut engager la responsabilité de l'hôpital", a-t-il déclaré.
Le directeur souligne par ailleurs que les causes du décès, noyade ou brûlures, ne sont pas connues de lui.
Le directeur de l'hôpital indique qu'un conseil de discipline doit se tenir prochainement pour entendre l'infirmière. La réunion devait se dérouler fin octobre mais elle pourrait être repoussée en raison des enquêtes en cours, procédure judiciaire et enquête de l'Igas.
Interrogé sur les mesures prises après le constat du décès, le directeur a indiqué que la patiente avait été portée sur un lit et la baignoire vidée. "Ce n'est qu'après plusieurs heures qu'un cadre de santé a pensé à prévenir la police vers minuit. Mais il n'y avait aucune volonté de dissimuler quoi que ce soit".
Contactée par l'APM, l'avocate de la famille de la victime, Me Virginie Canu, a indiqué que la famille ne souhaitait pas communiquer. La famille s'est constituée partie civile pour avoir accès au dossier, a-t-elle précisé.
Par Hélène MAUDUIT
INTERNATIONAL
Infirmiers, infirmières : appel à candidatures pour les prix "Reconnaissance" 2025 du SIDIIEF
HOSPITALISATION A DOMICILE
Un flash sécurité patient sur les évènements indésirables associés aux soins en HAD
THÉRAPIES COMPLÉMENTAIRES
Hypnose, méditation : la révolution silencieuse
RECRUTEMENT
Pénurie d'infirmiers : où en est-on ?