La situation sanitaire est "particulièrement préoccupante" en France. Le gouvernement ne cache pas son inquiétude et Jean Castex a pris la parole, jeudi 22 octobre, pour annoncer le basculement de plusieurs départements en "alerte maximale" contre le Covid-19, avec de nouveaux couvre-feux à la clef dans 38 départements supplémentaires ainsi qu'en Polynésie pour une durée de six semaines. Dans les hôpitaux, et sur le terrain en libéral, les soignants encaissent avec peine cette deuxième déferlante de cas, entre lassitude, manque de personnel, de matériel et de lits. On fait le point sur l'épidémie dans l'hexagone et outre-mer.
Les courbes de l'épidémie de Covid-19 ne cessent de croître, en France, comme dans de nombreux pays européens qui ont dû se résoudre à prendre des mesures drastiques (L'Irlande et le pays de Galles reconfinent leur population depuis la semaine dernière). Toute l'Europe est en train de flamber
, a ainsi souligné, jeudi, le Ministre de la santé Olivier Veran devant la commission des lois de l'Assemblée nationale, citant la République tchèque (pourtant exempte lors de la première vague), l'Angleterre, le Pays de Galles, l'Irlande ou encore l'Allemagne. En France aussi, les contaminations s'accélèrent : plus de 41 622 cas ont été diagnostiqués en 24 heures, ce qui est un nouveau record. Record qui a d'ores et déjà poussé le gouvernement à réclamer la prolongation de l'état d'urgence, déjà réactivé dans plusieurs département depuis le 17 octobre, jusqu'au 16 février 2021, malgré la réduction drastique de la durée d'obtention des résultats de tests PCR, analyse la Drees.
Selon Santé Publique France, 7 122 cas ont été confirmés en Guadeloupe au 16 octobre, avec une indicence plus élevée chez les 45-64 ans et une incidence élevée chez les plus de 65 ans. Libérale en pratique avancée en exercice ambulatoire, une infirmière rend compte de la situation sur place.
Cela pourrait être le début d'une fable
, raconte Pierrette Meury, IDEL et Infirmière en pratique avancée en Guadeloupe. C'est en réalité l'histoire de nos exercices dans une période de crise inédite. C'est un début d'activité très chaotique après 5 mois de démarrage, alors que les démarches administratives sont tout juste abouties, que les négociations conventionnelles ont accouché de forfaits trimestriels loin d'être à la hauteur pour répondre au besoin des patients atteints de pathologies chroniques. Comme tous, nous avons été frappés dans nos quotidiens professionnels par cette épidémie, inimaginable avant février 2020
.
Démarrer l'exercice libéral d'un nouveau métier infirmier, inconnu d'une partie des médecins, des infirmiers et des patients dans un contexte COVID... il n'y a pas de conditions pires !
Combien d'entre nous auront réussi cette installation? Il est aisé de juger du peu de visibilité des 63 premières diplômées, comment espérer voir un quelconque résultat dans de telles conditions de démarrage en libéral ? Des conditions de fragilité professionnelle, de fragilité financière, d'incertitudes sur les collaborations... Et pourtant chacun de nous s'est positionné avec ses toutes nouvelles compétences, très souvent en appui, en complémentarité face aux besoins des pairs et des équipes. Mais aussi auprès des patients en prévention, en dépistage, en coordination, en logistique… un positionnement tout en finesse, en ajustement, avec une grande capacité d'adaptation et des qualités relationnelles fines
.
Cette crise a donné un coup de pouce à la collaboration pluriprofessionnelle avec le médecin et avec l'équipe. C'est bien connu dans l'épreuve, il y a entraide. Nous nous sommes tous mis, ensemble, au service des patients face à leurs besoins. Nous avons retrouvé la boussole de nos missions : le patient ! Au fil des consultations l'expérience infirmière solide a servi pleinement le positionnement IPA. Le rôle IPA a essentiellement été dans la prévention individuelle ou collective COVID mais pas que ! Elle a aussi oeuvré à la prévention des décompensations, au suivi de l'observance thérapeutique, au soutien psychologique par l'écoute, au recours à des ressources sociales territoriales ou un lien avec les idel. L'IPAL est devenue un appui pour ses collègues, en diffusant l'information, en aidant à organiser, à situer quel EPI par rapport à quelle situation, en étant le relais avec le MG ou l'avant garde de la consultation médicale. Plusieurs situations d'urgences vitales ou moins, allant de la décompensation diabétique à l'infection urinaire ont trouvé leur réponse grâce au regard IPA. A peine sortis de la première vague, nous sommes de nouveau en état d'urgence sanitaire ...
Chez nous on dit "il ne faut jamais blâmer une contrariété" (Fò pa ou jen blanmé on kontrayété) probablement est ce notre manière de débuter nos nouveaux exercices ? Nous en tirerons le positif, certainement cette situation entrainera des difficultés d'exercice avec son lot d'inquiétudes. N'ayant pas d'autre choix, cette crise fera partie de l'histoire des débuts des infirmiers en pratique avancée, elle aura son influence mais assurément rendra plus fort les IPA et probablement la relation entre les acteurs qui auront ensemble surmonté ces épreuves grâce à leur entraide
.
En France, "l'heure est grave"
l'épidémie a flambé dans l'immense majorité du pays, à l'exception notable de deux régions encore sous la cote d'alerte : la région Bretagne et la région Nouvelle Aquitaine, l'ensemble du pays a depuis basculé en zone d'alerte, a détaillé le ministre de la Santé, rappelant que
les conséquences sanitaires en termes d'impact hospitalier et de réanimationse verront
dans deux ou trois semaines. Les chiffres sont encore plus inquiétants dans certaines régions. Face à cette explosion de cas, le gouvernement a étendu jeudi le couvre-feu nocturne. Six jours après les couvre-feu instaurés entre 21h et 06h à Paris, Lille, Lyon, Marseille, Rouen, Grenoble, Saint-Etienne, Montpellier et Toulouse : 38 nouveaux départements et la Polynésie sont désormais concernés, a fait savoir le Premier ministre Jean Castex lors d'une conférence de presse jeudi après-midi . A partir de minuit ce vendredi et pour une durée de six semaines, 46 millions de personnes à Paris et dans les principales villes, soit les deux tiers de la population du pays.
Les semaines qui viennent seront dures et nos services hospitaliers vont être mis à rude épreuve, a-t-il prévenu, attendant un mois de novembre
éprouvantet un nombre de décès qui
va continuer d'augmenter.
La France approche le million de personnes contaminées (999 043 au 22 octobre) et le taux de positivité ne cesse de grimper à 14,3% (contre 12,6% vendredi dernier
), et seulement 4,5% début septembre. Le taux d'incidence, indicateur-clé qui relève le nombre de nouveaux cas sur sept jours pour 100 000 habitants, est notamment en hausse à Clermont-Ferrand (322), Tours (237) ou Nantes (194). A Strasbourg, où il frôle désormais le seuil d'alerte maximale, le taux d'incidence double chaque semaine
, constate l'Agence régionale de santé du Grand est, conduisant la mairie de Strasbourg à renoncer à son marché de Noël traditionnel, au grand dam des forains. Dans la Loire, particulièrement touchée, le couvre-feu va être étendu à l'ensemble du département à partir de vendredi minuit, a également annoncé la préfète dès mercredi 21 octobre au soir.
L'heure est grave avec un doublement du taux d'incidence tous les 15 jours
, a insisté Gabriel Attal jeudi sur LCI. Le porte parole du gouvernement a rappelé à cette occasion que toutes les mesures
prises par le gouvernement visent à empêcher un reconfinement
, aux conséquences catastrophiques sur le plan socio-économique. Une question cruciale pour l'exécutif, qui cherche un difficile point d'équilibre entre la gestion de la situation sanitaire et le maintien à flot de l'économie. L'Assemblée nationale a approuvé mercredi soir une rallonge de 2,405 milliards d'Euros pour les établissements de santé, qui doit permettre l'ouverture de 4 000 nouveaux lits
d'hôpitaux et des revalorisations salariales promises aux soignants.
Les semaines qui viennent seront dures, les services hospitaliers seront mis à rude épreuve (...) le mois de novembre sera éprouvant et le nombre de décès va continuer à augmenter. Jean Castex
La région Auvergne-Rhône-Alpes sous étroite surveillance
Les autorités de santé d'Auvergne-Rhône-Alpes ont appelé jeudi 22 octobre à la plus grande vigilance vis-à-vis des personnes à risque de développer une forme grave de Covid-19 face à la "dynamique particulièrement forte" de l'épidémie dans la région. Les indicateurs de suivi de l'épidémie sont en forte progression dans les quatre métropoles de Lyon, Saint-Étienne, Grenoble et Clermont-Ferrand, ainsi que dans tous les départements de la région, souligne l'Agence régionale de santé dans un communiqué. Ainsi, le taux d'incidence en Auvergne-Rhône-Alpes est de plus de 400 (800 pour Saint-Etienne en particulier) pour 100 000 habitants et le taux de positivité supérieur à 18%, dépassant les taux nationaux. Le taux d'incidence en France est de 250/100.000 habitants et le taux de positivité de 13,7%. La dynamique de l'épidémie dans notre région "est donc particulièrement forte", note l'ARS. Le 18 octobre, 1 929 patients étaient hospitalisés et 275 étaient en réanimation. Ce niveau d’occupation des lits de réanimation correspond au tiers du niveau atteint lors du pic de la première vague, relève l'ARS.
Dans la région, le nombre de clusters est aussi en hausse. A la date de jeudi, 175 clusters à criticité élevée sont identifiés, dont 39 nouveaux. Le tiers de ces nouveaux clusters se situe dans les établissements accueillant des personnes âgées dépendantes. Au total, 86 clusters de criticité élevée sont actuellement déclarés dans ces Ehpad, soit la moitié du total des clusters de la région. Une infirmière libérale en Martinique témoigne des difficultés sur place
En Martinique, placée en zone de vulnérabilité élevée, l'épidémie s'intensifie depuis début septembre - en particulier chez les plus de 65 ans. Une infirmière libérale témoigne.
Elisabeth Lebon est infirmière libérale en Martinique, dans la commune du Lamentin, la plus grande de l'Ile. Alors que la situation sanitaire se dégrade sur place, l’infirmière poursuit ses tournées, malgré la fatigue. Elle compte actuellement deux patients Covid Positif
dans sa patientèle. Le premier n’était pas suffisamment grave pour être hospitalisé, le second, lui, sort de réanimation et son état est suffisamment stationnaire pour un retour à domicile
, explique Elisabeth Lebon. Les tournées sont réorganisées. Quand c’est possible, je vais voir ces patients en fin de tournée, pour éviter au maximum les contaminations
, mais pour la personne qui sort de l’hôpital par exemple, cette organisation n’est pas possible. On doit voir le malade toutes les 12h pour des soins (injection d’anticoagulant, un traitement qui a à voir avec le Covid, à titre préventif, car les patients infectés risquent des phlébites ou des thromboses, explique l'infirmière). Nous le voyons donc au beau milieu de la tournée, ce qui implique de s’équiper à ce moment-là : masque, surblouse... Parfois nous découvrons que le patient est Covid Positif une fois sur place, car les gens ne nous préviennent pas toujours
. L’infirmière doit donc redoubler de prudence. Le manque de matériel ne l’aide pas. Si j’ai des stocks de masques, c’est parce que j’ai fait des réserves
, confie Elisabeth Lebon. Sinon je n’aurais tout simplement pas pu faire mon travail ni prendre en charge des patients à risque aujourd’hui. Quand la crise a commencé, je venais juste de recevoir des équipements, ce qui est bien tombé, mais rapidement, je me suis retrouvée en insécurité : les journées sont très chaudes, on transpire beaucoup, ce qui fait qu’il nous faudrait en réalité presque 5 ou 6 masques par jour. Même si nous avons les dotations d’état, (avec notamment 12 FFP2), les arrivages sont irréguliers. J’ai eu 2 dotations depuis le mois de septembre, Donc honnêtement j’essaye de garder les masques au maximum : j’en utilise 3 par jour. Je n’ai pas le choix, mais c’est un danger pour moi et pour les patients un peu lourds
, déplore l’infirmière.
Quant aux relations avec l’ARS, elles sont inexistantes d’après Elisabeth Lebon. On n’a pas de liaison. Ils sont censés recenser les patients contacts mais ce n’est pas systématiquement fait. Actuellement, nous vivons en plus une épidémie de dengue, ce qui ne facilite pas les choses. Je réalise des tests Covid (j’ai reçu une formation) mais lorsque les patients sont détectés positifs, je constate que les proches ne sont pas prévenus avant une semaine !
regrette Elisabeth Lebon qui dénonce la lenteur de l’ARS. La lenteur existe aussi à un autre niveau. Lorsqu’on découvre un cluster au domicile, tout de suite il est possible de faire des tests à J2 ou J3. Ça m’est arrivé dans un foyer de vie. L’ARS a contacté les professionnels à J3 pour leur demander de se mettre en arrêt de travail mais a proposé des tests à J10 ou J12
, raconte l’infirmière qui là encore, se désole du manque de réactivité de l’administration.
Je m’aperçois que je suis réactive par rapport à ce qui se passe. Les laboratoires par exemple, ne peuvent pas toujours répondre aux patients en temps et en heure pour leur donner des rendez-vous afin d’effectuer des tests PCR – ils sont obligés de prioriser les demandes, mais on perd beaucoup de temps
, regrette l’infirmière qui pointe du doigt les difficultés d’organisation, ressenties à tous les niveaux
.
Côté moral, le tableau n’est pas plus réjouissant. Je n’en peux plus
, confie l’infirmière libérale qui a déjà affronté la première vague et qui a eu peu le temps de se reposer avant cette seconde. Je ne crois pas être en burn-out mais cette hyper-vigilance est épuisante
, assure-t-elle. L’organisation lui pèse aussi beaucoup. On nous demande d’être encore en alerte, on nous demande de donner plus. J’ai l’impression qu’on n’a rien appris de cette première vague. On continue à se débrouiller seuls
. Au Lamentin heureusement, les soignants font preuve d’une entraide et d’une solidarité salvatrices. On s’organise comme on peut, on fait des tournées « spécial-Covid » avec des réalisations de tests PCR
. De manière général, le moral des troupes est en berne
, explique Elisabeth Lebon. Entre nous, on s’encourage mais on sent la fatigue générale. La Martinique compte actuellement environ 100 nouveaux cas de plus par semaine
. Et pour ne rien arranger : On voit bien que la population aussi en a marre et que les gens sont peu observants...
Anne Perette-FicajaDirectrice des rédactions paramédicales adjointeanne.perette-ficaja@gpsante.fr @aperette
Susie BOURQUINJournaliste susie.bourquin@infirmiers.com @SusieBourquin
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