La méditation fondamentale, de pleine conscience (mindfulness), … deux outils que le soignant peut s’approprier afin de les mettre au service des besoins des personnes âgées dans les Ehpad ou au domicile. Une approche vieille de 2 500 ans étonnamment contemporaine dans ses réponses aux besoins de notre époque. Au travers d’un cas concret, les bénéfices pour le patient se révèlent encourageants.
En latin, "meditare" signifie "contempler". La méditation est une pratique qui entraîne l’esprit à se libérer des pensées parasites. C’est une activité qui demande de se concentrer sur notre propre respiration ou sur une image/situation proposée par un guidant. Elle œuvre dans la concentration sur l’ici et le maintenant, mène à l’acceptation de ce qui se passe en nous et au lâcher-prise. En 2004, Christophe André, psychiatre, introduit dans le soin des séances de méditation comme outil d’accompagnement1. Les études cliniques et expérimentales ont démontré l’efficacité de cette procédure dans l’amélioration des manifestations de l’anxiété, la dépression, les détresses émotionnelles provoquées par des pathologies chroniques, la douleur2. Focus expérientiel sur ses applications possibles auprès des seniors dépendants.
Diffusion de la pratique
Aux IFMS d’Albi, les étudiants et le personnel bénéficient de séances de méditation fondamentale inspirées de la méthode zazen et de la méditation de pleine conscience initiée par Jon Kabat Zinn3. Grâce à ces ateliers, j’ai eu l’opportunité de transférer cette expérience dans les soins. Lors d’un stage en Ehpad où j’ai été accueillie pendant huit semaines, en mai et juin 2021, en accord avec l’encadrement, j’ai pu proposer cet accompagnement à une résidente : Lors de notre rencontre, Madame C. est en attente de son rendez-vous chez le neurologue, en vue d’une réévaluation de son traitement symptomatique, la L-Dopa. A la triade parkinsonienne se rajoutent des douleurs diffuses, difficiles à décrire, qui compliquent son quotidien, rythmé hélas trop souvent uniquement par la prise de ses traitements et des exercices avec la kinésithérapeute. Pour soulager ses douleurs, elle prend un antalgique de palier 1 et refuse l’antalgique de palier 2, qui la rend somnolente. Les désagréments liés à sa maladie de Parkinson l’isolent du reste des habitants de l’Ehpad. Elle y vit depuis quatre mois mais ne souhaite pas encore participer à la vie collective. Après avoir exposé cette situation lors d’un enseignement clinique, nous décidons, avec le tuteur de stage et le référent pédagogique, de lui proposer des séances de méditation guidées, dont l’objectif spécifique est la gestion de la douleur. Madame C. accepte volontiers de participer à ce programme.
Un outil rationnel et évaluable
J’ai élaboré une fiche d’action éducative, rédigé le contenu de la séance d’une durée de 10 minutes environ. Les conseils de mon référent pédagogique m’ont permis de rédiger une fiche d’anamnèse préparatoire aux séances, utile pour guider la personne soignée dans un univers qui lui ressemble ; et une fiche d’évaluation d’une séance pour comparer les ressentis de la patiente avant et après la séance. La méditation guidée s’appuie sur des techniques de sophrologie comme la visualisation, l’exercice du balayage corporel, qui permettent de prendre conscience d’éventuelles tensions dans le corps. La méditation de pleine conscience prend le relais avec l’observation et l’accueil des émotions sans jugement. Ces deux pratiques sont complémentaires et ont favorisé l’adhésion de Madame C., ancienne pratiquante de la sophrologie.
C’est parti !
La séance comprend une prise de conscience des parties du corps, une observation de la respiration. Il y a aussi un exercice de visualisation et d’accueil de la douleur : la personne doit focaliser une zone douloureuse, l’observer, lui laisser de l’espace pour s’exprimer, visualiser la respiration qui vient morceler et désagréger cette douleur. Le soignant, guide de la séance, peut insister sur l’idée de morcellement et de dispersion. Cela favorise la construction d’un mécanisme d’annihilation de la douleur. Les résultats de cette expérience reposent sur mes observations et sur les ressentis de la personne soignée, avant et après la séance. 11 évaluations sur 15 montrent une évolution positive des critères après la séance. Dans tous les cas, il n’y a jamais de moins bonnes appréciations. Madame C. est motivée pour pratiquer seule mais exprime le besoin d’être guidée sur le déroulement d’une séance. Un peu avant la fin de mon stage, je lui ai laissé un enregistrement avec ma voix, d’une séance, afin qu’elle pratique seule, ou la nuit lorsque ses douleurs la réveillent. Au mois d’août, deux mois après cette expérience, Madame C. a vu son traitement être réajusté et elle gère mieux son quotidien avec sa maladie. Elle participe à la vie collective. Elle s’est remise à la peinture, sa principale passion.
La méditation, un outil précieux pour les sciences infirmières
La méditation de pleine conscience est un accompagnement qui a permis à Madame C. de se sentir écoutée et considérée dans cette phase compliquée de sa vie. Ces séances lui ont apporté une réassurance, un soutien moral, une compréhension de ce qu’elle vit, un cheminement vers l’autonomisation de la gestion de la douleur avec un enregistrement et des exercices à pratiquer seule, un apaisement. La méditation ne remplace pas les traitements symptomatiques nécessaires. C’est un accompagnement spirituel qui permet de mieux gérer les sensations du corps physique pour accéder au bien-être. Il ne présente aucun danger et la personne soignée qui adhère à cet accompagnement évalue elle-même ses effets. C’est une voie vers l’auto-contrôle. La séance a été conçue pour les besoins de cette personne, mais elle est modulable et réajustable au fil du temps. Avec un minimum de préparation et de pratique, la patience, l’écoute, le temps accordé à la personne sont les ingrédients qui feront lien et donneront de l’espoir et du bien-être dès la première séance. Si l’équipe de soins est ouverte à ce type d’accompagnement, il est intéressant d’innover et de l’expérimenter. En toutes circonstances, l’infirmier s’efforce, par son action professionnelle, de soulager les souffrances du patient par des moyens appropriés à son état et l’accompagne moralement. L’infirmier a le devoir […] de dispenser des soins visant à soulager la douleur
(Article R. 4312-19 du Code de la santé publique). Selon John Kabat-Zinn, professeur en médecine connu pour contribuer à la diffusion de la méditation de pleine conscience, cet accompagnement est de plus en plus utilisé dans les soins généraux4. Pourquoi ne serait-il pas proposé en Ehpad aux personnes âgées ? Cette pratique permet aux sciences infirmières de s’enrichir, de s’autonomiser et d’offrir une prise en charge non médicamenteuse précieuse potentiellement efficace contre la douleur. Elle permet une connexion forte et éminemment soignante avec et pour autrui dans des institutions justes.
Notes
- France Culture (podcast), Méditation et psychologie positive, 2017
- La méditation de Pleine Conscience pour la prise en charge de la souffrance émotionnelle associée à la douleur chronique, 2016, repéré à https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01333227/document
- Au cœur de la tourmente, la pleine conscience : MBSR, la réduction du stress basée sur la mindfulness. Bruxellels, De Boeck, 2016
- France Culture (Podcast), Pourquoi faut-il mettre la méditation au centre des Thérapies ? 2017
- Paul Ricœur. Soi-même comme un autre. Paris, Seuil, 1990
Sarah Munich
Etudiante IDE de 3ème année aux IFMS d’Albi
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