Le congrès annuel de la Société francophone du Diabète (SFD) s’est déroulé à Nice, du 20 au 23 mars 2012. L’occasion d’accueillir quelques 4.000 participants (médicaux, paramédicaux et industriels) de la communauté francophone engagés dans ce qui est devenu un problème majeur de santé publique avec des projections épidémiologiques toujours plus inquiétantes en lien notamment avec le vieillissement de la population et l’obésité. L’occasion de faire un focus sur les perspectives liées à la maladie diabétique en termes de prise en charge et d’éducation thérapeutique mais aussi de recherche médicale et d’enjeux de société.
« Dans tous les pays européens mais également en Afrique et au Moyen Orient, le diabète devient un, voire le problème majeur de santé publique. Les professionnels de santé attendent des actions tangibles, un lieu de partage, de réflexion, de recherche, d'aide à la formation. La SFD entend bien répondre à ces besoins notamment via son congrès annuel », a expliqué le Pr Michel Marre, président de la Société Francophone du Diabète (SFD). Rappelons que, comme toute société savante, la SFD a pour vocation essentielle de garantir la qualité des pratiques et la progression des savoirs dans le domaine du diabète, mais aussi des maladies métaboliques, de l’obésité et de la nutrition.
L’une des premières préoccupations de la communauté scientifique et soignante est la hausse continue de la prévalence du diabète. En matière de prévalence de la maladie, les chiffres français se situent globalement dans la moyenne européenne, mais sous les valeurs américaines (environ 10 % de la population). Le chiffre s’établit aujourd’hui à 4,4 % de la population générale (une augmentation de 6 % entre 2000 et 2009) ce qui correspond à 2,9 millions de malades en 2009... et nous sommes en 2012 ! Les causes sont connues, et reconnues, le vieillissement de la population et l’augmentation de l’obésité contribuent à parts égales à l’augmentation du diabète de type 2, forme la plus fréquente de la maladie avec 92 % des cas. « La population vieillit, la précarité augmente ainsi que l’obésité, il est donc normal que le diabète traité augmente également, observe le Pr Sébastien Czernichow, médecin nutritionniste au CHU Ambroise Paré (BoulogneâBillancourt). Mais une prise de conscience à la fois des patients et des médecins amène à une meilleure prise en charge et une meilleure prévention. » En effet, le diabète est devenu un problème majeur de santé publique pouvant entraîner, à long terme, de graves complications comme la cécité, l’amputation, les maladies cardiovasculaires, rénales...
Autre évolution inquiétante, l’augmentation de la prévalence du diabète gestationnel, continue et homogène, sur l’ensemble du territoire. Ce diabète apparaît chez les femmes enceintes en cours de grossesse et de nouveaux critères de diagnostic et de dépistage montrent qu’il concerne aujourd’hui 15 % des grossesses. « Nous savons qu’une prise en charge adaptée (précoce et intensive) réduit les complications à court terme, explique le Pr Anne Vambergue, diabétologue au CHRU de Lille. La difficulté est l’adéquation des moyens, à la fois dans les services de diabétologie et d’obstétrique, pour faire face à cette prise en charge. » Les conséquences délétères du diabète gestationnel s’expriment en effet pour la mère et l’enfant en termes de « morbidité maternoâfœtale », soit des risques de macrosomie (plus de 4 Kg à terme) du nourrisson, de césarienne, d’enfant hypoglycémique... En outre, ces femmes présentent un risque multiplié par 7 de développer un diabète de type 2 dans l’avenir.
En 2010, de nouveaux critères de diagnostic et de dépistage ont été adoptés et sont appliqués depuis 2011. Un nouveau référentiel a été proposé par les organisations professionnelles concernées. « C’est un point très positif que les différentes sociétés savantes se soient mises d’accord car le diabète gestationnel, comme la question plus globale du diabète et de la grossesse, est une thématique transversale et multidisciplinaire », observe le Pr Anne Vambergue. Il y a également nécessité pour les femmes diabétiques en âge de procréer de programmer leur grossesse.
« Pour ces femmes, qu’elles soient diabétiques de type 1 ou de type 2, c’est le message le plus important à faire passer souligne le Pr Anne Vambergue. Elles doivent consulter avant la grossesse. Or, pour le diabète de type 1, alors que les patientes sont diabétiques depuis longtemps, seules 50 % d’entre elles consultent leur diabétologue ou leur généraliste avant une grossesse. On peut estimer que seulement 25 % le font parmi les diabétiques de type 2.»
La prise en charge de la maladie diabétique impose aujourd’hui un meilleur suivi et une éducation thérapeutique du patient de qualité. Selon le Dr Guillaume Charpentier, endocrinologue au Centre Hospitalier Sud Francilien, si l’éducation thérapeutique est « l’art d’apprendre au patient les fondamentaux de sa maladie, elle agit surtout sur la motivation ». L’idée est de rendre le patient mieux armé et plus autonome dans la prise en charge de sa maladie.
Les progrès technologiques ouvrent également de nouvelles fonctionnalités notamment celles de la télémédecine qui permettent par exemple au patient diabétique, grâce à un logiciel embarqué dans son smartphone, d’avoir sa prescription médicale automatisée avec lui, d’entrer ses mesures de glycémie et d’obtenir des recommandations pour ajuster la dose d’insuline à injecter en fonction de la glycémie du moment, le repas ou l’activité prévue. « Il s’agit d’un système automatique d’analyse et d’alerte intelligente, avec un aspect téléconsultation puisque toutes les données sont transmises au médecin », souligne le Dr Guillaume Charpentier. D’un point de vue thérapeutique, à terme, un véritable « pancréas artificiel » permettra de remplacer la fonction défaillante de cet organe chez les malades et de délivrer automatiquement l’hormone insuline à l’aide de pompes reliées à la mesure de la glycémie.
Autres perspectives positives, les fruits de la recherche médicale en diabétologie. « La majeure partie des thérapies cellulaires imaginées aujourd’hui concernent le diabète de type 1 », explique le Dr Bertrand Blondeau. « C’est la maladie la plus handicapante car les injections d’insuline permettent aux patients de vivre mais n’apportent pas un confort de vie suffisant. Cependant, ces recherches ont également un intérêt majeur pour le diabète de type 2 ». Plusieurs démonstrations expérimentales ont été effectuées en laboratoire, visant à remplacer les cellules bêta du pancréas qui produisent de l’insuline, absentes ou défaillantes, par des cellules intactes. Celles-ci peuvent être obtenues par plusieurs méthodes, en particulier la différenciation de cellules souches et les essais cliniques pourront démarrer chez l’homme dans quelques années. Une autre voie de recherche porte sur l’hormone antagoniste de l’insuline : le glucagon secrété aussi par le pancréas (cellules A ou alpha). « Nous savons depuis les années 1970 que dans toutes les formes de diabète, il existe non seulement un déficit en insuline mais aussi des taux circulants excessifs de glucagon, explique le Pr Pierre Lefèbvre, président de la World Diabetes Foundation. Jusqu’à présent, la physiopathologie du diabète était focalisée sur l’insuline, mais l’hormone naturelle antagoniste de l’insuline semble être secrétée en excès dans toutes les formes de diabète et cet aspect des choses a été quelque peu négligé ».Par conséquent, une nouvelle voie thérapeutique consiste à agir sur le levier « glucagon » et plus seulement sur l’insuline. « Il s’agit d’inhiber la production du glucagon ou d’inhiber les effets du glucagon sur ses récepteurs à l’aide de molécules qui vont bloquer ces sites, précise le Pr Lefèbvre. Pour l’heure, ces traitements sont en développement préclinique, pas encore à l’essai chez l’homme. »
Soulignons également les actions et les apports désormais incontournables du tissu associatif « patients » en lien avec le diabète :
- l’association française des diabétiques (AFD), créée en 1938, est une association de patients au service des patients et dirigée par des patients. Comme son nom ne l’indique pas, c’est une Fédération, dotée d’un siège national et d’un réseau de 108 associations locales, réparties sur l’ensemble du territoire national. Elle regroupe 130.000 membres. Ses centaines de militants et ses milliers de bénévoles sont unis et solidaires pour contribuer à l’amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes ou à risque de diabète. Cette profession de foi s’exprime à travers des valeurs (solidarité, engagement, entraide), se structure autour d’un projet global « Acteur de santé » et se traduit par des missions : défense de l’accès à des soins de qualité et lutte contre toutes les discriminations liées à la maladie, information et prévention, accompagnement pour l’amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de diabète par des actions individuelles ou collectives, et par la formation de patients engagés dans l’entraide, l’écoute et le partage. Les sujets d’inquiétude des personnes malades chroniques sont en effet aujourd’hui nombreux : augmentations des restes à charge, difficultés pour mener à bien une vie professionnelle, difficultés d’accès à l’assurance et à l’emprunt, ressources financières insuffisantes... Autant de facteurs qui précarisent alors que les personnes diabétiques ont les mêmes aspirations que le reste de la société : droit à l’emploi, au logement, aux assurances, un niveau de ressources suffisant, des conditions de vie digne, une véritable qualité des soins...
- l’Aide aux Jeunes Diabétiques (AJD), reconnue d’utilité publique, a pour but d’accompagner les jeunes et les familles pour vivre le mieux possible avec le diabète. Ciblée principalement sur les jeunes diabétiques de type1, l’association développe une approche pédagogique qui a fait son succès au fil des années : associer l’éducation médicale aux activités, symboles de liberté et de jeunesse ; Dans les Maisons de l’AJD, en groupe, avec d’autres jeunes, c’est l’occasion de briser l’isolement. Les médecins et les infirmières participent à toutes les activités, l’éducation médicale est intégrée au rythme des loisirs. Chaque année l’AJD accueille plus de 1.200 jeunes de 3 à 17 ans encadrés par 350 adultes lors de séjours de sports d’hiver, mais surtout l’été où 9 centres situés à la mer, la campagne, la montagne offrent un vaste choix d’activités sportives et de loisirs.
Enfin, en marge du congrès de la SFD, les endocrino-diabétologues ont présenté un « Livre blanc » afin de dessiner leur avenir en tant que spécialistes du domaine. Elaboré avec la participation de toutes les instances représentatives de la profession, ce Livre Blanc dresse un état des lieux, présente les attendus et trace les grandes lignes d'un plan de route spécifique pour une spécialité qui s’organise pour faire face à un environnement en pleine mutation : épidémies de diabète et obésité, déserts médicaux, rôle des ARS… des évolutions inéluctables qu’il faut intégrer pour dessiner l’exercice de demain, tout en intégrant les souhaits des jeunes générations d’un exercice différent. Le Livre blanc est accessible ici.
Comme on le voit, autant de perspectives et de développement positifs qui accompagneront au mieux les personnes diabétiques afin d'améliorer leur qualité de soins... et surtout de vie.
Bernadette FABREGAS
Rédactrice en chef d’Infirmiers.com
bernadette.fabregas@infirmiers.com
INTERNATIONAL
Infirmiers, infirmières : appel à candidatures pour les prix "Reconnaissance" 2025 du SIDIIEF
HOSPITALISATION A DOMICILE
Un flash sécurité patient sur les évènements indésirables associés aux soins en HAD
THÉRAPIES COMPLÉMENTAIRES
Hypnose, méditation : la révolution silencieuse
RECRUTEMENT
Pénurie d'infirmiers : où en est-on ?