Comment améliorer la prise en charge de la population LGBTI et notamment des personnes transgenres, pour qui subsistent encore de nombreux freins.
Regards en coin, remarques déplacées, comportements inappropriés, se faire soigner lorsque l'on est une personne transgenre reste difficile dans le pays « des droits de l'Homme ». C'est d'ailleurs ce que soulignait la première enquête sur la santé des LGBTI (lesbiennes, gays, bisexuels, trans, intersexes) réalisée en 2018. Ces travaux menés par deux sociologues, Arnaud Alessandrin et Johanna Dagorn, prouvent qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire quant à la prise en charge de ces patients.
En effet, alors que les personnes trans peuvent rarement se passer de médecin notamment si elles souhaitent une opération ou une hormonothérapie, elles subissent de nombreuses discriminations de la part de professionnels de santé. D'après les chiffres, 72 % des participants à l'enquête transgenre se sont senties mal à l'aise du fait de leur identité de genre contre 52 % des des femmes homosexuelles et 44 % des hommes gays.
Pour moi, vous êtes toujours un homme, alors ça sera Monsieur
Devoir de non- discrimination
Rappelons que le code de déontologie des infirmiers , effectif via le décret du 25 novembre 2016, comporte une section sur les devoirs envers les patients qui stipule que l'on doit soigner quiconque se présente indépendamment de son identité sexuelle.
Art. R. 4312-11.- « L'infirmier doit écouter, examiner, conseiller, éduquer ou soigner avec la même conscience toutes les personnes quels que soient, notamment, leur origine, leurs mœurs, leur situation sociale ou de famille, leur croyance ou leur religion, leur handicap, leur état de santé, leur âge, leur sexe, leur réputation, les sentiments qu'il peut éprouver à leur égard ou leur situation vis-à-vis du système de protection sociale. »
« Il leur apporte son concours en toutes circonstances. »
« Il ne doit jamais se départir d'une attitude correcte et attentive envers la personne prise en charge ».
Des comportements discriminants qui impactent leur santé
Face aux craintes d'être jugés, sur les 1200 personnes interrogées lors de l'étude, 40 % des LGBTI n'ont jamais parlé de leur identité de genre ou de leur sexualité à des professionnels de santé. Pourtant, ce type d'information peut-être importante. Par exemple, la prise d'un traitement hormonal peut changer la donne lors de la pose d'un diagnostic.
Pire encore, 46 % ont affirmé avoir perdu confiance en eux suite à ces discriminations et 14 % ont préféré éviter les soins ! Beaucoup choisissent de ne pas évoquer ces situations désagréables : 77 % n'en ont tout simplement jamais parlé et seulement 2 % ont porté plainte ou l'ont envisagé.
Même si la profession "infirmier.e.s" n'est pas la cible de notre enquête
, précise Arnaud Alessandrin, les chercheurs ont relevé des "embarras" et des "mauvaises pratiques" devant des patient.e.s trans (usage du mauvais prénom, patient.e.s dévisagés...)
.
Se voir appelé "la chose"
Un prénom inapproprié volontairement employé, se voir appelée « la chose » aux urgences, des propos transphobes tenus à haute voix en plein milieu d'une salle d'attente, une femme transgenre témoigne de ces pratiques. Parfois les attitudes des soignants changent quand ils prennent conscience qu’on est une personne transgenre, ils piquent moins bien ou refusent de mettre à jour notre dossier médical
.
Pour Arnaud Alessandrin, si les lesbiennes vont plutôt craindre de tomber sur des gynécos malveillants, les gays sur des généralistes homophobes, pour les personnes trans, tout professionnel de santé est suspecté de discrimination. Pour deux raisons : souvent après une mauvaise expérience, mais également par ignorance de la part des médecins. Ces patients sont souvent mal orientés, mal conseillés et mal suivis.
Les deux vont généralement de pairs : préjugés et méconnaissance. Former et informer davantage le personnel médical et paramédical sur les problématiques spécifiques à ces patients pourrait potentiellement améliorer leur prise en charge.
Connaître les risques
Une étude américaine s'est d'ailleurs penché sur le sujet. En effet, les auteurs soulignent que plusieurs travaux prouvent que le personnel des urgences ignore, dans une grande majorité, quels sont les soins médicaux appropriés pour les patients transgenres, de même qu'ils ignorent les motifs des appréhensions de ces patients face aux institutions hospitalières.
Aussi, les chercheurs rappellent que, selon le National Academy of Medicine's Bord on the Health of Selected Populations, les personnes transgenres sont définies en fonction de leur identité de genre et leur représentation. Cette population comprend les individus dont l'identité de genre diffère du sexe qui leur ait attribué à la naissance ou dont l'expression du genre varie considérablement par rapport à ce qui est traditionnellement associé à ce sexe. Elle comprend aussi d'autres personnes qui varient ou rejettent les conceptualisations culturelles et traditionnelles du genre en termes de dichotomie hommes/femmes… La population transgenre est diversifiée en matière d'identité de genre, d'expression et d'orientation sexuelle. Certains d'entre eux ont subi des interventions chirurgicales afin de modifier leur anatomie et leur physiologie sexuelle, certains souhaitent y recourir dans le futur et d'autres non.
Pour les personnes trans, tout professionnel de santé est suspecté de discrimination.
Adopter la bonne attitude : soigner sans juger
Ces travaux évoquent des pistes d'améliorations de la prise en charge en service d'urgence et appuient sur deux points : rester axer sur les soins, sur comment les faire aux mieux, et sur la civilité.
Ainsi, il est proposé de mettre l'accent sur les soins et donc de ne poser des questions que lorsque cela est nécessaire, notamment concernant le statut génital. Ce statut relève du secret professionnel et ne doit pas être révélé à ceux qui n'ont pas besoin de cette information. Il est également recommandé de se documenter sur les questions de santé relatives à cette population. Les personnes transgenres présentent notamment des risques accrus pour certaines pathologies comme la dépression, l'anxiété, les pathologies cardiovasculaires...
En parallèle, il est préconisé de s'adresser au patient par le nom et le prénom qu'il préfère en sachant qu'ils peuvent différer de ceux stipulés sur le dossier médical. En cas d'incertitude, il est suggéré de poser la question de façon diplomate. De manière générale, une politique efficace devrait être en place pour éviter tout comportements inadéquats dans le service. A l'accueil, l'affichage d'indices positifs pour les transgenres comme des brochures ou des badges peut avoir un impact positif. Il est aussi important de ne pas oublier que les personnes transgenres ne sont pas une bonne opportunité de formation pour les autres soignants.
Si ces travaux se sont concentrés sur les services d'urgence, plusieurs de ces recommandations pourraient s'appliquer à d'autres services, surtout en ce qui concerne le fait de s'informer sur les questions de santé spécifiques aux patients transgenres. En France, il existe un réel besoin selon Arnaud Alessandrin : les rares études étrangères sur l’effet des hormones qu’on donne aux personnes trans ne sont pas connues des praticiens français, ils n’ont pas toujours conscience des effets cancérigènes possibles.
Le transsexualisme déjà présent et accepté à la préhistoire
Une étude ethnographique montre que, contrairement aux idées reçues, il existait déjà des personnes transgenres dans les populations ancestrales d'Homo Sapiens. Publiées dans Human Nature, ces recherches ont été réalisées par le Centre pour les addictions et la santé mentale au Canada. Interrogé par le Huffington Post, Doug VanderLaan, principal auteur de l'étude, explique que dans certaines sociétés, ces individus s'identifiaient comme membres d'une troisième catégorie de genre : ils ne sont pas socialement reconnus comme étant des hommes ou des femmes, mais plutôt comme une troisième catégorie. » Plus intéressant encore, les individus transgenres étaient parfaitement acceptés dans la société de chasseurs-cueilleurs traditionnels. En effet, ils demeuraient des personnes présentes pour aider leurs familles et s'assuraient de la survie des générations suivantes même si, eux-mêmes, n'avaient pas d'enfants.
Surprenant, quant on sait que c'est en 2013, que l'Allemagne a été le premier pays européen a reconnaître le 3e genre. L'homme préhistorique plus tolérant que l'homme moderne ?
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