Annoncé il y a un an dans le cadre du virage numérique en santé, « Mon espace santé » a été officiellement lancé jeudi 3 février. Les Français sont prêts
» pour ce nouveau cap dans le développement du numérique en santé
, a affirmé Oliver Véran, le ministre des Solidarités et de la Santé. Et l’enjeu est de taille, après l’échec de la mise en place du Dossier Médical Partagé (DMP), promis depuis 2004, et que « Mon espace santé » entend remplacer. Avec une ambition : disposer d’un numérique en santé souverain, accessible à tous les citoyens, et répondant aux besoins, pratiques, de terrain, des professionnels de santé.
Un service à la main du patient
À l’heure actuelle, « Mon espace santé » ne dispose que de deux briques sur les quatre prévues : un espace dédié pour stocker les documents et informations de santé (ordonnances, comptes-rendus d’hospitalisations, remboursements par l’Assurance maladie…), et une messagerie de santé cryptée et sécurisée (MSSanté ), grâce à laquelle patients et professionnels de santé pourront communiquer. Chaque personne pourra rentrer ses données de santé à froid, avant une hospitalisation par exemple, pour ensuite les partager avec les professionnels de santé
, a rappelé Dominique Pon, responsable ministériel du numérique en santé. Elle pourra y noter tous ses sujets de santé : antécédents, maladies antérieures, traitements, habitudes de vie…
. De quoi rendre l’échange d’informations plus fluide entre les différents professionnels de santé mais aussi de faciliter, pour le citoyen, le suivi de ses données. Ces 15 dernières années, nous n’avons pas été capables de restituer aux patients leurs données de santé, qui sont dispersées chez le médecin traitant, le biologiste, le gynécologue…
, a-t-il listé.
De son côté, Gérard Raymond, le président de France Assos Santé, y voit un dispositif qui renforcera l’adhésion des patients à leurs traitements en les rendant véritablement acteurs de leur santé. À noter que ce service propose un mode "bris de glace" qui permettra aux soignants intervenant dans les situations d’urgence (SAMU, notamment) d’avoir accès aux informations de santé du patient, si celui-ci n’est pas en état de les transmettre. En tout, d’ici fin mars, ce sont 65 millions d’assurés qui seront avertis par l’Assurance maladie de la création automatique de leur espace. Ils auront 6 semaines pour s’y opposer.
Un hébergement des données aux normes de sécurité et de confidentialité
Ce sont les patients qui décideront de partager leurs données avec les professionnels de santé. L’État, l’Assurance maladie, les assurances complémentaires, les mutuelles, les entreprises n’y ont pas accès
, a insisté Thomas Fatôme, le directeur général de la CNAM. Il précise de plus que les patients auront la possibilité de refuser l’accès à leurs données à certains professionnels, s’ils le souhaitent. À noter que l’accès au mode "bris de glace" sera validé par défaut pour chaque citoyen à l’ouverture de « Mon espace santé » mais qu’il pourra être modifié. L’ensemble des données de Mon espace santé sont, quant à elles, hébergées en France, sur des infrastructures dédiées et par des prestataires de l’Assurance maladie, qui respectent les normes
de sécurité et de confidentialité fixées par les pouvoirs publics. L’objectif étant que professionnels de santé et patients ne recourent plus à des dispositifs de messagerie type WhatsApp, où elles peuvent être réutilisées à des fins lucratives.
La fonctionnalité relative à la prévention permettra un meilleur suivi des malades chroniques et réduira les pertes de chance.
Des évolutions attendues
Si « Mon espace santé » a été officiellement lancé, nous n’en sommes qu’au début
, a toutefois souligné Thomas Fatôme, car ce service public est destiné à s’enrichir dans les deux à venir avec l’ajout de deux autres rubriques : l’agenda de santé
pour organiser ses rendez-vous médicaux, et le catalogue d’applications
. Ces dernières devront obligatoirement être certifiées par l’État. Il ne serait, par exemple, pas absurde qu’Améli rejoigne ce catalogue
. En 2022, doit également être déployée une plateforme spécifique aux professionnels de santé. Mais le plus gros chantier, a observé Dominique Pon, consiste à construire l’interopérabilité entre « Mon espace santé » et les centaines de milliers de logiciels
utilisés par les professionnels de santé et qui, parce qu’ils fonctionnent selon des normes différentes, ne peuvent pas communiquer entre eux.
Il s’agira par ailleurs d’étendre l’accès à la messagerie sécurisée à l’ensemble des professionnels de santé et des établissements du sanitaire et du médico-social. La plupart des établissements hospitaliers y ont déjà accès
, a-t-il affirmé. Nous estimons qu’à horizon fin 2022, plus de 80% des professionnels de santé en seront équipés.
Autre avantage, enfin : le dispositif pourra être à terme mobilisé pour renforcer la prévention en santé. Parce qu’elle sera mieux ciblée et personnalisée, la fonctionnalité relative à la prévention permettra un meilleur suivi des malades chroniques et réduira les pertes de chance
, a relelevé Laura Letourneau, déléguée ministérielle au numérique. De manière générale, « Mon espace santé » n’est pas figé et est appelé à évoluer en fonction des retours, des besoins et des attentes de ses utilisateurs, professionnels et usagers.
Des enjeux de formation et d’information
Reste maintenant à former les professionnels de santé à son utilisation, mais aussi à accompagner les citoyens, notamment ceux éloignés du numérique, pour que chacun y ait réellement accès. Côté soignants, des financements seront ainsi alloués afin qu’ils se forment aux différentes fonctionnalités de « Mon espace santé », avec un enjeu fort de partage des informations selon un cadre réglementaire unique.
Plus globalement, une campagne de communication s’appuyant sur des spots télévisuels et radiophoniques sera mise en place pour toucher le grand public. Le produit aura beau être aussi ergonomique que possible, une des clés de son succès réside dans l’accompagnement du citoyen
, a en effet expliqué Laura Letourneau. Des agents de l’Assurance maladie seront ainsi formés à son utilisation afin d’accompagner par la suite les usagers. Seront également mobilisés les réseaux d’accompagnement au numérique existant, et un numéro spécifique (3422) a été mis en place afin que les usagers puissent solliciter l’aide de téléconseillers dans la prise en main du dispositif. Les associations peuvent aussi mener des projets pour aider les gens à s’emparer du sujet
, a complété Gérard Raymond. Il faut qu’on agisse pour soutenir l’acculturation au numérique.
Pour l’instant uniquement disponible sur Internet, le service devrait bénéficier prochainement d’une application pour smartphone, d’ici fin mars ou début avril
, a conclu Thomas Fatôme.
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