1. Spasmophilie et tétanie
1.1 Le trouble
Certains malades présentent un trouble nerveux caractérisé par une excitabilité accrue des muscles qui ont tendance à se contracter anormalement dans certaines circonstances favorisantes. A l'occasion d'une angoisse, d'un stress, la victime ventile de façon trop rapide ce qui entraîne une baisse excessive du taux de dioxyde de carbone dans le sang (qui est expiré trop vite) et crée des conditions propices au déclenchement de la crise.
Un premier stade d'évolution, appelé crise de spasmophilie, fait ressentir au malade des sensations anormales: engourdissement, fourmillements aux extrémités des membres, picotements dans la région thoracique. A un stade plus avancé, certains muscles se contractent: c'est la crise de tétanie. Le trouble atteint surtout les membres supérieurs où il donne le signe classique des « mains d'accoucheur » : les paumes sont tournées vers le haut comme pour être prêt à recevoir un bébé qui va naître...
1.2 Bilan
- antécédents du malade ( crises similaires)
- traitement suivi
- bilan vital
- circonstances déclenchantes
- autres signes présentés
1.3 Conduite à tenir
Le traitement est essentiellement psychologique: il faut calmer, rassurer et faire ventiler calmement. Le malade doit être isolé des spectateurs éventuels; les sauveteurs inutiles doivent également être écartés. Si la crise ne cesse pas rapidement, un traitement médical peut être nécessaire (ou réclamé par le malade).
L'idée habituellement répandue du danger de l'oxygène chez ces patients est sans fondement. L'inhalation d'oxygène peut servir à calmer l'angoisse du patient (on montre qu'on s'occupe de lui) et à diminuer la fréquence ventilatoire ce qui sont les buts recherchés...
1.4 A savoir
- Il ne faut pas confondre tétanie (= contraction) avec épilepsie (= convulsions).
- Les symptômes thoraciques chez l'angoissé ne sont pas toujours faciles à différencier de la crise d'angine de poitrine : l'électrocardiogramme est parfois la seule façon de faire la différence.
- Le déclenchement de la crise étant souvent lié à une baisse du taux de CO2 sanguin, plusieurs techniques ont été proposées pour y remédier. On peut ainsi faire respirer la victime dans un sac en papier posé devant la bouche pour lui faire inspirer à nouveau l'air enrichit en CO2 qu'il expire ; mais, en l'absence d'avis médical, cette technique est actuellement déconseillée car elle s'est avérée dangereuse dans plusieurs cas : dans le sac, le taux de dioxyde de carbone augmente mais celui de l'oxygène diminue...
Certains font respirer le malade à travers un masque sans valve ni ballon mais l'efficacité n'est que psychologique.
2. Diabète et hypoglycémie
2.1 Le trouble
Le sucre (glucose) est un aliment indispensable aux cellules, en particulier cérébrales. Son taux dans le sang (appelé glycémie) est contrôlé en permanence par le système nerveux et régulé par des hormones comme l'insuline et le glucagon. Le diabétique est un malade dont la régulation de la glycémie n'est pas normale, faisant parfois des hypoglycémies (hypo = pas assez), parfois des hyperglycémies (hyper = trop).
L'atteinte la plus grave est le « diabète insulino-dépendant » ; il oblige le malade à se faire chaque jour des injections d'insuline qui permet au glucose d'entrer dans les cellules (et fait baisser la glycémie). Mais l'équilibre du traitement n'est pas toujours facile à atteindre car les apports (repas) et la consommation du glucose (augmentée en cas d'activité physique, de fièvre...) sont variables dans la journée. Si le malade saute un repas, fait un effort anormal, ou exagère ses doses d'insuline, il risque de se retrouver en hypoglycémie (et inversement).
Le diabétique non insulino-dépendant est traité par des comprimés. Le risque de déséquilibre est beaucoup moins grand avec ce type de traitement.
Le malaise hypoglycémique peut avoir des manifestations très variables :
- fatigue, somnolence, avec pâleur et sueurs
- agitation voire troubles psychiatriques.
- perte de connaissance (coma hypoglycémique)
2.2 Bilan
- antécédents, traitement suivi (insuline, hypoglycémiants oraux)
- circonstances du malaise (effort, repas sauté, erreur sur la dose d'insuline...)
- horaire du dernier repas, de la dernière injection
- bilan vital, état des pupilles si inconscient
- sueurs, pâleur, agitation, somnolence...
2.3 Conduite à tenir
En l'absence de trouble de conscience, il faut toujours tenter de « resucrer » la victime en donnant un sucre ou de l'eau sucrée. Si ce traitement n'est pas efficace ou impossible à administrer (troubles du comportement, de la conscience), un renfort médical est nécessaire.
La victime inconsciente est installée en PLS et oxygénée à fort débit en attendant le médecin.
2.4 A savoir
- Tout malaise chez un diabétique insulino-dépendant doit faire suspecter une hypoglycémie; son traitement est une urgence car le risque de séquelles nerveuses par hypoglycémie est important.
- Des papiers spéciaux ou des appareils portables peuvent indiquer la quantité de glucose dans le sang.
- Le traitement médical de l'hypoglycémie est l'injection directe de glucose par voie intraveineuse : elle réveille très vite un malade en coma hypoglycémique. L'hyperglycémie peut aussi entraîner un coma, mais l'urgence du traitement est moins grande.
- Les diabétiques traités par insuline ont aussi souvent chez eux un médicament appelé GLUCAGON qu'ils peuvent s'injecter sous la peau en cas de malaise. Cette hormone aux effets contraires de ceux de l'insuline doit être gardée au réfrigérateur.
3. Brûlures
3.1 Le trouble
La brûlure peut être d'origine thermique (feu, liquide bouillant), chimique (caustique de type acide ou base), électrique, ou encore liée à des rayonnements (soleil, radioactivité).
L'étendue de la brûlure est un des facteurs principaux de gravité: plus la surface de peau brûlée est grande, plus la fuite du plasma (composant liquide du sang) à travers la brûlure est importante. Cette perte de liquide peut être responsable de l'apparition d'une détresse circulatoire (collapsus).
La profondeur de l'atteinte est le deuxième critère important: elle signe la gravité des destructions cellulaires et limite les chances de guérison spontanée :
- la brûlure du premier degré est très superficielle, telle banal « coup de soleil » ;
- la formation de cloques «phlyctènes » signe la brûlure du deuxième degré, atteinte plus profonde qui devient dangereuse dès qu'elle atteint environ 10 % de la surface corporelle chez l'adulte (soit 10 fois la surface de la paume de la main de la victime) ;
- le troisième degré correspond au stade de destructions profondes avec carbonisation: il est toujours grave.
La localisation est le troisième facteur de gravité essentiel : à profondeur équivalente, une brûlure sera plus grave si elle est susceptible d'entraîner une détresse vitale ( atteinte de la face, des voies aériennes...) ou lorsqu'elle est localisée à des zones particulièrement fragiles ou utiles ( oeil, mains, organes génitaux...).
La gravité dépend enfin de l'âge et des antécédents éventuels de la victime.
3.2 Bilan
- circonstances, type de brûlure (thermique, chimique...)
- localisation, étendue, aspect local
- bilan vital
- atteintes associées (intoxication, traumatisme. ..)
- âge, antécédents, traitement éventuel
- température.
3.3 Conduite à tenir
Les brûlures thermiques doivent être refroidies le plus précocement possible en les arrosant doucement avec de l'eau à température habituelle du robinet. Cela permet d'en limiter l'extension donc la gravité mais ce geste doit être limité dans le temps (moins de 5 minutes) pour éviter le refroidissement dangereux du brûlé (hypothermie)... Il est ensuite sommairement séché et recouvert d'un drap ou d'une couverture isothermique stériles.
Les brûlures chimiques de la peau ou de l'oil doivent également être rapidement et abondamment arrosées pour diluer le produit caustique; ce lavage sera plus prolongé que dans le cas des brûlures thermiques (10 à 15 minutes environ). Les personnels doivent se protéger à l'aide de gants et effectuer sous l'eau le déshabillage des vêtements imprégnés.
Il faut dans tous les cas oxygéner à fort débit, rassurer, calmer et installer la victime dans une position confortable, en fonction des lésions présentées et de leurs répercussions.
3.4 A savoir
Les accidents électriques sont susceptibles d'entraîner des troubles du rythme (sur le moment ou plus tardivement) ; les dégâts causés par le passage du courant électrique sont profonds et d'étendue plus grave que les lésions externes visibles.
Les brûlures par feu s'accompagnent souvent d'une inhalation de fumées.
4. Victimes soumises à une explosion
4.1 Le trouble
Une explosion s'accompagne d'une augmentation de pression et d'une onde de choc dangereuse pour les victimes qui y sont soumises. Les atteintes peuvent être :
- thoracique: détresse ventilatoire, toux sanglante, pneumothorax
- abdominale: rupture d'organe avec risque d'hémorragie, d'infection
- crânio-faciale : rupture de tympan, perturbation de la conscience...
L'organe le plus sensible est l'oreille qui est souvent la première à être atteinte. La victime se plaint de bourdonnements ou de sifflements, entend moins bien, et peut présenter une otorragie (parfois bilatérale). Les autres lésions sont souvent muettes ou d'aggravation secondaire après une phase où tout semble aller pour le mieux.
Il ne faut pas se fier au bon état apparent de la victime mais, devant tout signe d'atteinte auditive,
penser qu'il existe d'autres atteintes possibles liées à l'explosion. On nomme souvent cette complication avec le terme anglais de blast.
4.2 Bilan
- circonstances, puissance de l' explosion (dégâts matériels)
- localisation de la victime par rapport au lieu où s' est produite la détonation (dans la pièce, dans la zone de dégâts matériels...)
- bilan vital immédiat
- lésions présentées et signes décrits
- antécédents éventuels et traitement
4.3 Conduite à tenir
Toute victime qui se trouvait très près du lieu de l'explosion ou qui présente des signes anormaux, en particulier auditifs, doit être considérée comme « suspecte ». Qu'elle présente ou non des lésions, elle doit être mise au repos dans un local où un médecin pourra l' examiner. Il faut surveiller constamment ces victimes pour déceler tout début d'aggravation.
4.4 A savoir
- L'apparition secondaire de troubles peut être évitée grâce au repos.
- Les victimes qui présentent une atteinte tympanique doivent être admises pour surveillance en milieu hospitalier car la décompensation secondaire peut se produire plus de 24 heures après l'explosion...
- En cas d'attentat, il faut prendre en compte les répercussions psychologiques des victimes (blessées ou non) et des sauveteurs pour prévenir une décompensation psychiatrique secondaire.
5. Hyperthermie
5.1 Le trouble
Le système nerveux autonome est chargé de maintenir la température du corps humain à 37°C. Il l'augmente grâce à l'activité musculaire (rôle des frissons) et la diminue par la transpiration.
Dans certaines circonstances, la température augmente, donnant ce qu'on appelle la fièvre ou hyperthermie. C'est le cas lors d'une infection, d'un effort, d'une exposition à une température extérieure trop élevée, de troubles de la transpiration...
Au delà d'un certain seuil (environ 40°C), l'organisme montre des signes d'atteinte : convulsions, troubles du comportement, délire, perte de connaissance...
Le risque le plus important est lié à ce qu'on appelle le coup de chaleur d'exercice, ou hyperthermie maligne d'effort, lié à l'élévation trop importante de la température chez une victime qui fait un effort important dans une ambiance climatique pénible sans pouvoir évacuer correctement sa sueur. En l'absence d'un traitement rapide, elle peut décéder.
5.2 Bilan
- circonstances (infection, effort, intoxication. ..)
- bilan vital
- température corporelle
- autres signes présentés ( couleur de la peau, présence de sueurs, convulsions...)
- antécédents et éventuel traitement
5.3 Conduite à tenir
Il est urgent de refroidir rapidement la victime pour faire baisser sa température. En cas de convulsions hyperthermiques chez un enfant, il faut donner un bain dans une eau dont la température est de 2°C inférieure à celle mesurée chez la victime.
Dans le cas du coup de chaleur, la victime doit être refroidie par tous les moyens possibles :
- mise à l'ombre ou dans un local frais,
- déshabillage,
- arrosage du corps ou application de serviettes ou vêtements humides qu'on change fréquemment,
- création d'un courant d'air autour de la victime (ventilateur, éventail improvisé...).
La victime doit être mise au repos. Si elle ne présente aucun trouble de conscience, on peut la laisser demi-assise et lui donner à boire. Une oxygénothérapie est systématiquement proposée.
5.4 A savoir
Le coup de chaleur est plus fréquent chez les militaires et les sportifs ; sa gravité impose la médicalisation de l'intervention et l'admission en service de réanimation.
Les convulsions hyperthermiques sont fréquentes chez l'enfant ; un avis médical est nécessaire lors d'un premier épisode.
6. Hypothermie
6.1 Le trouble
La température peut aussi baisser dangereusement : c'est l'hypothermie. Elle est fréquente en hiver chez les sans-logis qui restent soumis au froid ; c'est le cas également chez les personnes âgées qui font un malaise à domicile (et restent allongées plusieurs heures sur un sol froid) et chez les intoxiqués comateux...
Le trouble devient dangereux en dessous de 35°C de température interne; les cellules de l'organisme fonctionnant moins vite, le rythme cardiaque diminue, la pression artérielle baisse, la ventilation devient lente et superficielle et des troubles de conscience s'installent peu à peu. En cas d'hypothermie grave, un arrêt cardio-respiratoire peut survenir à tout instant par trouble du rythme cardiaque (fibrillation ventriculaire) ou désamorçage de la pompe cardiaque lors d'une erreur de manipulation.
6.2 Bilan
- circonstances (température extérieure, malaise, intoxication, noyade...)
- bilan vital
- température corporelle
- autres signes présentés
- antécédents et traitement
6.3 Conduite à tenir
Une victime dont la température centrale est inférieure à 35°C est une victime fragile: elle doit rester en position horizontale pour ne pas risquer d'augmenter les risques d'ACR. La faiblesse du pouls, la bradycardie et les troubles nerveux justifient la médicalisation de l'intervention.
En attendant, elle peut être oxygénée et couverte à l'aide d'une couverture en laine. Mais il ne faut pas tenter de la réchauffer plus rapidement.
6.4 A savoir
L'hypothermie est dangereuse à cause des risques de complications mais les cellules fonctionnent au ralenti à basse température ce qui explique qu'elles souffrent peu du manque d'oxygène ; d'où l'intérêt de tenter de réanimer ce type de victimes, même lorsqu'elles sont trouvées en ACR.
Les troubles de la conscience et la diminution extrême de l'amplitude du pouls et de la ventilation comme de leur fréquence peuvent faire croire à tort à un arrêt cardio-respiratoire d'où l'intérêt d'un bilan bien conduit. ..
L'évaluation de la température par des systèmes posés sur la peau n'est pas valable car la circulation périphérique est interrompue; seule compte la mesure de la température centrale (buccale, rectale).
Le réchauffement de la victime doit être très progressif et prudent car il est à l'origine; de complications cardio-vasculaires; il faut en particulier éviter de réchauffer la peau avant l'intérieur du corps: on utilise alors des perfusions tièdes, on installe le patient dans un local modérément chauffé...
Dr Thomas HERVE
BSPP
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