Le Sénat a adopté mercredi le projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) dans sa version définitive, marquant la fin d'un marathon parlementaire.
Voté mardi à l'Assemblée nationale, le projet de loi a été adopté au Sénat par 174 voix pour et 155 voix contre. 147 sénateurs UMP, 22 sénateurs Union centriste et deux sénateurs divers droite ont voté pour, tandis que les sénateurs socialistes, communistes et 15 divers gauche ont voté contre. Cinq sénateurs centristes et un sénateur UMP se sont abstenus.
Les parlementaires socialistes ont annoncé leur intention de saisir le Conseil constitutionnel sur le texte.
Le projet de loi prévoit une modification de la gouvernance hospitalière, avec la création d'un directoire, présidé par le directeur de l'hôpital et vice-présidé par le président de la commission médicale d'établissement (CME) -remplaçant le conseil exécutif- et d'un conseil de surveillance, se substituant au conseil d'administration.
Il crée les communautés hospitalières de territoire (CHT) regroupant plusieurs établissements pour une meilleure coopération et réforme les groupements de coopération sanitaire (GCS).
Le projet de loi HPST crée aussi des procédures plus rapides d'autorisation des établissements médico-sociaux.
Il prévoit également la création des agences régionales de santé (ARS), compétente sur la santé et le médico-social, au plus tard au 1er juillet 2010. Au départ, la date de création était fixée au 1er janvier 2010. Interrogé mercredi par APM, Jean-Marie Bertrand, secrétaire général des affaires sociales et chef de projet ARS au ministère de la santé, a expliqué que ce délai de six mois n'était qu'une "mesure de sécurité", l'objectif du gouvernement "[étant] bien de créer les ARS au début de l'année 2010 et pas le 1er juillet 2010".
Dans son volet santé publique, le projet de loi prévoit des restrictions de vente d'alcool dans les stations-service, l'interdiction des cigarettes aromatisées et autorise la fusion par ordonnance de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) et de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset). Une définition de l'éducation thérapeutique du patient est inscrite dans le code de la santé publique.
Le rapporteur Alain Milon (UMP, Vaucluse) a passé en revue les principaux arbitrages obtenus en commission mixte paritaire (CMP), en soulignant que la position des sénateurs avait souvent été retenue.
Sur la gouvernance hospitalière, "la CMP a largement confirmé les dispositions adoptées par le Sénat sur un meilleur équilibre entre les instances gouvernantes et les pouvoirs administratifs et médicaux".
Mais il a regretté que la CMP ait amoindri le rôle des élus locaux, en ne leur réservant pas la présidence du conseil de surveillance des hôpitaux. "Les élus sont souvent les moteurs de la modernisation des hôpitaux locaux" et "des acteurs essentiels de la lutte contre les inégalités d'accès aux soins", a-t-il souligné.
Il a aussi regretté la présentation d'un amendement par le gouvernement modifiant le texte issu de la CMP sur les rapports entre directoire et directeur.
Selon lui, l'expression retenue de "concertation" du directoire avant des décisions du directeur (et non un avis), est "imprécise" et il sera "mal aisé de contrôler le respect de cette formalité".
"Cela restreint à nos yeux la portée des discussions" qui auront lieu au directoire et notamment avec les autorités de formation et de recherche dans les directoires des CHU, a-t-il estimé.
Alain Milon s'est félicité que les apports du Sénat sur le renforcement du rôle du président de la commission médicale d'établissement (CME) aient été retenus, de même que sur la définition des CHT, "conforme à la philosophie du rapport Larcher".
Sur le titre II, il a estimé que le délai laissé aux partenaires conventionnels (jusqu'au jeudi 15 octobre) pour conclure sur le secteur optionnel était "un peu bref" mais il a approuvé la mesure.
La ministre de la santé, Roselyne Bachelot, a souligné que les parlementaires étaient parvenus à "un texte d'équilibre et un texte responsable".
Elle a repris son argumentation, développée mardi à l'Assemblée nationale, sur l'importance du terme "concertation" du directoire plutôt que "avis", en ajoutant que cela rejoignait la fonction "d'instance opérationnelle" remplie par le conseil exécutif.
Pour l'Union centriste, Anne-Marie Payet (La Réunion) a apporté son soutien au texte, en saluant "une véritable politique de lutte contre les déserts médicaux", l'obligation pour les médecins ayant signé un contrat de service public d'exercer en secteur 1, la mesure sur la création d'un secteur optionnel, ainsi que les mesures de santé publique sur le tabac et l'alcool.
Elle a en revanche exprimé sa réticence sur la présidence du conseil de surveillance des hôpitaux par une personnalité qualifiée, estimant qu'il fallait "donner la primauté aux élus" mais que cette possibilité "aura sans doute peu d'implication".
L'UMP Jean-Pierre Fourcade (Hauts-de-Seine), qui va présider le comité de suivi de la future loi, a estimé qu'il faudrait revoir le profil des personnalités qualifiées "afin de pouvoir leur confier les outils complexes à manier que sont les établissements de santé". "Ce sont souvent des personnes retraitées qui ont peu de rapport avec le milieu ambiant".
Sur le reste du texte, le sénateur UMP a apporté un soutien total au projet de loi et à la ministre, en saluant des avancées pour le décloisonnement entre sanitaire et médico-social et pour la territorialisation de l'offre de soins que permettront les ARS.
Les UMP Marie-Thérèse Hermange (Paris) et André Lardeux (Maine-et-Loire), tout en votant le texte, ont rappelé leur désaccord sur la possibilité pour les sages-femmes de prescrire un médicament pour l'interruption volontaire de grossesse (IVG) médicamenteuse.
Le socialiste Jacky Le Menn (Ille-et-Vilaine) a déploré l'instauration d'une "maîtrise comptable renforcée sur les hôpitaux" et le rôle amoindri donné aux élus locaux. "C'est une erreur, c'est même une faute car vous aurez besoin des élus si vous voulez que les CHT soient en place".
Le socialiste Bernard Cazeau (Dordogne) a commenté le report de la création des ARS au 1er juillet 2010 qui "illustre la complexité des ARS". "L'ARS naîtra dans la douleur", a-t-il prédit.
Lors d'une longue intervention, le communiste Guy Fischer (Rhône) a relevé ses nombreux points de désaccord, notamment l'ouverture de "la conccurence du secteur privé sur les secteurs plus rentables du secteur public" permise par le projet de loi.
Il a critiqué la "logique de rentabilité et les nouvelles contraintes financières" imposées aux établissements, ouvrant la voie au "démantèlement de la fonction publique hospitalière".
PARIS, 24 juin 2009 (APM)
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