À la suite de l'adoption par l'Assemblée nationale, dans la nuit du 9 au 10 avril 2015, d'un amendement supprimant l'Ordre des infirmiers, la toile, française mais aussi internationale, n'a pas manqué de faire valoir son opposition ou son adhésion à cette décision, maintenant suspendue au vote du Sénat.
Dans la nuit du 9 au 10 avril 2015, les députés ont voté, à 19 voix contre 10, la suppression de l'Ordre des infirmiers . À la suite de cette annonce, les réactions, favorables comme désapprobatrices, ont été nombreuses.
Soulignons tout d'abord que les positions des syndicats et associations d'infirmiers français restent très contrastées. Ainsi, la Fédération Nationale des Infirmiers (FNI) et Résilience ont applaudi cette décision. La FNI, dans son communiqué de presse, se félicite de ce vote qu’elle considère comme une victoire pour la démocratie
. Le syndicat Résilience se félicite de cette bonne nouvelle
et demande aux infirmiers de ne pas baisser les bras
. Quant au Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil), à l'Association Nationale Française des Infirmières et Infirmiers Diplômés et Étudiants (ANFIIDE), l'Académie des Sciences Infirmières (ASI), la Fédération Nationale des Étudiants en Soins Infirmiers (FNESI), le Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI), l’Union Nationale des Associations d’Infirmiers de Bloc Opératoire Diplômés d’Etat (Unaibode), l’Association des Enseignants des Ecoles d’Infirmiers de Bloc Opératoire (Aeeibo) ou encore l'Association Nationale des Puéricultrices(teurs) Diplômés d'État (ANPDE), ils s'insurgent contre cette mesure et pointent notamment du doigt le peu de députés ayant voté cet amendement (19 voix contre 10).
Sébastien Colson, président de l'ANPDE, s'interroge : que faut-il penser de la parole politique aujourd’hui ? Est-il normal que seulement 29 députés soient présents pour débattre de l’avenir de plus de 600 000 infirmiers ?
. Et d'ajouter : Que l’on ne nous parle plus de la désaffection des Français envers la politique tant que nos élus ne nous auront pas démontré leur plein engagement !
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De son côté, le Sniil se dit choqué par la manière dont ce vote s’est produit. Avec seulement 5% de députés votants… et ce alors que le premier argument développé par les élus ayant voté l’abrogation de l’Ordre est de dénoncer son manque de représentativité !
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Le SNPI estime que cet Ordre des Infirmiers n’est pas une fin en soi. C’est l’instrument par lequel la profession doit enfin s’affirmer, et faire entendre une vision infirmière de la santé (prévention, éducation à la santé, accompagnement, relation d’aide). La nuit du 9 avril, 19 députés, égarés dans une salle de 577 places, ont voté pour la suppression de l’Ordre des Infirmiers. Certes, le texte doit encore passer au Sénat, puis devant une Commission Mixte Paritaire (7 députés et 7 sénateurs), avant d’être soumis au Conseil Constitutionnel. Mais ce vote à la sauvette est la preuve d’un mépris profond pour notre profession. A 19, ils s’estiment le droit de détruire une organisation de 168.000 membres comme on écrase un moustique ! Que l’on soit pour ou contre un Ordre, cette attitude méprisante et méprisable est inadmissible
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L'Unaibode s'insurge elle aussi contre cette suppression qu'elle considère comme un retour en arrière et se dit outrée de cette décision à l’emporte-pièce, prise à la va vite dans la nuit de jeudi à vendredi par seulement 29 votants
. Et d'ajouter au moment où on vient de leur reconnaître la « pratique exclusive d’actes prescriptibles par le chirurgien », qu’en sera-t-il de cette garantie de sécurité assurée par l’Ordre qui poursuit toutes les dérives encore existantes aujourd’hui ? Qu’en sera-t-il dans les hôpitaux des circonscriptions de ces députés quand des personnes sans diplôme de bloc assureront le travail de bloc ?
L'ANFIIDE constate un déni flagrant de démocratie ! Comment une Loi relative à la santé et concernant plus de 65 millions de français peut-elle être discutée et votée par une trentaine de députés sur les 577 que compte l’Assemblée Nationale. Lors des échanges relatifs au vote de l’amendement N°517, il a été rappelé que « seuls » 168 000 infirmiers adhéraient à l’ordre sur les 600 000 environ que compte la profession. Cela représente plus du quart de la profession
. L'ASI, se dit consternée par l'adoption de l'amendement n° 517 qui annule la loi du 21 décembre 2006 portant création de l'Ordre National des Infirmiers, dénonce cette décision votée en comité réduit à 19 voix contre 10 sur 577 députés soit 5% de l'hémicycle
et réaffirme la place indispensable de l'Ordre National des Infirmiers dans le système de santé et pour la profession
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Nathalie Depoire, présidente de la Coordination Nationale Infirmière (CNI) indique : comment ne pas être en colère lorsque l'on apprend que les discussions et vote des amendements du projet de Loi Santé se font avec l'expression de 29 députés sur 577 !!! Quelle considération pour les usagers et les professionnels du système de santé de la part des députés !! Quelle prise de conscience au regard des enjeux actuels !! C'est une aberration ! D'autre part, pourquoi cette volonté de supprimer l'Ordre National des Infirmiers et pas les autres ordres professionnels ? Que faut -il comprendre ?? Même si nous avons eu et pouvons encore avoir des divergences avec le positionnement et la gestion de l'ONI (cf notamment choix cotisation initiale) le syndicat CNI considère ordre et syndicat comme deux structures complémentaires et nécessaires à l'instar de nos voisins européens
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Quant à la FNESI, elle considère que cet amendement, ciblant directement l’instance ordinale de la profession infirmière a été déposé sans réel processus de concertation en son sein. Il repose donc sur une vision tronquée du fonctionnement et des missions de l’ONI. S’il est vrai que les débuts de l’instance ont été regrettables en terme de gestion, notamment financière, force est de reconnaître qu’elle a su évoluer. l’ONI a ainsi pris sa place dans la représentation des professionnel-le-s à l’échelle nationale tout en assainissant sa gestion comptable
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Le Comité d’Entente des Formations Infirmières et Cadres (CEFIEC) et l’Association Nationale des Directeurs d’Ecole Paramédicale (ANDEP), associations représentatives des professionnels de la formation des infirmiers, expriment leur consternation et leur incompréhension face à ce résultat inattendu. La construction de l’ordre, si elle paraît lente et laborieuse, n’en demeure pas moins constante et régulière. Les jeunes générations intègrent l’ordre et s’y reconnaissent comme de nombreux infirmiers en activité. Le CEFIEC et l’ANDEP revendiquent la pérennité de l’Ordre Infirmier et demandent aux élus de d’annuler cet amendement
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Le Collège Infirmier Français (CIF),
créé par 17 organisations, de son côté, souligne que sur les 28 pays de l’Union Européenne, 19 disposent d’Ordres infirmiers. Quelle serait la spécificité française ? La même que celle qui a obligé l’infirmier formée en trois ans depuis 1981, à attendre 2009 pour obtenir la reconnaissance d’un grade de Licence ? Et ce alors que la France y était acculée par l’Union Européenne, étant un des trois derniers pays à ne pas être entré dans le système LMD (Licence-Master-Doctorat) créé en 1999 ? Vouloir abroger l’Ordre des Infirmiers, c’est souhaiter réduire l’infirmière à une simple exécutante. L’Ordre n’est financé que par l’argent des cotisations de ses membres : il est libre, autonome, indépendant. Avec 168.000 inscrits, il est le deuxième Ordre français. La réforme des études a été mise en place l’année de son installation. Aujourd’hui la pratique avancée fait enfin l'objet d'un projet en France. C'est dans ce même temps que l'on souhaite priver la profession de son porte voix. Un hasard ? Certes non !
C'est très bien tout ça. Il faut en refaire un représenté et constitué d'infirmiers de terrain.
D'autres syndicats se sont exprimés, notamment Fédération Force ouvrière (FO) santé-sociaux, l'Unsa ou encore la CFDT Santé Sociaux qui, rappelons-le, font partie d'une intersyndicale militant pour l'abrogation de l'Ordre des infirmiers. Ainsi, FO santé-sociaux estime que l’ordre est inutile, coercitif et il est inacceptable d’imposer aux infirmiers de payer pour travailler. L’immense majorité des professionnels, salariés et libéraux, refuse de s’y soumettre
et prend acte de cet amendement
. Pour la CFDT Santé Sociaux, l’essai est marqué mais il reste encore à transformer pour que le sénat ne rejette pas cette proposition
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L'union d'associations SIDERAL-Santé et le Comité de Liaison des Institutions Ordinales (CLIO) ont appris la nouvelle avec stupeur. SIDERAL-santé indique, dans un communiqué de presse, soutenir l'Ordre des infirmiers depuis sa création en tant qu'instance de régulation de notre profession, mais avant tout pour le service rendu à la population, ce qui conforte nos valeurs
. De son côté, le CLIO demande d'urgence une audience au Président de la République et fait part de ses très fortes interrogations face à cette décision
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Mobilisation et explications sur les réseaux sociaux
Les associations et syndicats ne sont pas les seuls à réagir. Durant tout le week-end, les internautes du monde entier ont partagé des messages de soutien à l'Ordre, ou, au contraire, se félicitaient du vote des députés supprimant l'Ordre des infirmiers. Judith Shamian, présidente du Conseil International des Infirmières (CII), a ainsi indiqué, à Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, et à François Hollande, président de la République, que la population française a besoin d'un Ordre infirmier pour garantir la sécurité des patients
et qu'il n'est pas trop tard pour agir
. Gyslaine Desrosiers, ancienne présidente de l'Ordre des Infirmières et Infirmiers du Québec (OIIQ) et actuelle présidente du Secrétariat International des Infirmières et Infirmiers de l'Espace Francophone (SIDIIEF), a invité les internautes qui la suivent, à sauver l'Ordre des infirmiers. Quant à Helène Salette, ancienne secrétaire générale du SIDIIEF, elle souligne ceci : Je vous souhaite de sauver votre ordre et surtout que les leaders de la profession s'investissent pour que l'ONI soit une réussite pour la population française qui mérite un ordre infirmier et pour la profession
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Sur Twitter, Michèle Delaunay (PS, Gironde), a indiqué que c'est de manière pragmatique et après avoir reçu de nbreux(ses) infirmier(e)s que je me suis exprimée en faveur de la suppression de l'Ordre
et de préciser qu'Annie Le Houerou a mené une longue concertation sur le sujet.
Si l'ONI s'était positionné du départ comme le porte parole des infirmiers, comme un interlocuteur face au gouvernement et au pouvoir médical, j'aurais dans doute mis en veilleuse mes critiques. Mais bien au contraire, il s'est retourné dés le départ contre la profession.
Les réactions des internautes restent toujours aussi contrastées sur Facebook et sur le site Infirmiers.com. Clément estime que personne ne voulait de l'ordre, maintenant qu'on veut le supprimer, tout le monde le soutien. Risible
. Nicolas souligne que c'est très bien tout ça. Il faut en refaire un représenté et constitué d'infirmiers de terrain. Des gens qui sont confrontés à la réalité du quotidien
. IADE 05 écrit : Je suis révoltée par le suppression de l'ordre infirmier. Certes, il a été très mal vendu et ses débuts ont été plus que chaotiques mais c'est le seul organe qui aurait pu nous regrouper et nous représenter. Pratiquement 500 000 IDE en France et du coup autant de moutons. Si l'Ordre avait été mieux implanté nous n'aurions pas eu la réforme des études d'infirmières que nous avons eu en 2009. L'universitarisation oui c'est bien mais si c'est pour des conventions entre les IFSI et les fac de médecine quel progrès ! On n'a même pas été capables de créer des facultés de sciences infirmières. Les Canadiens ne sont pas bons en tout mais demandez à une infirmière canadienne ce qu'elle pense de l'ordre infirmier. On revient 50 ans en arrière. On la met quand la cornette ?
. Je ne suis pas un fervent défenseur de l'Ordre tel qu'il nous a été vendu
, admet perika, mais je pense qu'effectivement, au lieu de le supprimer, il fallait le refondre de A à Z
. Oktanol considère que si cette mesure passe, la profession infirmière sera émiettée, non représentée et comme au bon vieux temps, à la botte des médecins
. De son côté, dino spécifie que si l'ONI s'était positionné du départ comme le porte parole des infirmiers, comme un interlocuteur face au gouvernement et au pouvoir médical, j'aurais dans doute mis en veilleuse mes critiques. Mais bien au contraire, il s'est retourné dés le départ contre la profession, mettant son énergie dans la création d'un fichier, la rédaction d'un soi-disant code de déontologie et - suite logique - la volonté de créer une instance disciplinaire pour mieux contrôler les troupes. Si vous voyez un progrès là-dedans, alors effectivement nous n'avons pas les mêmes valeurs et le débat est inutile
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Pour l'heure, l'avenir de l'Ordre des infirmiers est entre les mains des sénateurs. Demain, mardi 14 avril 2015, le projet de loi de santé et l'ensemble des amendements feront l'objet d'un vote solennel au sein de l'Assemblée nationale, puis devront être adoptés par le Sénat. En cas de désaccord, le Gouvernement peut convoquer une commission mixte paritaire qui proposera un texte commun voté ensuite par l'Assemblée nationale et le Sénat. Si le désaccord persiste, une nouvelle lecture du texte a lieu au sein des deux assemblées (Sénat et Assemblée nationale) et le Gouvernement peut donner le dernier mot à l'Assemblée nationale. En attendant, les internautes peuvent aussi agir à leur manière, en signant la pétition « Non à la disparition de l'Ordre National des Infirmiers », ou « Oui à la disparition de l'Ordre National des Infirmiers » ou encore, à l'initiative d'un infirmier libéral, une pétition pour « Le maintien de l'Ordre Infirmier », ou sur Facebook - Non à la disparition de l'ONI.
Aurélie TRENTESSE Journaliste aurelie.trentesse@infirmiers.com @ATrentesse
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