Tantôt supprimé par les députés , tantôt rétabli par les sénateurs , l'Ordre national des infirmiers (ONI) est désormais hors de danger puisque dans le cadre du projet de loi de santé, les amendements n° 614, 615 et 617 déposés par Annie Le Houerou visant à rendre l'ONI facultatif, voire à le supprimer, n'ont pas été adoptés. Victoire pour les uns, défaite pour les autres, cette annonce n'a pas laissé les infirmiers indifférents.
Lors de la seconde lecture de projet de loi relatif à la santé, qui se déroule depuis le mardi 24 novembre et se terminera le 1er décembre 2015, les trois amendements (n° 614, 615 et 617) déposés par Annie Le Houerou, députée (PS) des Côtes-d'Armor, visant à rendre l'adhésion à l'Ordre des infirmiers facultative, voire à abroger l'instance, ont été rejetés. Dans son argumentaire, la députée a fait valoir que cet amendement a pour objet d’apaiser les conflits au sein d’une profession divisée, qui oppose un refus de principe. Lors des auditions, nous avons ainsi pu écouter des positions bien tranchées, qui n’étaient pas conciliables : certains infirmiers sont favorables à l’ordre quand d’autres y sont entièrement opposés. Il devient urgent de clarifier la situation juridique de ces infirmiers, qui est extrêmement précaire puisque 80 % d’entre eux ne sont pas inscrits à l’ordre, une inscription pourtant obligatoire. Ces personnes tombent donc sous le coup d’un exercice illégal de leur profession. Le risque élevé de contentieux qui en résulte est préjudiciable aux infirmiers comme aux patients
. Défavorable à ces amendements, la commission des Affaires sociales a souligné que nombre des critiques formulées concernent en réalité les débuts de l’ordre national des infirmiers : la gestion de cet organisme était alors défectueuse, et les conditions d’inscription, de cotisation et d’adhésion, non exemptes de critiques. Cela justifiait en effet une remise en ordre
. Et d'ajouter que dans les deux dernières années, toutefois, des modifications importantes sont intervenues. La gestion de l’ordre est devenue exemplaire, et les cotisations, qui s’élèvent à 30 euros pour les infirmiers salariés, sont désormais modérées et accessibles. Les adhésions sont en constante progression alors que les personnes non adhérentes ne font pas l’objet de poursuites. En définitive, ces conditions font beaucoup moins l’objet de critiques, quels que soient ceux qui les adressent
. De son côté, Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la santé et des Droits des femmes avance qu’il serait paradoxal de supprimer l’ordre dans un texte qui renforce les compétences des infirmiers, via les pratiques avancées
et que la nouvelle direction de l’ordre des infirmiers a incontestablement compris qu’elle devait convaincre, et elle s’y emploie à l’aide de pratiques plus conformes à ce que l’on peut attendre d’une structure déontologique que ce que l’on a connu par le passé. Il y a certes encore du travail à accomplir, mais c’est à l’ordre de le faire
. Le Parlement a donc conforté l'existence de l'Ordre national des infirmiers qui pourra continuer d'exercer ses missions
.
Fin de bataille ?
Sur la page Facebook d'Infirmiers.com, la nouvelle a été accueillie avec enthousiasme par les uns et amertume par les autres.
Ainsi, pour Vincent, il s'agit d'une très bonne nouvelle ! Seulement 5% des infirmiers sont syndiqués! Si l'ordre disparaissait, on retomberait sous tutelle médicale, avec une vraie perte d'indépendance ! La nouvelle direction de l'ordre défend réellement les intérêts des infirmiers devant le ministère ! Peu d'infirmiers le savent, mais grâce à l'ordre, de nombreux amendements "anti-infirmier" ont été abandonnés...
. Pour Dvd, finie la tutelle médicale, nous serons maîtres du contenu des études, de l'exercice de notre profession et des sanctions, nous pourrons faire reconnaître nos compétences et faire évoluer l'image et la rémunération, n'en déplaise aux syndicats qui ne font pas mieux
. Jeremy, infirmier au Québec, compare sa situation avec celle des infirmiers français, et souligne que la cotisation est de 30 euros. Il ne faut pas non plus en faire toute une histoire. 75 pour les libéraux. Il ne faut pas être réfractaire au changement. Je travaille maintenant au Canada et je paie mon ordre plus de 400 dollars par an ce qui est franchement abusé mais on est vraiment une profession à part entière. et on est respecté. Des études sont faites. Notre champ de compétences est en train d'être élargi et s'est important qu'un organisme unique coordonne l'ensemble
.
D'autres en revanche sont déçus, voire exaspérés de constater que l'Ordre va perdurer. Pierre indique être content d'être à deux ans de la retraite et de ne pas subir cette horreur
. Tu parles d une bonne nouvelle
, estime Dan. Sachant ce qu'ils ont réellement fait pour nous et les concessions réalisées pour ne nous donner que des miettes [...] Cet ordre ne sera malheureusement qu'un pion par ses missions et il nous rendra la vie encore plus difficile qu'elle ne l'est
. De son côté, Tiphaine s'interroge : Est-on réellement obligé d'y adhérer ?? Lorsque j'ai commencé à travailler, on m'a dit que c'était obligatoire, donc j'ai fait le mouton comme les autres. Mais au fil des années, je m'aperçois que tous les jeunes diplômés avec qui je travaille ne connaissent même pas son existence !!!!
. Pour Frédérique, il faut voir les modalités mais payer pour travailler alors que nous sommes parmi les moins rémunérés en Europe je trouve cela indécent !!!!!
. Sandrine, jeune infirmière diplômée a d'ores et déjà pris la décision de ne pas s'inscrire pour le moment
. Quant au syndicat Résilience, qui lutte depuis ses débuts pour que l'Ordre soit abrogé, il déplore que seuls 18 députés étaient présents au moment du vote et donne rendez-vous en "3ème lecture" - dans les urnes - aux régionales les 6 et 13/12
. Ce scénario n'est pas sans rappeler celui qui s'est déroulé la nuit du jeudi au vendredi 10 avril 2015, lorsque 19 députés avaient décidé d'abroger l'Ordre… Quoi qu'il en soit, les dés sont désormais jetés puisque la suppression de l'article 30 bis A ayant été votée par le Sénat et par les députés, il ne peut plus être débattu. Cependant, l'ONI doit encore convaincre près de 80 % d'infirmiers qui ne sont pas encore inscrits au tableau, soit parce qu'ils ne le souhaitent pas, soit parce qu'ils ne le connaissent pas…Le combat n'est donc pas tout à fait terminé.
Aurélie TRENTESSE Journaliste aurelie.trentesse@infirmiers.com @ATrentesse
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