En matière de refondation des urgences, dans un climat de crise jamais encore égalé partout en France, l’Ordre national des infirmiers partage la détresse des professionnels et alerte sur les risques encourus en termes de sécurité et qualité des soins dispensés aux patients. Et de suggérer des propositions qui valorisent le rôle, la place et les compétences de l'infirmier aux urgences.
Alors que plus de 80 services d’urgence sont actuellement en grève pour alerter sur leurs conditions de travail, et qu’une grande manifestation a eu lieu jeudi après-midi à Paris , Agnès Buzyn a annoncé hier le lancement d'une mission de refondation des services d'urgences , un soutien financier aux établissements connaissant des surcroîts d'activité, ainsi qu’une prime de coopération pour les professionnels paramédicaux concernés par des délégations de tâche dans le cadre de protocoles de coopération.
L’Ordre national des infirmiers (ONI) s'exprime par communiqué, rappelant qu'il connaît et comprend les sentiments de colère, d’épuisement ou d’extrême lassitude qu’éprouvent actuellement grand nombre de professionnels de santé qui exercent dans un service d’accueil et de traitement des urgences
. Il ne doute pas que les infirmiers savent rester dans le cadre de leur déontologie malgré de très difficiles circonstances
. L’Ordre regrette surtout que malgré de très nombreuses alertes sur la situation des urgences y compris encore récemment par la Cour des comptes, les pouvoirs publics ne semblent pas avoir pris la pleine mesure du problème
. C'est pourquoi, dans le cadre de la "mission de refondation des services d’urgence" qu'Agnès Buzyn appelle de ses voeux, l’ONI souhaite que les deux propositions suivantes soient considérées à leur juste valeur :
l’instauration de quotas de patients par infirmier, variables en fonction du nombre de passages moyen aux urgences et selon les spécificités de chaque service. Des normes existent déjà pour les services comme la réanimation, les soins intensifs ou la dialyse. On ne peut se contenter aujourd’hui d’une norme aussi vague que celle du code de la santé publique actuel :"L'effectif de la structure de médecine d'urgence est fixé de façon à ce que cette structure puisse assurer ses missions" ;
une meilleure reconnaissance des compétences des infirmièr(e)s aux urgences. Les seules délégations de tâche que Madame la Ministre se propose de valoriser via une "prime de coopération" ne seront pas suffisantes car dépendent de protocole dont la procédure est trop lourde. Par ailleurs, ces derniers ne constituent que des réponses localisées à uneproblématique qui nécessite une réponse globale
.
Et l'ONI de rappeler que les infirmiers disposent de compétences expertes et peuvent agir avec davantage d’autonomie en parfaite coordination et coopération avec les autres professionnels de santé ; une reconnaissance qui doit aussi être financière
. En effet, souligne l'ONI, cette demande constituait l’une des recommandations de la Cour des Comptes dans le chapitre relatif aux urgences hospitalières de son dernier rapport public1 :"Le développement de la fonction d’accueil et d’orientation dans la plupart des sites d’urgence constitue une évolution organisationnelle importante, qui doit s’accompagner, pour gagner en efficacité, de la mise en oeuvre des délégations de tâches au sein de ces services. Dans de nombreux services d’urgence, la dispensation d’antalgiques par un(e) infirmier(e) diplômé(e) d’État (IDE) est, de fait, déjà pratiquée. L’infirmière d’accueil peut également être autorisée à prescrire des radiographies à l’arrivée du patient, à orienter ceux d’entre eux qui présentent de la petite traumatologie, voire à poser un dispositif d’immobilisation après diagnostic par le médecin. Les services d’urgence constituent un cadre favorable à la mise en place de délégations de tâches, en raison de la possibilité de recourir en permanence à un médecin en cas de difficulté."
Patrick Chamboredon
, président de l'ONI, s'interroge : les pouvoirs publics sont-ils véritablement disposés à résoudre le grave problème des urgences hospitalières et mettre fin à la profonde détresse des professionnels ?
En effet, poursuit-il, malgré ces recommandations fondées et indispensables, qui permettraient notamment de restituer du temps médical, on regrettera que lors des débats en cours sur le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé le Gouvernement se soit systématiquement opposé aux amendements allant dans le sens d’un élargissement du rôle des infirmiers aux urgences (par exemple amendement 98 rect au Sénat)
.
1- Extrait du chapitre 6 du rapport annuel de la Cour des comptes : "Les urgences hospitalières, des services toujours trop sollicités"
De l'urgence de prendre soin des soignants
Le Conseil Régional de l’Ordre des Infirmiers de Bourgogne Franche-Comté et les Conseils Interdépartementaux du territoire soulignent ce vendredi 7 juin 2019, par voie de communiqué, l’urgence de la situation au vu du malaise des soignants dans les hôpitaux. Malgré le principe de continuité du service de soins, inscrit dans notre code de déontologie, plusieurs centres hospitaliers dont William Morey (Chalon sur Saône, 71) et Jura Sud (Lons-le-Saunier, 39) sont actuellement "à bout de souffle" avec des soignants "qui n’en peuvent plus". Depuis longtemps et à de nombreuses reprises, les directions des établissements et les autorités ont été alertées sur la dégradation des conditions de travail des infirmiers, pointant particulièrement l’augmentation des situations de détresse, de malaises et de burnout
. Et de rappeler qu'à l’échelle nationale, l’ordre national des infirmiers a mis en place très rapidement, en collaboration avec les autres professions de santé, une plateforme d’écoute "Solidarité Ordinale Infirmière". Le communiqué du Conseil régional de l'ordre des infirmiers de Bourgogne-Franche-Comté souligne qu'hormis ce numéro vert, un établissement spécialisé dédié aux professionnels de santé en souffrance, a ouvert ses portes à Louhans (71). L’Ordre de Bourgogne Franche Comté s’associe au mal-être de leur profession et insiste sur la nécessité de mettre fin immédiatement à la malveillance et au mépris des infirmiers
. Nous alertons quant aux risques encourus sur la sécurité et la qualité des prises en soins pour nos patients. Nous exigeons que les amendements déposés au Sénat et à l’Assemblée Nationale sur le projet de loi "Ma santé 2022", favorisant l’amélioration du système de santé, soient pris en compte ; ceci incluant bien évidemment la prise en charge des soins de premiers recours. Nous soulignons l’extrême urgence d’agir et de dépasser les simples considérations financières. Le système hospitalier doit bouleverser son organisation pour retrouver une cohérence de fonctionnement, passant indéniablement par des moyens humains supplémentaires. Les patients ont depuis bien longtemps accordé leur confiance aux infirmiers, il est grand temps que l’Hôpital porte la même attention aux soignants. Il en va de la reconnaissance, de l’évolution (nécessaire) et tout simplement du respect de la profession infirmière
.
Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern
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