Une récente étude menée chez quelque 1000 soignants par le Réseau Morphée, réseau de santé consacré à la prise en charge des troubles du sommeil, visait à explorer les symptômes et comportements associés aux troubles du sommeil. Les chiffres en attestent, près de la moitié des soignants ressentent une privation de sommeil liée à leur travail, ce qui représente un facteur de vulnérabilité.
Explorer le temps de sommeil, les comportements associés et les symptômes de troubles du sommeil, tel était l'objectif de l’étude observationnelle1 conçue par le Réseau Morphée et réalisée auprès d’environ 13 000 personnes à travers la France. Parmi elles, 880 soignants : infirmier(e)s (51%), médecins, internes et dentistes (19%), aides-soignant(e)s (10%), psychologues, pharmaciens, kinésithérapeutes, étudiants, autres paramédicaux.
Les résultats présentent des caractéristiques propres à la communauté soignante où il est plus fréquent de travailler le soir (19% contre 15% des non-soignants), d’avoir des horaires décalés (39% contre 26%) et attribués à un travail posté (81% contre 31%). Sans surprise donc, les jours de travail, le temps de sommeil des soignants est significativement plus court que celui des non-soignants : 6 heures contre 6,45 heures. De plus, les soignants sont 60% à dormir moins de 6 heures en semaine contre 44,8% des non soignants.
Chez les soignants, moins de temps de sommeil, plus d’horaires décalés et de travail posté, un sentiment de privation de sommeil liée au travail
Sur la question de la privation de sommeil, près de la moitié des soignants (48%) pensent que leur travail est en cause et notamment son organisation. Parmi les 60% de soignants qui passent moins de 6h dans leur lit les jours du travail, les trois-quarts pensent que leur privation du sommeil est en lien avec leur travail. Le travail posté en est le premier responsable : chez les infirmiers (69%) et les aides-soignants (30% des aides-soignants. De la même façon, l’écart des heures travaillées par semaine est plus marqué chez les soignants qui ont une sensation de privation de sommeil en raison de leur travail : 42,4 contre 39,3 pour ceux qui n’ont pas l’impression d’être privé de sommeil par leur travail. Le Réseau Morphée rappelle, par ailleurs, que le fait d’avoir un temps de sommeil objectivement court (moins de 6 heures au lit) pendant la semaine est associé à un indice de masse corporelle (IMC) plus important, ce qui n'est pas sans incidence sur la santé (maladies cardio-vasculaires, diabète, prise de poids...). Les soignants sont près de la moitié à penser que leur travail a un impact sur leur santé via la privation de sommeil qu’il engendre. En outre, plus des deux tiers considèrent que le travail a un retentissement sur la qualité de leur sommeil et 63% se sentent stressés à cause de leur travail. Enfin, 50% pensent qu’un travail de nuit est néfaste pour le sommeil.
Les personnes en privation de sommeil ont un IMC plus élevé, sont plus somnolentes, ont un risque plus important d’insomnie, d’anxiété ou de dépression sévère.
Cette enquête pointe également la plainte récurrente d'insomnies : 62% des soignants ont un trouble d’endormissement, 80% un trouble de continuité du sommeil, 71% des éveils précoces et 67% un sommeil non-récupérateur ; des troubles d'ailleurs aussi fréquents chez les soignants que chez les non soignants. Les soignants sont 31% à présenter les quatre types de troubles du sommeil et 64% à souffrir d’une insomnie chronique avec retentissement diurne sur plus de 3 mois. On retrouve chez les soignants les troubles du sommeil associés : ronflements (27% des soignants), somnolence (32%), fatigue diurne (80%), endormissement au volant (37%). Une symptomatologie qui bien évidemment expose de façon plus importante au risque accidentel au volant.
Note
- Le questionnaire a été mis en ligne le 03/01/2017 et arrêté le 30/09/2017. Il a été développé par un consensus d’experts, basé sur le questionnaire utilisé par l’équipe coordonnatrice de Réseau Morphée pour l’orientation des patients en Ile de France depuis 2004.
Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern
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