Généralisé sur l’ensemble du territoire dès ce jeudi 1er juillet, le rétro-tracing s’ajoute à la panoplie de mesures pour lutter plus efficacement contre l’épidémie de Covid-19. Cindy Meziani, infirmière intégrée à une équipe de l’Agence Régionale de Santé des Pays de la Loire en charge de ce nouveau dispositif, nous en explique les modalités.
Très pratiqué en Asie, le rétro-tracing a fait en France l’objet d’une expérimentation dans les départements de Loire-Atlantique et de Côte d’Or durant les mois d’avril et de mai, avant d’être étendu à une soixantaine d’autres départements dans le courant du mois de juin puis généralisé sur l’ensemble du territoire au début du mois de juillet. Sa spécificité : remonter les chaînes de contamination afin d’en repérer l’origine. En association avec le contact-tracing, il est censé permettre une meilleure réactivité dans leur identification et ainsi accélérer leur rupture en favorisant un isolement plus rapide des personnes contaminées et de celles qui sont susceptibles de l’être. Si la majorité de l’activité est dévolue à l’Assurance maladie, certains cas, plus complexes, sont toutefois confiés aux équipes des Agences Régionales de Santé (ARS). Cindy Meziani, infirmière en Loire-Atlantique qui participe à cette mission, témoigne.
Comment avez-vous intégré l’équipe de rétro-tracing ?
Auparavant, j’occupais un poste dans un service de soins, que j’ai souhaité quitter. J’avais bien conscience qu’en travaillant sur ce type de mission, je ne prodiguerai plus de soins techniques. Mais c’était une vraie volonté de ma part ; je voulais participer et contribuer à la lutte contre la crise de Covid-19. Je mettais du sens dans cette mission et, parallèlement, celle-ci me permettait d’adopter une posture professionnelle qui ne me mettait pas en difficulté. J’ai été formée au contact tracing à mon arrivée par les personnes de la cellule de la veille sanitaire de l’ARS qui étaient déjà en poste, et qui avaient entamé cette mission depuis quelques mois. Cela fait désormais un an que je fais partie de cette équipe de contact-tracing, qui se charge désormais également du rétro-tracing.
En quoi le rétro-tracing diffère-t-il du contact-tracing ?
Le rétro-tracing s’effectue dans des conditions somme toute assez similaires à celles du contact-tracing et nécessite les mêmes compétences. Mais il permet essentiellement d’avoir une vigilance accrue sur la circulation du Covid-19, et notamment des variants. Il s’agit d’analyser [les cas remontés de contamination] de manière plus élargie, de déterminer plus rapidement, entre autres, où a pu débuter la chaîne de contamination en remontant davantage en arrière par rapport à la date de signalement du cas. En pratique, cela signifie que si les personnes positives au virus ont participé à un événement 8 jours avant la date d’apparition des symptômes ou de la réalisation du test, nous allons prendre en compte l’ensemble de cette période, ce qui n’était pas le cas dans le cadre du contact-tracing. De même, par rapport aux cas contacts, nous sommes attentifs à la présence de personnes co-exposées [personnes qui ont pu ne pas être identifiées lors de la recherche des cas contacts, NDLR]. Par exemple, au lieu de prendre uniquement en compte les trois personnes qui ont mangé ensemble dans une même pièce lors d’un événement, nous allons considérer l’intégralité des présents dans la salle. Le tracing est de fait plus élargi car nous savons que le taux de contamination du variant Delta, par exemple, est supérieur [à celui des autres variants et du virus souche]. On élargit le champ d’investigation, à la fois dans le temps et sur le nombre de personnes touchées.
Dans quelles circonstances intervenez-vous et quelle est votre plus-value en tant que soignante ?
Notre équipe intervient en niveau 3, les niveaux 1 et 2 étant pris en charge par le médecin traitant et la CPAM respectivement. L’essentiel du rétro-tracing simple est en réalité effectué par la CPAM. Nous, nous nous occupons de tout ce qui relève des collectivités dites "sensibles" - structures d’accueil de petite enfance ou socio-éducatives qui reçoivent des publics atteints de handicap ou des populations précaires, crèches… – des clusters en entreprise et du secteur agro-alimentaire. On s’est en effet rendu compte que les conditions de travail de ce dernier (travail à la chaîne, températures imposées, proximité…) favorisaient la dissémination du virus. C’est également pour cette raison que nous sommes très vigilants sur ces lieux de contamination spécifiques. Notre équipe n’est composée que de médicaux et de paramédicaux, et nous utilisons notre expertise pour analyser les situations les plus complexes. Nous sollicitons une équipe pluridisciplinaire afin d’amener de la finesse dans l’examen de chaque situation. Nous allons ainsi déterminer s’il est nécessaire de faire appel à l’expertise d’un virologue par exemple. Et puis, du fait de notre profession – et c’est aussi cela qui est intéressant – nous avons l’habitude d’être dans la communication, dans l’échange.
Concrètement, comment travaillez-vous ?
Nous travaillons en étroite collaboration avec l’Assurance Maladie. La plupart du temps, c’est elle qui nous signale les cas à prendre en charge. Mais les signalements peuvent aussi provenir directement des entreprises. On s’aperçoit que, en général, et même si la Covid n’est pas une maladie à déclaration obligatoire, les gens sont très conciliants et consciencieux et qu’ils informent assez facilement leur employeur lorsqu’ils ont connaissance de leur positivité. Dès que nous avons un signalement, nous consultons nos plateformes afin de vérifier qu’il a bien été intégré dans nos bases de données. Une fois qu’il est avéré, nous entamons le tracing.
En général, pour commencer, nous appelons le cas index et nous recueillons les éléments nécessaires (événement qui a pu entraîner la contamination, cas contacts…) grâce à un échange avec la personne. Le contact se fait de telle façon qu’elle comprenne qu’elle a au bout du fil un personnel médical ou paramédical. On commence par demander comment elle va ; cela lui permet de se sentir écoutée et c’est important. Nous lui expliquons ensuite que nous prenons contact avec elle afin de comprendre [comment elle a pu être contaminée] et d’essayer de rompre les chaînes de contamination. Nous ne sommes vraiment pas dans le jugement. L’idée, ce n’est vraiment pas de stigmatiser mais de comprendre la situation pour casser au maximum les chaînes de transmission. Si certaines personnes nous disent, par exemple, qu’elles ne portaient pas le masque, nous en profitons pour leur rappeler les gestes barrière. Nous les informons également, si besoin, que nous pouvons solliciter les médiateurs de lutte anti-Covid (LAC) de la délégation territoriale pour qu’ils interviennent dans les entreprises pour y faire davantage de prévention. Le temps de traitement de chaque cas est, lui, très variable. Parfois les choses évoluent et nous sommes amenés à rappeler les personnes pour collecter de nouveaux éléments. Nous essayons toutefois de ne pas multiplier les rappels, d’autant plus que les gens ayant contracté le virus développent des symptômes et peuvent eux-mêmes être fatigués. Mais en toute honnêteté, ils nous reçoivent dans la grande majorité des cas avec beaucoup d’écoute et sont facilement enclins à nous donner les renseignements nécessaires à notre mission.
A l’issue de l’entretien, si nous obtenons une liste de plusieurs personnes co-exposées, c’est la CPAM qui se charge de les appeler individuellement pour les prévenir. Toutefois, nous sommes parfois amenés à prendre nous-mêmes contact avec certaines d’entre elles si nous avons connaissance de certaines spécificités : si elles sont intervenues au sein d’une collectivité par la suite, par exemple.
Quel bilan tirez-vous du rétro-tracing jusqu’à présent ?
Nous venons de débuter la collaboration avec la CPAM sur le rétro-tracing et nous manquons encore de recul pour en mesurer précisément l’efficacité. Mais compte-tenu de l’élargissement du champ d’investigation, je constate malgré tout qu’en étant à la fois plus large et plus précis, on instaure une vigilance plus importante. Ce qui génère en conséquence une plus grande surveillance des contaminations. Par ruissellement, on touche nécessairement plus de personnes plus rapidement. On va aussi être plus réactif, même si, depuis un an maintenant, on est devenu très sensible à cette nécessité de réactivité. D’autant plus que plus on agit tôt dans le retro-tracing et dans le contact-tracing, plus on sait que cela favorise l’arrêt des chaînes de contamination.
Propos recueillis par Audrey ParvaisJournaliste audrey.parvais@gpsante.fr
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