L’hydroxychloroquine, un médicament antipaludique, a fait partie des premières molécules testées pour traiter le Covid-19. Ce fut ensuite le tour du remdesivir, un antiviral. Des essais britanniques ont à présent identifié une molécule plus prometteuse qu’aucune autre jusqu’ici : la dexaméthasone, un médicament anti-inflammatoire « bon marché, ancien et ennuyeux ».
Malgré cette description peu engageante, les résultats préliminaires indiquent que la dexaméthasone semble à même de réduire le risque de décès des patients atteints de Covid-19 hospitalisés en soins intensifs, qu’ils soient sous oxygène ou sous respirateur.
Ces résultats ont été jugés suffisamment significatifs pour que le gouvernement du Royaume-Uni recommande l’utilisation de la dexaméthasone dans la prise en charge des formes sévères de Covid-19. Avant de l’utiliser en Australie, il faudra cependant encore en évaluer le rapport bénéfice-risque. Ses avantages devront être examinés attentivement par les spécialistes, une fois que les données complètes de l’essai britannique auront été publiées.
It will be great news if dexamethasone, a cheap steroid, really does cut deaths by 1/3 in ventilated patients with COVID19, but after all the retractions and walk backs, it is unacceptable to tout study results by press release without releasing the paper. https://t.co/ZP5GVMUCW3
— Atul Gawande (@Atul_Gawande) June 16, 2020
Qu’est-ce que la dexaméthasone ?
La dexaméthasone est utilisée depuis la fin des années 1950, les médecins la connaissent donc bien. Il s’agit d’un médicament peu coûteux, déjà commercialisé : les patients peuvent se procurer une boîte de 30 comprimés pour environ 22 dollars australiens. S’il s’avère qu’elle est effectivement efficace pour traiter le Covid-19, il sera donc aisé d’inclure cette molécule « bon marché et ennuyeuse » dans les protocoles thérapeutiques actuels.
La dexaméthasone appartient à une classe de médicaments connus sous le nom de corticostéroïdes. Cette hormone glucocorticoïde de synthèse est utilisée pour traiter diverses pathologies liées à l’inflammation : allergies aggravées, certains types de nausées et de vomissements, arthrite, œdème du cerveau et de la moelle épinière, ou encore formes d’asthme grave et difficultés respiratoires chez les nouveau-nés.
C’est justement son utilisation pour traiter ces deux dernières affections respiratoires qui a incité les médecins à penser que la déxaméthasone pourrait également aider les patients gravement touchés par le Covid-19.
Qu’est-ce que les essais ont mis en évidence ?
Les résultats concernant la dexaméthasone ont été obtenus dans le cadre de l’essai « Randomised evaluation of Covid-19 therapy », ou essai RECOVERY.
Les chercheurs ont réparti les patients en trois groupes : ceux dont l’état nécessitait une assistance respiratoire (un appareil qui les aide à respirer), ceux qui avaient seulement besoin d’être placés sous oxygène, et ceux qui n’avaient pas besoin d’aide pour respirer.
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Les patients de chacun des trois groupes ont reçu de la dexaméthasone (6 mg une fois par jour, sous forme de comprimé ou par injection intraveineuse), pendant dix jours. Un quatrième groupe (groupe témoin) n’a pas reçu le médicament.
La dexaméthasone s’est avérée très utile pour les patients ventilés ; les décès de ce groupe ont diminué d’environ un tiers grâce au traitement médicamenteux. En revanche, les décès n’ont diminué que d’un cinquième dans le groupe des patients qui n’avaient besoin que d’une oxygénothérapie. Enfin, aucun avantage n’a pu être mis en évidence pour les patients capables de respirer normalement.
Les chercheurs ont calculé que l’administration de dexaméthasone à huit patients ventilés permettait d’éviter, en moyenne, un décès. Pour obtenir le même résultat chez des patients sous oxygène, il faut administrer le médicament à environ 25 patients.
Quel est le mode d’action supposé de la dexaméthasone ?
Les formes sévères de Covid-19 surviennent lorsque le système immunitaire des patients, qui tente d’éliminer le virus de leurs poumons, s’emballe.
La production de globules blancs destinés à combattre l’infection augmente, entraînant un accroissement de l’inflammation et de la pression au niveau de leurs poumons. Conséquence : leur respiration devient très difficile.
Il est probable que la dexaméthasone soit capable de réduire l’inflammation, et donc la pression sur les poumons.
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L’utilisation de la dexaméthasone peut entraîner diverses complications. Tout d’abord, lorsqu’elle réduit l’inflammation, la dexaméthasone diminue également l’efficacité du système immunitaire. Ce type de médicament est donc généralement déconseillé aux personnes déjà malades (atteints d’autres maladies infectieuses que le Covid-19) ou qui risquent de développer d’autres infections. Avant de prescrire ce médicament, les médecins doivent impérativement s’assurer que leurs patients ne sont pas dans cette situation.
Toutefois, si les résultats de cet essai s’avèrent exacts, la dexaméthasone ne semble pas compromettre la capacité du patient à combattre le coronavirus à l’origine du Covid-19. La molécule affecterait juste la capacité à combattre d’autres maladies.
Ensuite, ce médicament n’est utile que pour les patients dont les difficultés respiratoires nécessitent une assistance (ventilation ou oxygénothérapie). Aucun avantage n’ayant été mis en évidence pour les malades qui n’ont pas besoin d’aide pour respirer, il est donc inutile d’en administrer à tous les individus infectés par le coronavirus. Et ce d’autant moins que, comme tous les médicaments, la dexaméthasone a des effets secondaires qui doivent être surveillés.
Parmi les effets indésirables les plus graves de cette molécule (qui sont toutefois rares), on peut citer : la survenue de graves douleurs à l’estomac ou aux intestins, des changements soudains de la vision, des modifications importantes de la personnalité, des étourdissements sévères, des évanouissements, une faiblesse et des douleurs thoraciques ou des irrégularités du rythme cardiaque, des œdèmes du visage, des lèvres, de la bouche, de la langue ou de la gorge qui peuvent entraîner des difficultés pour déglutir ou respirer.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Les résultats de cet essai clinique sont préliminaires. Il faudra attendre que les données complètes de l’étude aient été publiées et analysées scientifiquement par d’autres experts avant de pouvoir prendre une décision définitive quant à l’utilité et la sécurité de l’utilisation de la dexaméthasone en complément des protocoles thérapeutiques actuellement utilisés pour traiter le Covid-19.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
Nial Wheate, Associate Professor | Program Director, Undergraduate Pharmacy University of Sydney
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