À l’occasion des premières Journées nationales des infirmiers libéraux (Jnil) organisées les 3 et 4 avril derniers, Emmanuel Cassanas, infirmier anesthésiste urgentiste, a animé un atelier sur "l’infirmier libéral face à l’urgence". Zoom sur cette situation qui requiert des réflexes particuliers. Et merci à la Fédération nationale des infirmiers (FNI) de partager avec nous cet article.
Les premières Journées nationales des infirmiers libéraux (Jnil), organisées du 3 au 4 avril dernier à Issy-les-Moulineaux (92), ont rassemblé quelque 400 Idels autour de conférences, de symposiums et d’ateliers thématiques. Lesquels ont notamment abordé la problématique de l’infirmier libéral face à l’urgence, lors d'un atelier animé par Emmanuel Cassanas, infirmier anesthésiste urgentiste, fondateur et directeur du centre de formation continue destiné aux professionnels de santé, Action Santé. Objectif ? Rappeler ce qu’est une situation d’urgence et revenir sur les conditions d’intervention des infirmiers libéraux en la matière. Un enjeu important au regard de la situation actuelle.
Engorgés, les services des urgences sont en effet régulièrement sollicités pour des cas ne relevant pas de l’urgence médicale. Comme l’a indiqué Emmanuel Cassanas en préambule, une situation d’urgence, c’est un pronostic vital engagé dans un espace temps réduit.
C’est aussi une situation qui appelle une réponse rapide et efficace en attendant une intervention médicale afin de garantir le maximum de chances de survie au patient.
Les recommandations de bonnes pratiques de la SFMU
Face a la grande hétérogénéité des situations d’urgence et, paradoxalement, à l’absence de protocoles concernant ces problématiques, la Société française de médecine d’urgence (SFMU) a publie, en 2012, en partenariat avec la Société française d’anesthésie et de réanimation (Sfar) et le Collège français de réanimation cardio-respiratoire, des recommandations professionnelles. Cette série d’actions et d’actes de surveillance infirmiers indique face à différentes situations précises en attendant une intervention sont autant d’outils de bonnes pratiques a disposition des infirmiers qui se retrouvent seuls face a une situation de détresse médicale.
Symptomatologie et bilan de la situation
Perte de conscience, accident vasculaire cérébral, brûlure grave, convulsion, accouchement, oedème aigu du poumon… il existe un grand nombre de situations d’urgence. Mais, a insisté Emmanuel Cassanas, l’Idel doit d’abord et surtout se concentrer sur la symptomatologie et non pas se lancer dans un diagnostic pour lequel il n’a pas été formé. Attachez-vous davantage à la notion clinique. C’est important pour ne pas vous mettre en porte-à-faux au moment où il faudra expliquer votre situation à d’autres interlocuteurs.
C’est pourquoi la première chose à faire pour l’Idel face à l’urgence est de dresser le bilan de la situation. Vérifiez trois choses primordiales : la respiration, la conscience et l’activité cardiaque. Méfiez-vous de certaines situations qui peuvent tromper votre interprétation : une personne sourde, un patient mutique, un individu atteint de troubles psychiatriques mais aussi des simulateurs
, a averti Emmanuel Cassanas. Vous pouvez, en cas d’interrogation sur son état de conscience, le stimuler. N’oubliez pas que l’inconscient peut aussi réagir quand on lui fait mal : cela permet de coder son niveau d’inconscience.
Si l'une ou l'autre de ces trois fonctions est amputée, il faut considérer que l’on fait face à une situation d’urgence, dont l’analyse doit absolument être complétée par la contextualisation.
Il s’agit de décrire la scène que l’on a sous les yeux et toutes les informations dont on dispose concernant le patient. Ces éléments peuvent aider les secours à comprendre ce qui a pu se passer et à anticiper la prise en charge. Ainsi, a illustré Emmanuel Cassanas, si un patient, dont on connaît la dépression, est retrouvé seul chez lui, entouré de bouteilles et de médicaments, il y a lieu de s’interroger s’il ne s’agit pas là d’un suicide
. À ce bilan circonstanciel doit par ailleurs être joint un bilan lésionnel, signalant tous les éléments d’observation tels qu'un saignement, la présence d’un hématome... Ce sont tous ces éléments qui permettent de convaincre l’Idel qu’il fait face à une situation d’urgence et lui permettent ensuite de donner une alerte « argumentée ». Et, sur ce point, le formateur a été catégorique : On ressent parfois chez les infirmiers la crainte d’appeler le Samu. N’ayez pas d’inhibition ! Même si vous signalez une situation qui pourrait s’avérer non urgente, ce service existe précisément pour trancher sur cet état des lieux.
Les bons réflexes, et prévenir le bon intervenant… celui qui est immédiatement disponible
Le plus important est de justifier tous ses actes
Appeler le Samu pour donner l’alerte, certes, mais aussi pour vérifier, si besoin est, que les gestes de premier secours que l’Idel s’apprête à pratiquer sur le patient sont justifiés. Car, outre les positions adaptées à effectuer dans l’attente des secours médicalisés, l’infirmier, en fonction de son équipement et de la situation, peut réaliser toutes sortes d’interventions techniques et précises comme le massage cardiaque, l’assistance ventilatoire, l’aérosol pour l’asthme...
. De nombreux gestes relèvent en effet des compétences reconnues de l’Idel. Le plus important est de justifier tous ses actes, a rappelé néanmoins Emmanuel Cassanas. Ne prenez pas d’initiatives intempestives. Et, une fois que vous avez appelé, restez sur place, jusqu’à ce que les secours arrivent afin d’assurer la coordination et la transmission des données aux professionnels de l’urgence.
Les étapes à retenir
- Bilan (respiration, conscience, activite cardiaque).
- Alerte argumentée. La Mutuelle d’assurances du corps de sante francais (MACSF) rappelle qu’il peut être opportun « d’établir un compte rendu écrit détaillé afin de tracer les événements et les mesures prises ». Elle rappelle aussi la nécessité, pour les infirmiers, de ne pas sortir de leur champ de compétences.
- Positions adaptées et/ou interventions techniques (perfusion, massage cardiaque…).
Julie MARTINETTI
Cet article est paru dans le journal de la FNI Avenir et Santé n° 424 - Mai 2014, p. 38/39, que nous remercions de cet échange.
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