Exercer en libéral renvoie à la responsabilité d’assurer une continuité des soins. C'est pourquoi, quand un IDEL a besoin de ne pas travailler, il peut se faire remplacer par un autre infirmier. Nous vous proposons de faire le point sur les conditions et modalités du remplacement libéral, au regard de la parution, en novembre 2016, du code de déontologie des infirmiers.
La réglementation en vigueur
Depuis le 25 novembre 2016, il existe un code de déontologie des infirmiers , promulgué par le Décret n° 2016-1605 du 25 novembre 2016, qui remplace le Décret N° 93-221 du 16 février 1993 relatif aux règles professionnelles des infirmiers et infirmières.
Ce code se découpe en sections, sous sections et paragraphes. La sous-section 3 de la section 5 légifère l’exercice en libéral, et comprend 3 paragraphes (pages 21 à 26). Un paragraphe (n°3) est consacré au remplacement : devoirs envers les confrères
, articles R4312-83 à 87. Un infirmier remplaçant est un infirmier qui travaille temporairement en lieu et place d’un infirmier libéral, ceci pour une période déterminée, correspondant à une indisponibilité du remplacé. Le remplaçant peut être installé (conventionné) ou titulaire d’une autorisation de remplacement.
Notons que jusqu’à présent c’était l’Agence Régionale de Santé (ARS) qui délivrait les attestations d’autorisation de remplacement. Depuis le 25 novembre 2016 c’est le conseil départemental de l’ordre des infirmiers qui s’en occupe. Il est nécessaire d’être inscrit à l’ordre infirmier pour demander une autorisation de remplacement.
Les conditions d'autorisation d'un remplacement
Les conditions à remplir pour remplacer un infirmier libéral conventionné sont les suivantes :
- être titulaire d'un diplôme d'État d'infirmier et d'une autorisation de remplacement en cours de validité délivrée pour une durée d’un an renouvelable par le conseil départemental de l’ordre auquel il est inscrit ;
- justifier d'une activité professionnelle de dix-huit mois, soit un total de 2 400 heures de temps de travail effectif, dans les six années précédant la date de demande de remplacement ;
- avoir réalisé cette activité professionnelle dans un établissement de soins, une structure de soins ou au sein d'un groupement de coopération sanitaire, tels que définis à l'article 5.2.2 de la convention nationale des infirmiers libéraux.
Il appartient aux infirmiers concernés de produire, à l’appui de leur demande de remplacement sous convention, la ou les attestations d’activité ou d’expérience validées par le ou les employeurs, permettant de vérifier que les conditions d’acquisition de l’expérience précitée sont bien remplies (date, durée exprimée en heures, lieu, nature de l’expérience...).
Quelques dérogations possibles
Certaines dérogations aux conditions de remplacement peuvent être admises, en cas notamment de carence démographique dans certaines zones géographiques (difficultés d’accès aux soins, circonstances exceptionnelles au sein d’un cabinet, longue maladie ou décès). Cette demande de dérogation peut être adressée à la CPAM du secteur concerné. Le dossier doit être exhaustif, argumenté et constitué de données objectives, afin de garantir une égalité de traitement dans les questions de dérogations.Les conditions du remplacement
Le remplacement est possible pour une durée correspondant à l'indisponibilité de l'IDEL remplacé. Les motifs d’indisponibilité peuvent être : congés, maladie/maternité ou formation. Attention : un infirmier interdit d’exercice par décision disciplinaire ne peut se faire remplacer pendant la durée de la sanction. Pour des raisons de qualité des soins, l’infirmier remplaçant ne peut remplacer plus de deux infirmiers en même temps (sur les mêmes dates), y compris dans une association d’infirmiers ou un cabinet de groupe. Lorsqu’il a terminé sa mission et assuré la continuité des soins, l’infirmier remplaçant abandonne l’ensemble de ses activités de remplacement auprès de la clientèle de l’infirmier remplacé.
Le contrat de remplacement
Il est obligatoire car, en cas de litige, le seul moyen d’arbitrage des deux parties sera le contrat de replacement :
- au-delà d'une durée de vingt-quatre heures, ou en cas de remplacement d'une durée inférieure à vingt-quatre heures mais répété, un contrat de remplacement doit être établi entre les deux parties, et transmis par l’infirmier remplaçant et l’infirmier remplacé au conseil départemental (ou aux conseils départementaux) auxquels ils sont inscrits (Art. R. 4312-85) ;
- il doit comporter les périodes prévues, le motif de remplacement, le mode de rémunération, le pourcentage de rétrocession, les clauses de non concurrence et les modalités de rupture du contrat ;
- l’ordre infirmier propose des modèles de contrats type à personnaliser.
Les devoirs de l’infirmier remplacé
Lorsque l’infirmier remplacé exerce dans le cadre d’une association ou d’une société, il en informe celle-ci. Durant la période de remplacement, l’infirmier remplacé doit s’abstenir de toute activitéÌ professionnelle infirmière, sous réserve des hypothèses de non-assistance aÌ personne en péril et de demande de l’autoritéÌ en cas d’urgence, de sinistre ou de calamiteÌ, telle que mentionnée au second alinéa de l’article R. 4312-8 (situation d’urgence ou catastrophe). (Art. R. 4312-84) Le contrat de remplacement doit être transmis à l’ordre départemental. L’infirmier remplacé vérifie que son remplaçant remplit bien les conditions nécessaires à l’exercice du remplacement dans le cadre de la convention en vigueur.
Lieux de pratique du remplaçant
L’infirmier remplaçant qui n’est pas installé assure le remplacement au lieu d’exercice professionnel de l’infirmier remplacé et sous sa responsabilité propre. Par contre, s’il est déjà installé, il pourra, si l’infirmier remplacé en est d’accord, recevoir les patients dans son propre cabinet (Art. R. 4312-86).
Fin du remplacement : le principe de non concurrence
Il faut rester attentif aux clauses de non concurrence, qui devront être aménagées dans chaque contrat. Si un infirmier qui n’exerce qu’en qualité de remplaçant et sur plusieurs cabinets a un projet d’installation, les nombreuses clauses de non concurrence risquent de lui porter préjudice le jour où il souhaitera s’installer.
L’infirmier qui remplace un de ses collègues pendant une période supérieure à trois mois, consécutifs ou non, ne doit pas, pendant une période de deux ans, s’installer dans un cabinet où il puisse entrer en concurrence directe avec le confrère remplacé et, éventuellement, avec les infirmiers exerçant en association ou en société avec celui- ci, à moins qu’il n’y ait entre les intéressés un accord, lequel doit être notifié au conseil départemental de l’ordre. Lorsqu’un tel accord n’a pu être obtenu, l’affaire doit être soumise au dit conseil qui apprécie l’opportunité et décide de l’installation (Art. R. 4312-87).
Indépendance et responsabilité
Il ne doit pas exister de lien de subordination entre les infirmiers, qu’ils soient titulaires ou remplaçants. L'IDEL ne peut pas, dans l'exercice de sa profession, employer comme salarié un autre infirmier, un aide-soignant, une auxiliaire de puériculture ou un étudiant infirmier. Le remplaçant exerce sous sa propre responsabilité et en indépendance vis à vis de chaque infirmier (Art. R. 4312-73)
Facturation des soins
Un remplaçant ne peut facturer directement aux caisses d’assurance maladie les actes qu’il effectue. En effet, il ne possède pas de feuilles de soins à son nom. De même, les chèques (ou espèces) perçus par le remplaçant (en cas de fin d’une série de soins durant sa période de travail) seront à l'ordre du remplacé et lui seront transmis.
La télétransmission des feuilles de soins pour les actes effectués par un remplaçant n’est à ce jour pas autorisée. Il faudra utiliser une feuille de soins papier du remplacé, barrer son nom et y inscrire les coordonnées du remplaçant. Les honoraires seront versés au remplacé, qui fera une « rétrocession d'honoraires », le plus souvent amputée d’un pourcentage défini dans le contrat, correspondant aux frais de mise à disposition de la patientèle, des locaux et du temps de facturation.
Cette participation peut varier selon les cabinets et modes d’exercice . Elle ne doit pas être trop importante, car l’objectif n’est pas que l’IDEL remplacé puisse tirer bénéfice de cette activité. On estime qu’au-delà de 15/20% il faut rester très vigilant sur le contenu de cette contribution.
Le remplacé doit déclarer ces honoraires rétrocédés, en période de déclaration de revenus, via le formulaire DAS 2 fourni par le Centre Départemental d'Assiette (du département de l'IDEL remplacé). Afin de ne pas être imposé sur ces honoraires rétrocédés, et de pouvoir justifier de périodes non travaillées.
Il est souhaitable que le remplaçant obtienne de la part du remplacé un décompte précis des honoraires qu’il percevra. En effet il faut exclure les rémunérations de type « forfait » et le remplaçant doit connaitre les cotations facturées pour les soins qu’il effectue (car son nom apparait tout de même en regard de la facturation).
Le point sur la CPS remplaçant
Les infirmiers remplaçants ont depuis quelques mois la possibilité de demander auprès de l’ordre départemental dont ils dépendent une CPS (carte professionnel de santé) remplaçant. La différence résidera dans l’identification du remplaçant qui se fera avec cette CPS, ainsi que dans la possibilité d’envoyer les feuilles de soins par voie électronique (télétransmission), via le logiciel du remplacé, qui devra créer au préalable un compte « remplaçant » sur son logiciel. Cette procédure raccourcira les délais de paiement. Par contre le règlement se fera toujours au remplacé.
Les cotisations du remplaçant
Le remplaçant est soumis aux mêmes cotisations sociales que le titulaire (URSSAF, CARPIMKO , responsabilité civile et professionnelle). À noter : en dessous de 30 jours annuels de remplacement, il n’y aura pas d’affiliation à l’URSSAF nécessaire, car l'URSSAF n'appelle à cotisation qu'à partir du 31ème jour. Cela laisse donc 30 jours pour évaluer si l’on souhaite poursuivre ou non dans cette voie.
Comment trouver un remplaçant ?
Pour trouver un remplaçant, vous pouvez suivre la rubrique « emploi » du site emploisoignant.com, ou passer une petite annonce dans un journal ou sur un site local ou spécialisé. Vous pouvez également contacter les syndicats professionnels libéraux, l’ordre de votre département, les cabinets infirmiers de votre secteur, et bien entendu, faire marcher le bouche à oreille.
Différence avec la collaboration
Un « remplaçant avec feuille » est antinomique. Le principe du remplacement est de facturer sur la feuille de soins du remplacé. Si le remplaçant possède ses propres feuilles de soins (ce peut être un choix d’être conventionné et de ne faire que des remplacements, ou en complément d’une activité propre) il pourra soit facturer sous le nom du remplacé (contrat de remplacement), soit facturer sous son propre nom, mais dans ce cas le contrat devra être requalifié en « contrat de collaboration ». Dans le cadre d’un remplacement, le remplacé ne doit pas travailler, dans le cadre de la collaboration il le peut.
Les dates de début et fin du remplacement doivent être écrites dans le contrat de remplacement, pas en cas de collaboration.
Pour conclure, le remplacement peut être une bonne façon d’approcher le libéral ou d’aménager son temps de travail. Ce peut être aussi un moyen de compléter ses revenus salariés (autorisation à demander à son employeur dans certains cas) en attendant de s’installer à son compte.
Florence Ambrosino, IDEL, formatrice
Références
- Code de déontologie des infirmiers , Décret n° 2016-1605 du 25 novembre 2016
- Convention nationale infirmière du 22 juin 2007 - version consolidée avenant 4 du 20 mars 2014. Chapitre 5.2.2 et 5.2.3. Pages 22 à 26
- Déclaration des honoraires rétrocédés
- Guide « Je m'installe en libéral – Les clés pour réussir » - infirmiers.com
INTERNATIONAL
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