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Aidants et infirmiers libéraux : comment travaillent-ils ensemble ?

Publié le 06/04/2017

Pour certains patients, et quelle que soit la maladie, le maintien à domicile permet de garder une vie normale. Infirmiers libéraux et aidants s’y emploient ensemble. Comment ces soins s’organisent-ils au quotidien ? La question était au cœur d’une table ronde qui s’est tenue au Palais des Congrès d’Issy-les-Moulineaux le 31 mars dernier dans le cadre des Journées Nationales des Infirmiers Libéraux 2017. Hélène Monteils, IDEL à Montpellier, Jean-François Desgranges, un aidant de ses patients et Aurélie Misme, directrice médicale de la Maison des aînés et des aidants à Paris sont venus en témoigner et débattre.

Jean-François Desgranges, père d'un enfant atteint de mucoviscidose depuis sa naissance, a témoigné avec force et courage de son rôle d'aidant, accompagné au plus près par une infirmière libérale particulièrement investie. De gauche à droite : Bernadette Fabregas, rédactrice en chef infirmiers.com, animatrice du débat, Hélène Monteils, infirmière libérale à Montpellier et Aurélie Misme, directrice médicale de la Maison des aînés et des aidants à Paris.

En France, plus de 8 millions d’aidants familiaux prennent soin d’une personne dépendante, qu’elle soit âgée en perte d’autonomie, handicapée ou encore atteinte d’une maladie chronique. Dans 80% des cas, c’est la famille qui assume les soins et 60% de ces aidants sont des femmes. 50 % d’entre eux occupent un travail, quand c’est encore possible.

« La pénétration du cercle familial » est déterminante

Jean-François Desgranges, 62 ans, raconte l’histoire de son fils, Teddy, atteint de la mucoviscidose. La famille l’apprend début 1990. Teddy a alors 1 an.Notre vie a changé, se souvient le père. Lui et sa femme cessent de travailler, la famille déménage pour se rapprocher du centre de soins. Quand l’enfant a 8 ans, elle tente une prise en charge à la maison pour éviter les 15 jours trimestriels à l’hôpital. A l’époque, l’hospitalisation à domicile en était à ses balbutiements. On était très stressés. Les infirmières ont su nous aider à passer ce cap-là. Aujourd’hui, Teddy a 30 ans. Il vit en couple avec une jeune femme atteinte de la même maladie. Ils ont une vraie qualité de vie, se félicite le père de Teddy. Cependant, il habite à 5 minutes de chez son fils et son téléphone n’est jamais éteint. Hélène Monteils sourit. C’est elle et son équipe qui se sont occupées du jeune homme depuis le début. Nous avons entrepris de soigner Teddy à domicile, avec tout ce que cela implique, raconte cette infirmière formée aux soins spécifiques imposés par la maladie. Quand il s’est marié, elle était là. C’est un investissement au long court, devenu naturel, digne d’une amitié, résume l’infirmière avant d’ajouter : la pénétration du cercle familial est très importante.

Un propos partagé par Aurélie Misme, médecin gériatre à la tête de la Maison des aînés et des aidants. La structure parisienne, justement, a été pensée pour répondre aux besoins des aidants, souvent un peu perdus dans la jungle des organismes. Comment peut-on se retrouver dans la complexité de l’accompagnement d’une personne âgée ?, interroge Aurélie Misme. Partie de ce constat, l’équipe a fait fusionner l’existant, offrant une structure aussi bien pour les patients que pour les aidants.

Un tel accompagnement de patient et de sa famille est un investissement au long court, devenu naturel, digne d’une amitié

« L’aidant n’est pas du tout considéré »

La collaboration entre aidants et infirmiers libéraux va très loin, témoigne Hélène Monteils, évoquant la famille Desgranges : On a été obligés de former le père pour que le fils ait une vie autonome. Pour accompagner son fils au plus près, Jean-François Desgranges a tout appris : les soins, la kinésithérapie… C’était une obligation, tranche-t-il, mettant un point d’honneur à ne jamais laisser transparaître ses émotions devant Teddy. Quand il est au fond du trou, je me dois d’aller bien.

Cet investissement des aidants n’est pourtant pas sans conséquences. Certains souffrent d’épuisement, de dépression, voire développent une pathologie. Les couples non plus ne résistent pas toujours à l’épreuve. Pourtant, l’aidant n’est pas considéré comme il devrait l'être aujourd’hui, regrette Aurélie Misme. Certes, le rôle des aidants est désormais reconnu dans la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement et de nouveaux droits leur ont été octroyés, notamment le congé du proche aidant qui a vu le jour en janvier 2017, mais il s’agit d’un congé sans solde de trois mois et renouvelable une fois. Ces mesures sont toujours très insuffisantes. Les évolutions restent à la marge et dépendent des territoires.

Si Jean-François Desgranges tient à rester positif, soulignant que grâce aux évolutions de la prise en charge, son fils peut aujourd’hui aller au cinéma normalement ou voyager, il reconnaît que les politiques de santé n’ont pas assez évolué. J’ai été obligé d’arrêter de travailler, sinon mon fils aurait été voué à lui-même. C’est vrai qu’on n’a aucune reconnaissance et rien qui nous permette de financer tout ça, déplore-t-il.

La loi reconnaît le statut de proche aidant avec une aide maximale de 500€/an et aidé pour financer ponctuellement un hébergement temporaire, un accueil de jour ou un renforcement de l'aide à domicile...

« L’aidant doit se faire aider. »

Si dans le cas de la famille Desgranges, la synergie entre infirmiers et aidants a parfaitement fonctionné, tout ne se passe pas toujours aussi bien. Aurélie Misme a ainsi été confrontée à des cas de maltraitance de la part d’aidants qui craquent, surtout lorsque leur proche souffre d’un trouble du comportement, ou de troubles cognitifs. La professionnelle a dû parfois se résoudre à demander une protection juridique, ce qui peut être extrêmement violent pour la famille.

Comment, dès lors, répondre à ces souffrances ? Il faut surtout pister le moment où il va y avoir défaillance et quantifier la fatigue, suggère Hélène Monteils.

On devient aidant malgré soi et il ne s'agit pas que les aidants se substituent aux professionnels du soin… et pourtant...

C’est aussi à cette détresse que la Maison des aînés et des aidants tente de répondre. Et ça marche : celle-ci a enregistré 250 demandes de signalement depuis le début de l’année. La moitié provient des professionnels, l’autre des aidants.

La structure, qui existe uniquement à Paris pour l’instant, se propose d’évaluer les situations à domicile. Il s’agit de prendre en compte chaque cas dans sa dimension médico-psycho-sociale. Des programmes d’éducation thérapeutique vont être mis en place, à destination des patients mais aussi des aidants. Pour Hélène Monteils, le plus important reste d’anticiper. Le temps de la maladie est pernicieux. La pathologie perturbe tout : la vie, l’espoir, tout. A partir de là, il faut pouvoir dire aux aidants : voilà ce qui va se passer et on va vous accompagner. Aurélie Misme abonde : L’aidant doit se faire aider.

Table-ronde « Infirmiers libéraux et aidants naturels : quelle synergie dans la prise en soin ? », vendredi 31 mars 2017, 14h-15h30, Journées nationales des infirmiers libéraux (JNIL)

Susie BOURQUIN Journaliste susie.bourquin@gmail.com


Source : infirmiers.com