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Tuteur en réanimation : partager son savoir pour gagner en compétences

Publié le 24/07/2017
réanimation, soignants, infirmières

réanimation, soignants, infirmières

L’objectif de cet article est de qualifier le tutorat « aujourd’hui », pour montrer ses forces et ses opportunités d’amélioration, afin de favoriser le processus de professionnalisation des tuteurs. Pascale Meyer, cadre supérieur de santé aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg a interviewé une infirmière de réanimation ayant huit années d’expérience en tant que tuteur dans une unité de réanimation. Merci au site cadredesante.com pour le partage de cet article.

La mission de tutorat demande avant tout de la disponibilité, de la patience et des qualités d’observation et d’écoute.

Le tutorat en formation initiale des infirmiers a été introduit par l’Arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d’Etat d’infirmier , dans le cadre de la réforme de la formation initiale axée sur l’Universitarisation Européenne des diplômes licence master doctorat (LMD). Au sein du CHU de Strasbourg, dans chaque unité de soins, des tuteurs ont été recrutés sur la base du volontariat pour remplir cette nouvelle fonction. Une formation institutionnelle d’une durée de trois jours a été proposée aux infirmiers volontaires afin de s’approprier ce nouveau rôle et ces nouvelles missions pédagogiques. L’objectif de cette formation institutionnelle était de professionnaliser le tutorat afin de garantir aux étudiants un stage professionnalisant. Anne-Gaëlle Schott, infirmière et tuteur en service de réanimation médicale du CHU de Strasbourg, répond à nos questions sur le sujet.

Qu’est-ce que le tutorat a changé dans vos pratiques ?

Anne-Gaëlle Schott - Ce rôle de tuteur m’a permis de développer une nouvelle activité plus spécialisée en pédagogie, un champ que j’ai dû m’approprier. Grâce à la formation de tuteur, j’ai pu acquérir ces nouvelles compétences et maîtriser les outils du tutorat comme le portfolio . Mes missions ont été clairement définies et identifiées par l’encadrement, ce qui a permis de mettre en place des temps spécifiques dédiés au tutorat. Par exemple, nous avons créé un groupe de travail chargé d’élaborer des situations de soins prévalentes qui ont été validées par l’institut de formation en soins infirmiers. Ensuite, nous avons défini le parcours de stage de l’étudiant en fonction de la durée de son stage avec une progression pédagogique, puis nous avons travaillé sur l’évaluation des compétences qu’il aurait à atteindre en mettant en place des outils de suivi.

Qu’est-ce que cela a permis de développer au sein de votre unité ?

A.-G. S. - Personnellement, je me suis sentie d’emblée plus impliquée et plus autonome dans l’encadrement de stage et dans l’organisation de l’évaluation de l’apprentissage de l’étudiant. J’ai cerné aussi la responsabilité qui m’incombait, en particulier dans le suivi régulier des compétences et actes de soins permettant l’évaluation de la progression de l’étudiant. Les membres de l’équipe intéressés par le tutorat étaient également volontaires et donc motivés. La mise en place du groupe de travail réunissant les tuteurs a permis de créer une cohésion d’équipe autour de ce nouveau projet d’encadrement et d’y impulser une dynamique.

Suivant l’objectif de l'étudiant, le tuteur joue un rôle important dans sa mise en confiance et la sécurisation de son parcours.

Comment le tutorat mis en place a-t-il fait évoluer les pratiques ?

A.-G. S. - Nous avons choisi de rechercher les situations les plus formatrices, en lien avec l’institut de formation en soins infirmiers, afin que l’étudiant puisse effectuer des connexions entre ses savoirs et ses apprentissages pratiques. Prenons, par exemple, la détresse respiratoire aigüe. Le tuteur effectue les liens entre les connaissances anatomopathologiques qui sont enseignées à l’IFSI et les actes de soins inhérents à la situation du patient :

  • la préparation de l’intubation : matériel, habillage du soignant, hygiène... ;
  • l’installation du patient et sa surveillance ;
  • l’administration des traitements médicamenteux : diurétiques, corticoïdes, aérosols ;
  • la surveillance des constantes du respirateur ;
  • la communication avec le patient intubé, voire sédaté ;
  • la mise en place de la contention de sécurité du patient liée à l’intubation ;
  • les informations données à la famille...

L’équipe de tuteurs s’est approprié le portfolio et a créé des outils de suivi permettant ensuite de faciliter l’évaluation de l’étudiant au cours des 10 semaines de son stage S5-S6. Un livret de suivi de stage détaillant les compétences et les actes à valider lors du stage, est mis à disposition de l’étudiant. Il est rempli tout au long du stage par les professionnels de proximité qui interviennent dans l’encadrement. Ce livret servira de support et d’aide au remplissage du portfolio et des différents bilans effectués lors du stage. Par ailleurs, deux mises en situations professionnelles formatives menées par le tuteur sont proposées à chaque étudiant, afin de lui donner des indications sur son niveau d’acquisition des compétences. En parallèle, le formateur référent de l’IFSI propose au groupe d’étudiants un atelier d’apprentissage par problèmes ou APP. Lors de cet atelier réflexif, il fait référence à des problématiques de soins ayant interpellé les étudiants lors de leur stage. Généralement nous accueillons des étudiants qui ont pour objectif, soit un projet professionnel d’exercice en réanimation, soit l’atteinte des compétences restant à valider. Suivant l’objectif, le tuteur joue un rôle important dans la mise en confiance de l’étudiant et la sécurisation de son parcours. Il évalue son niveau de compétences en début de stage pour l’aiguiller vers les situations de soins les plus appropriées qui lui permettront de consolider ou de signifier son apprentissage.

Qu’est-ce que cela a fait émerger en vous ?

A.-G. S. - Cette nouvelle mission demande avant tout de la disponibilité, de la patience et des qualités d’observation et d’écoute. Cela impose une remise en question et une prise de hauteur par rapport à sa propre pratique. Je me suis posé les questions suivantes : comment l’autre comprend ? Comment il apprend ? Comment il sait qu’il sait faire ? Cela nécessite d’avoir confiance en soi, d’être sûr de ses connaissances et de valoriser les bonnes pratiques. Par ailleurs cela m’a donné un nouvel élan tout en me lançant des défis pour dépasser les difficultés. Cela procure aussi de la satisfaction. J’ai développé aussi mes qualités d’écoute et de discernement en m’appuyant sur les préconisations précisées dans l’instruction relative à la formation des tuteurs de stages paramédicaux et ciblant les quatre compétences attendues pour le tuteur paramédical à savoir les compétences sociales et relationnelles, les compétences pédagogiques, les compétences réflexives et les compétences organisationnelles.

Quelles sont, selon vous, les limites et les difficultés ?

A.-G. S. - Les limites sont posées soit par les difficultés d’apprentissage propres à chaque étudiant, soit par l’organisation du stage. Celle-ci qui peut être impactée par la gestion de l’absentéisme au sein de l’équipe. En temps normal, pour exercer exclusivement son activité d’encadrement, le tuteur est sorti de l’équipe. En cas d’absence d’un de ses collègues, il rentre à ce moment-là dans le planning de l’équipe et doit pallier à l’absence. Ceci a pour effet de ne pas pouvoir disposer d’un temps de travail spécifique dédié au tutorat, dans un environnement contraint. Parfois, nous accueillons pour leur stage S6, des étudiants qui arrivent en fin de parcours d’études et chez qui les formateurs de l’IFSI ont pointé des difficultés d’apprentissage. Certaines compétences ne sont, dans ce cas, pas atteintes. Il s’agit alors de les accompagner au plus près afin de valider ou non leur parcours. Cette étape comprend des enjeux importants pour la suite de leur cursus et demande une attention particulière au tuteur sur le plan relationnel, car en terme de gestion des émotions les étudiants se sentent en insécurité et ont besoin de réassurance. Dans ce cas précis, l’échec d’un étudiant peut décourager le tuteur par rapport à son implication pédagogique. Cela interroge les limites et les difficultés de l’apprentissage lorsque les étudiants ne progressent pas comme ils le souhaitent. Certains tuteurs n’ont d’ailleurs plus souhaité poursuivre leur mission.

Selon vous de quoi auriez-vous besoin à ce jour pour approfondir cette mission ?

A.-G. S. - Je dirais que la fonction de tuteur est aujourd’hui valorisée et reconnue. Le cadre s’appuie sur l’expertise du tuteur dans la reconnaissance de ses connaissances spécifiques et dans la valorisation des actes de soins et des bonnes pratiques. Il en tient compte également dans l’évaluation annuelle au cours de l’entretien professionnel. Il peut aussi proposer au tuteur des publications, des formations d’approfondissement ou la participation à des congrès sous forme de communications orales ou de posters.

Encourager les formations pour une professionnalisation des tuteurs

Cet article sur le retour d‘expérience du tutorat en réanimation est parti d’un constat sur le travail d’implication des tuteurs et professionnels dans la formation de leurs pairs. L’accompagnement de leurs pairs est devenu une valeur ajoutée et une priorité pour les professionnels. Ainsi, la place accordée au stage dans la formation des étudiants en soins infirmiers impose à chaque équipe d’assurer l’accueil du stagiaire, de prévoir un programme pédagogique centré sur les apprentissages afin que le stage soit professionnalisant. Pour répondre encore mieux aux enjeux du tutorat sur la formation des futurs professionnels et la nécessité pour les tuteurs d’acquérir des compétences pointues dans le domaine de la pédagogie, des formations professionnelles plus spécifiques pourraient être envisagées comme la formation de formateur, la création d’outils de progression, la formation à la pratique réflexive, la formation à l’évaluation. Dans un environnement professionnel complexe et en perpétuel changement, cela permettrait d’encourager et de soutenir les tuteurs dans leurs missions.

Propos recueillis par Pascale MEYER  Cadre supérieur de santé  Ingénierie de formationHôpitaux universitaires de Strasbourg  pascale.meyer1@chru-strasbourg.fr


Source : infirmiers.com