Essentiellement localisés sur les membres inférieurs, les hématomes de la personne âgée sont favorisés par les chutes ou les traitements anticoagulants ou antiagrégants. Lors de la 3e Journée midi-pyrénéenne de cicatrisation, le sujet a été développé, notamment sur les hématomes disséquants qui imposent une conduite à tenir spécifique.
On ne peut pas parler des hématomes du sujet âgé sans aborder le problème du vieillissement cutané. En effet, la peau et les phanères sont les éléments les plus visibles du vieillissement
, a indiqué Yves Ghrenassia, médecin généraliste à Venerque (31, titulaire d'une Capacité de Gériatrie et d'un DU Plaie et Cicatrisation, en préambule de la session plénière sur le sujet qui s’est tenue dans le cadre de la 3e édition de la Journée midi-pyrénéenne de cicatrisation (JMPC) le 4 avril dernier à Toulouse1.
Le vieillissement cutané est multifactoriel. Il associe à la fois des facteurs génétiques (phototype), comportementaux (tabac, alcool, drogues, gestuelles), actiniques (rayonnement solaire) et cataboliques (maladies intercurrentes). Lors du vieillissement cutané, la peau perd de son élasticité et de sa fonction de barrière, et à l’occasion d’un choc, il y a un saignement intra ou sous-cutané qui va produire un hématome.
Concept de dermatoporose
Le concept de dermatoporose a été développé essentiellement par des équipes suisses. Il s’agit d’un syndrome cutané chronique lié au vieillissement et à la fragilité. Au même titre que l’ostéoporose, la dermatoporose doit être traitée afin d’éviter les complications qui en résultent. Cliniquement, cette dernière laisse à voir plusieurs présentations :
- l’atrophie cutanée, qui en principe se voit sur les parties exposées au soleil et qui se présente de manière translucide ;
- le purpura sénile, lié à des micro traumatismes répétés avec des petites hémorragies intra dermiques ;
- les cicatrices pseudo stellaires sous plusieurs formes (linéaire, en étoile, en plaque).
Hématomes disséquants
Les hématomes sont définis comme une collection hémorragique dans une cavité naturelle ou sous la peau. Favorisés par les chutes ou les traitements anticoagulants ou antiagrégants, ils sont surtout localisés sur les membres inférieurs.
On distingue les hématomes superficiels, assez fréquents dans la pratique clinique, et les hématomes disséquants. Cliniquement, ces derniers sont une collection hémorragique de taille variable, avec l’existence d’un œdème inflammatoire et d’une masse fluctuante à la palpation. Si leur diagnostic est facile devant une forme collectée, il s’avère en revanche plus difficile devant un œdème inflammatoire ou une plaque de nécrose. Dans ce cas-là, une échographie et/ou une IRM sont nécessaires.
La conduite à tenir consiste alors :
- à vérifier la numération formule plaquettes (NFP) pour voir s’il y a un risque de déglobulisation ;
- à réaliser un INR (International Normalized Ratio) s’il y a un traitement par AVK ;
- parfois, à effectuer une radio pour vérifier l’absence de fracture sous-jacente.
Il faut bien sûr évaluer les dégâts car l’hématome est profond et il va faire apparaître une voussure et provoquer des dégâts tissulaires allant de l’épiderme jusqu’au fascia musculaire. Et cet hématome peut induire des zones de nécrose.
En fait, lorsqu’il y a un traumatisme, il existe deux possibilités :
- soit l’hématome va laisser la peau intègre. Il n’y a pas d’urgence ; on peut surveiller et réévaluer plus tard la plaie et l’hématome qui va en découler ;
- soit il y a une menace cutanée. C’est alors une urgence car il y un saignement et un œdème qui vont entraîner une nécrose tissulaire avec un risque infectieux, voire un enkystement. L’urgence consiste à procéder à une évacuation chirurgicale, suivie ensuite d’une cicatrisation dirigée avec un pansement.
Prise en charge locale
Plusieurs cas cliniques - plutôt des suivis photos - (plaies de la jambe après chute ou accident…) ont été présentés par Sandrine Latger, infirmière au centre de cicatrisation de la clinique Pasteur de Toulouse, titulaire d'un DU Plaie et Cicatrisation, afin de voir les différents types de prise en charge locale. Parmi ces cas, celui d’une dame qui se présente à l’établissement pour une plaie de la jambe avec un hématome déjà bien collecté, avec une plaque de nécrose et qui arrive déjà bien tardivement par rapport à l’événement, la périphérie étant très inflammatoire, très distendue.
L’idée consiste à inciser la plaque de nécrose pour pouvoir évacuer toute la collection qui s’est enkystée dessous de façon à limiter le risque infectieux lié à la présence de cet hématome collecté. Ce dernier se présente sous la forme de gelée de groseille sous la peau, ce qui la met en tension et créé ce phénomène inflammatoire. Le capot nécrotique est enlevé d’abord à la pince puis très vite à la main de façon à évacuer et laisser le moins de caillotage possible au sein de la plaie et retrouver ainsi un sous-sol à peu près sain. L’ablation de la gelée de groseille n’est pas douloureuse à la différence de la pression en périphérie qui, elle, génère de la douleur. Le fait d’avoir enlever le capot nécrotique induit une cavité qu’il va alors falloir recouvrir d’un pansement une fois celle-ci bien nettoyée. La plupart du temps cela ne saigne pas. Mieux vaut mettre un pansement tulle afin de maintenir le milieu humide. La patiente revient ensuite pour le suivi et on voit quand même que la cavité était relativement profonde car du tissu noble est apparent. Elle va alors pouvoir être prise en charge pour une cicatrisation dirigée simplex.
Pour conclure
Le traitement des hématomes de la personne âgée réside donc en une collaboration pluridisciplinaire en essayant de prévenir les chutes chez la personne âgée. Pour cela, il convient d’identifier le patient à risque et d’éliminer les obstacles potentiels à domicile ou en Ehpad.
Il faut aussi réaliser le geste salvateur qui consiste à enlever l’hématome (le capot nécrosé) et cela doit être fait assez rapidement. Le risque sur les hématomes disséquants est de perdre trop de temps pour que l’infirmière puisse réaliser la détersion de l’hématome ou pour adresser la personne âgée à un chirurgien. Attention, lorsque le patient est sous AVK mieux vaut que le geste soit réalisé non pas à domicile mais plutôt en établissement (risque de malaise du patient).
Enfin, il faut raccourcir le temps de cicatrisation avec tous les moyens mis aujourd’hui à disposition (thérapie par pression négative - TPN, greffe, électrosimulation).
- Pour aller plus loin : www.jmpc.fr et www.therashare.tv/JMPC (vidéos en replay des sessions plénières et supports PDF des ateliers pratiques en ligne).
Valérie HEDEF-CAPELLE Journaliste valerie.hedef@orange.fr