Les émotions au cœur du soin (éditions Seli Arslan)
Alors que l'on incite souvent l'infirmière ou l’infirmier à se blinder pour ne pas se laisser submerger par les émotions, ce livre collectif rappelle leur place au cœur du soin en invitant plutôt à les cultiver.
Comment soigner humainement sans ressentir ? Ou comment parvenir à maitriser ses émotions? Telle est la question qui fonde cet ouvrage, une obligation implicite pour le soignant. Avec Les sens au cœur du soin (octobre 2022), Seli Arslan nous avait rappelé l'importance chez le soignant d'un savoir sensible qui s'exprime souvent sans se dire. L'éditeur nous livre aujourd'hui une suite avec ce nouveau livre collectif qui renvoie d'ailleurs à une interrogation posée par son prédécesseur sur la possibilité de distinguer les sens, les émotions et les ressentis. Des témoignages d'étudiantes en soin infirmier exposent cette fois par leur vécu toute la difficulté à tendre vers une forme de contrôle émotionnel face à une toilette plus que délicate, un décès, ou tant d'autres situations sensibles. Ces apprentis infirmiers rappellent qu'on les invite à se blinder alors qu'ils expérimentent comme une incapacité intrinsèque à maitriser des émotions qui ne se gèrent pas et se manifestent forcément quand elles surviennent.
La gestion des émotions concerne tous les métiers de la santé, mais ce livre s'adresse tout particulièrement aux infirmiers et aux aides-soignants qui sont les plus amenés à travailler au contact des patients. Un travail qui touche naturellement à l'émotionnel, d'autant que le soin lui-même peut-être vu et perçu comme une émotion, souligne le philosophe Michel Depuis. Il rappelle l'importance de penser cette émotion tant dans la formation que dans l'exercice du soin, et le risque que l'on court à vouloir la refouler. Si un contrôle ou une maitrise apparait évidemment souhaitable voire indispensable, il convient aussi de savoir « cultiver ses émotions comme un jardin extraordinaire », soutient l'infirmier en soin psychiatrique Dominique Fiard. Alors on peut bien sûr se demander si un lien trop étroit avec les joies et les peines des patients ne constitue pas le risque le plus grand d'un investissement trop important menant à l'épuisement professionnel ? Mais qu'en est-il de celui d'une distance trop affichée ? Les différents auteurs de ce livre ne manquent pas de se pencher sur ces questions comme sur bien d'autres, mais l'ouvrage parvient en premier lieu à valoriser les émotions qui se nichent au cœur du soin comme l'une des spécificité majeures de ce travail humain.
Et aussi
Mots à maux
Votre santé dans le monde d'après, de Gérald Kierzek (éditions Litos Santé) 
Virus, décès, vaccin, soigner, urgence, réanimation, paracétamol, et j'en passe des dizaines. Durant la crise du covid, tant de mots ont été prononcés à tort ou à raison, souvent dans une confusion telle qu'ils ont pu prendre de nouvelles significations, changeantes mais reflétant le positionnement de ceux qui pouvaient les utiliser comme des arguments, des preuves, des invectives ou des menaces. Bref, on a vécu comme une hystérisation du langage. L'urgentiste et chroniqueur médical Gérald Kierzek s'emploie à en sortir avec cet abécédaire qui en revenant au sens des mots s'attache à retrouver l'un des fondements de la médecine : l'humilité. De l'auscultation à l'obésité, de l'immunité au scanner ou du traitement à l'activité physique adaptée, chaque mot donne aussi l'opportunité de réfléchir et d'agir pour la santé de demain, sans oublier celle que l'on néglige trop : la prévention. A travers tous ces mots, on retient aussi que le covid a d'abord été la maladie des comorbidités, ces pathologies chroniques qui symbolisent notre temps et sont révélatrices de modes de vie et d'environnements pathogènes, le système de santé apparaissant lui-même comme malade à un stade avancé. Mais la sortie de cet abécédaire en poche apporte un coup de fouet salvateur, comme si redonner leur sens aux mots aidait à retrouver la forme.
Témoignage
Mon super héros, de Christine Kerdellant (humenSciences) 
Ses amis disent de lui qu'il possède un authentique super-pouvoir : le don de faire oublier son handicap. Car Loris n'est pas comme tout le monde. Il souffre du syndrome de Sturge-Weber, une maladie rare qui provoque de nombreuses crises d'épilepsie. Pour les éviter, il a subi à l'âge de deux ans une hémisphérotomie et vit depuis lors avec la moitié de son cerveau. Ce qui ne l'empêche pas de posséder des dons particuliers : une mémoire visuelle phénoménale, une adresse stupéfiante au basket, et donc cette capacité à dissimuler sa maladie par son humour et sa joie de vivre. Journaliste et écrivain, sa tante nous raconte son histoire, leçon de résilience et d'espoir, en assumant de qualifier Loris de super-héros. Elle n'occulte pas les critiques légitimes face à une tendance à héroïser le handicap comme s'il était proscrit d'être banalement humain, mais répond en fait au désir de son neveu de rejoindre cette confrérie Marvel dont il est fan. Elle nous livre surtout une bouleversante déclaration d'amour à celui qui, avec ses parents, a fait le choix de la joie dans un pays où le handicap demeure mal traité, et regardé avec gêne si ce n'est de travers. Ce récit de vie se termine donc par un manifeste en dix idées pour faire de la France un pays plus doux avec les handicapés. Une nécessité.