Florence Braud publie, sur son blog, le récit d'un étudiant infirmier qui a été particulièrement marqué par le comportement déplacé de soignantes à l'égard d'une patiente durant l'un de ses stages…
C’est une histoire qui commence comme une entrée non prévue en réanimation chirurgicale. L’anesthésiste nous appelle et nous pose le contexte : une femme d'une soixantaine d'années, qui vient de se faire opérer et qui va être un peu suivie chez nous, parce que l’histoire est compliquée. Pas beaucoup d’infos. Juste que c’est une opération lourde, avec un montage chirurgical complexe. J’arrive dans la chambre. On est en train de l’installer. Elle est encore intubée. Je remarque son teint, très jaune, ictérique.
Je m’installe dos à la fenêtre, les soignantes lui enlèvent sa chemise de patiente, pleine de bétadine, pour pouvoir la scoper. Ses seins se dévoilent. Je les regarde, comme le reste, et je n’y réfléchis pas trop.
Je vois une des infirmières les toucher. Rapidement. Mais pas par accident. Elle s’exclame “eh bah dites donc, pas mal les prothèses”. Elle rit, et ses collègues rient avec elle. Je regarde la patiente. Elle ouvre les yeux, commence à sortir de l’anesthésie. Les rires s’accroissent “ha merde en plus elle se réveille !”. Absolument plus de complexe dans l’offense.
Je tourne la tête, gêné, en espérant que la patiente ne se souviendra pas de ce moment. Mes yeux croisent ceux de l’interne. Je sens qu’elle vit cette situation comme moi. Avec un mélange de gêne et de dégoût, mais on ne dit rien. Nous ne sommes pas la majorité absolue dans cette pièce.
Elles remettent une chemise d'hôpital propre à la patiente. Trop tard pour elle, son intimité est bafouée.
Je suis sidéré.
Je réfléchis. J’ai affaire à des soignants qui portent un jugement de valeur sur le choix esthétique d’une personne. Les seins je les ai vus. Ils étaient normaux, comme des seins peuvent l’être. Ni exubérants, ni hors du commun. Il fallait les voir ces seins. Parce qu’avant de les voir, il faut voir les pansements, les cicatrices, l’ictère jaunissant jusqu’au blanc de ses yeux, il fallait aussi voir ses drains, et la péri-anesthésie.
Quelques secondes passent et je tente de trouver des explications, je ne sais pas pourquoi mais je me dis que vu la (petite) taille de ses prothèses, elle était peut être complexée, à une autre époque, de ne pas avoir de poitrine, alors, elle s’est fait opérer. Pourquoi pas ? Après tout, il y a une vie avant soixante ans, une vie avant le cancer (et même après, n’en déplaise à celles qui ont jugé). Et puis même si elle voulait juste des beaux seins on s’en fout putain ! C’est pas le propos, ça ne devrait jamais l’être.
Quelques minutes passent, l’installation se termine. On récupère le dossier. Je le lis. Dans sa famille, sa mère et sa soeur ont eu des antécédents de cancer du sein. Facteur de risque génétique important. Elle a subi une mastectomie, avec reconstruction mammaire. Les autres l’ont lu aussi. Comme moi. Elles n’en ont pas été gênées. Moi si.
J’aimerais juste que la guérison de cette femme arrive aussi vite que le jugement de ces soignantes. Au moins, ce serait très très bien pour elle.
Ce billet a été publié le 29 mars 2017 par Florence Braud que nous remercions de cet échange.
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