Manquer de temps pour accomplir son travail, pour échanger avec ses patients et ses collègues, ne jamais avoir de temps de pause pour se ressourcer a minima, travailler sous pression, dans l'insécurité, se battre avec soi-même pour aller plus vite tous les jours… Voilà ce que l'ensemble des soignants exprime dans le dernier Carnet de santé des Français et des personnels hospitaliers. Parce que le temps est une valeur inestimable pour les soignants, on ne peut que militer pour sa sauvegarde et sa bonne gestion. Un sacré défi pour tous les acteurs et décideurs de la santé !
Nous avions évoqué cette question du « temps » en février dernier dans un édito intitulé « Une brève histoire du temps ou quand le temps devient de plus en plus bref... ». Concernant leurs conditions de travail, infirmières et aides-soignantes exprimaient très majoritairement1 manquer de temps pour accomplir leur travail et ne jamais avoir de moment de pause pour souffler. Force est pourtant de constater que pour bien soigner, il faut du temps, pour soi et pour les autres. C'est donc une valeur inestimable pour tout soignant. Mais les dures lois de l’économie où le temps est compté, et notamment à l'hôpital, tuent à terme la qualité des soins.
Les soignants veulent désespérément du temps, mais quel temps et pour quoi faire ? Du temps de relation avec le patient !
Ce nouveau Baromètre Odoxa/MNH/Le Figaro/France Info2 interroge à nouveau mais plus précisément la thématique du « temps dans la santé et la relation soignants-patients ». Les professionnels de santé hospitaliers le disent à nouveau, ils sont débordés et pour eux, aucun signe d’amélioration en vue, bien au contraire. En effet, 9 soignants sur 10 ont le sentiment que leur charge de travail s’intensifie encore, allongeant leur temps de travail parfois même en dehors de leur temps de travail (rappel sur les jours de repos par exemple…) et les causes sont bien identifiées : contraintes administratives, organisationnelles, manque de personnels… Or, ce manque de temps a des conséquences lourdes en termes de risques psychosociaux. Le temps de pause se raréfie, le stress et la fatigue augmentent, faisant courir ainsi aux soignants de sérieux risques d’erreurs avec leurs patients. Une nette majorité des soignants pensent que leur direction a pleinement conscience du problème mais plus des trois-quarts pensent qu’elle ne s’en préoccupe pas...
Les usagers de santé sont en phase avec ce ressenti, pour eux aussi, en effet, le manque de temps est l’un des rares mais importants griefs qu'ils reprochent à leur système de santé.
La majorité des personnels (51 %) et surtout des médecins hospitaliers (62 %) déclarent manquer « toujours », ou au moins « souvent » de temps pour réaliser toutes leurs tâches, y compris se réunir entre professionnels pour échanger sur le patient. 70 % des personnels hospitaliers et un médecin sur deux (49%) estiment ainsi qu'ils n'ont « jamais », « rarement », ou en tout cas seulement « parfois » du temps pour parler au patient. De fait, ils ne disposent pas non plus de suffisamment de temps pour faire de la prévention et de l'éducation : un personnel sur deux et presque autant de médecins estiment ne «jamais » ou « rarement »en faire.
Plus de la moitié des soignants se disent préoccupés par la crainte de faire des erreurs par manque de temps
Pour Philippe de Normandie, praticien hospitalier, directeur des relations santé de MNH Group, la question du « temps » vient nous apporter la confirmation qu’il s’agit bien là d’un sujet absolument essentiel pour les soignants. Bien maîtriser son temps est l’un des tous premiers facteurs de la satisfaction et de l’insatisfaction des soignants et, inversement ou concomitamment, le manque de temps est un sujet explicatif essentiel de leur insatisfaction, voire de leur souffrance au travail
. Les usagers de santé sont en phase avec ce ressenti, pour eux aussi, en effet, le manque de temps est l’un des rares mais importants griefs qu'ils reprochent à leur système de santé. Et le praticien de poursuivre, le temps est donc bien un facteur-clé de l’efficacité réelle et perçue de nos soins hospitaliers. Mais une question demeure : comment gagner ce temps, le libérer chez les soignants ?
Que serait alors « avoir le temps » dans une logique de prendre soin ? Etre disponible et concentré sur l’instant en évitant de penser à l’endroit où il faudra se trouver dans cinq minutes ou à ce qui reste encore à réaliser. Voilà bien l'objectif majeur des acteurs et décideurs de la santé ! Même si l'apport des nouvelles technologies, de la e-santé, voire de l'intelligence artificielle dessine quelques pistes intéressantes pour y parvenir, de nouveaux modèles organisationnels et managériaux, de nouveaux leviers restent sans aucun doute à optimiser, voire à inventer pour trouver ce temps devenu si précieux.
Notes
1- Carnet de santé des Français et des personnels hospitaliers, MNH, Le Figaro, France Info, février 2018. Enquête réalisée auprès d’un échantillon de Français interrogés par internet les 13 et 14 décembre 2017, et réalisée auprès d’un échantillon d’adhérents de la Mutuelle Nationale des Hospitaliers et des professionnels de la santé et du social (personnels hospitaliers soignants et non-soignants) interrogés par internet du 11 au 31 décembre 2017.
2- Carnet de santé des Français et des personnels hospitaliers, MNH, Le Figaro, France Info, mai 2018. Enquête réalisée auprès d’un échantillon de Français interrogés par internet du 9 au 11 mai 2018, et réalisée auprès d’un échantillon d’adhérents de la Mutuelle Nationale des Hospitaliers et des professionnels de la santé et du social (personnels hospitaliers soignants et non-soignants) interrogés par Internet du 23 avril au 14 mai 2018. Enquête réalisée auprès d’un échantillon de médecins hospitaliers interrogés par Internet du 26 avril au 15 mai 2018.
Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern
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