L'affaire Mediator® et sans doute le souvenir de la campagne de vaccination contre la grippe A/H1N1 propulsent la revue indépendante sur le devant de la scène
Alors que la revue, qui fête cette année ses 30 ans, publie tous les mois des articles pour signaler des problèmes de pharmacovigilance liés à des médicaments, son édition de janvier a soulevé un emballement médiatique, conduisant de très nombreux médias à faire connaître ses prises de position.
Cet emballement a même poussé la revue à improviser mardi une conférence de presse, sous la pression des nombreuses sollicitations des journalistes.
Une tradition ancienne de dénonciation des médicaments jugés dangereux
"L'affaire Mediator® médiatise beaucoup Prescrire car elle met en lumière l'actualité de [son] travail, qui a montré les dangers de ce médicament, tout à fait disproportionnés avec son très peu d'efficacité, et cela dès la fin des années 1990", a noté Bruno Toussaint, directeur de la rédaction de Prescrire, mardi devant un parterre fourni de journalistes et de caméras. Les alertes à la vigilance publiées dans le numéro de janvier "n'ont rien de spécial.
Tous les mois, depuis des années, il y a le signalement sur pièces de médicaments qui ne devraient pas être utilisés et sont encore sur le marché, du fait du manque d'exigence des agences du médicament", a-t-il déclaré. Ce mois-ci, la nouveauté c'est "que beaucoup de journalistes sont venus interroger Prescrire". "C'est la première fois que je vois cela", s'est félicité Bruno Toussaint.
D'autres médicaments sur la sellette
Dans son numéro de janvier, Prescrire cite des données de pharmacovigilance de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) portant sur le vasodilatateur buflomédil (Fonzylane*, Cephalon, et ses génériques).
Ces données montrent qu'entre 2007 et 2009, 25 effets indésirables ont été rapportés, surtout cardiaques et neurologiques, parfois mortels, alors qu'en "2006 déjà ces effets indésirables, les situations à risques et l'absence de bénéfice clinique du buflomédil étaient connus". "Combien de victimes faut-il encore aux firmes concernées et à l'Afssaps pour décider de cesser ce commerce?", s'interroge la revue.
"En ce qui concerne le buflomédil, c'est effectivement un produit qui est en cours de réévaluation du bénéfices/risques et qui va très rapidement passer en commission d'AMM [autorisation de mise sur le marché]", a déclaré mardi Fabienne Bartoli, adjointe au directeur général de l'Afssaps, sur France Info. Il s'agit d'un processus dont "l'aboutissement pourrait être un retrait voire une suspension (...) de l'AMM", a-t-elle ajouté, évoquant une décision pour "les premières semaines de 2011".
La revue estime également "inacceptable" que l'anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) Nexen* (nimésulide, Therabel Lucien Pharma) soit encore sur le marché, jugeant qu'il "n'est pas plus efficace que de nombreux autres AINS" et est à "l'origine d'effets indésirables hépatiques graves". Prescrire critique le "prix disproportionné" accordé à Javlor* (vinflunine, Pierre Fabre), indiqué pour certains types de cancers de la vessie, alors que le médicament est "très peu efficace" et qu'il a beaucoup d'effets indésirables, a commenté Bruno Toussaint.
Pour Prescrire, les agences du médicaments sont "au service des firmes"
"Il n'y a pas des Mediator* tous les mois. Ce mois-ci dans Prescrire nous ne prétendons pas du tout que les médicaments en cause soient aussi gravement dangereux que Mediator*", a-t-il tempéré. Mais comme pour Mediator*, ces autres cas mettent en avant "la lenteur" des processus conduisant les agences sanitaires à prendre en compte les alertes de vigilance. "Il est plus facile de nos jours pour un médicament d'arriver sur le marché que d'en être retiré", a-t-il regretté.
Bruno Toussaint s'est montré très critique vis-à-vis du travail de l'Afssaps et plus généralement des agences du médicament. "L'essentiel de l'activité d'une agence comme l'Afssaps est de répondre aux firmes pharmaceutiques qui demandent une autorisation de mise sur le marché, l'extension ou le maintien de leur autorisation de mise sur le marché", a-t-il estimé.
"L'état d'esprit dans les agences du médicament est plus de rendre service aux firmes que de protéger la population", a-t-il dénoncé. Bruno Toussaint a aussi affirmé que le système de pharmacovigilance en France, s'il existe, est "sous-équipé, sous-valorisé, sous-financé".
Selon lui, il existe sans doute "plusieurs dizaines de médicaments" qui devraient être retirés du marché. "Mediator* n'est pas un cas isolé mais le révélateur de toutes les failles du système", a-t-il estimé. "Les autorités doivent faire leur travail, prêter bien plus d'attention aux signaux de pharmacovigilance et elles doivent être plus exigeantes du point de vue de l'intérêt des patients et pas seulement de l'intérêt économique des firmes", a-t-il affirmé, rappelant également la responsabilité endossée par les laboratoires pharmaceutiques.
Prescrire reçu par le ministre de la santé
Signe de la popularité médiatique de Prescrire, ses auteurs ont été reçus lundi en fin de journée par le ministre de la santé, Xavier Bertrand. "Il nous a demandé comment nous voyons l'affaire Mediator*", a indiqué Bruno Toussaint. "Nous espérons qu'il a pu nous entendre (...) et qu'il prendra des mesures réalistes et efficaces".
Interrogé mardi sur RTL, Xavier Bertrand a noté que les médicaments épinglés par Prescrire faisaient l'objet de réévaluations de leur balance bénéfices/risques depuis plusieurs mois. Mais " est-ce que ces procédures ne durent pas très longtemps, trop longtemps? ", s'est interrogé le ministre, déclarant qu'il apporterait des réponses à cette question dès la publication du rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) prévue pour la mi-janvier.
"Si à un moment donné, la moindre information vous donne à penser que le bénéfices/risques n'est plus le même, là il ne faut pas hésiter, il faut peut-être même aller plus vite pour prendre les décisions, ça fait partie des orientations que j'ai en tête", a ajouté Xavier Bertrand.
Prescrire a la particularité d'être uniquement financé par ses abonnés, actuellement au nombre de 29.000 environ. La revue ne reçoit aucune subvention et n'accepte aucune publicité, a rappelé Bruno Toussaint, notant que "ce sont les conditions de l'indépendance financière et donc intellectuelle".
Note de la rédaction d'Infirmiers.com
La HAS va élaborer des critères de qualité de la presse écrite médicale française, dont il faut rappeler qu'elle est la source de formation médicale continue la plus citée par les professionnels de santé (84%). La Fédération nationale de la presse d'information spécialisée (FNPS) indique qu'elle représente 287 titres en 2010, dont 170 ciblent les médecins, 13 les chirurgiens-dentistes, 10 les pharmaciens et 14 les infirmières.
La note de cadrage de l'agence note que cette presse subit actuellement de profondes transformations, en France comme dans tous les pays développés, notamment du fait qu'une de ses principales sources de financement, la publicité de l'industrie pharmaceutique, s'est considérablement tarie (voir sur le sujet : Presse médicale : mourir libre ?).
Il faut cependant remarquer que c'est une très grande partie de la presse (pas seulement médicale, pas seulement spécialisée) qui doit s'adapter à des changements majeurs, qui ne portent pas seulement sur ses modes de financement (par exemple, importance grandissante de l'internet et changement des habitudes de lecture).
Ceux-ci ont toujours été un enjeu majeur pour la presse : autant l'existence d'une revue indépendante de la publicité (comme Le Canard Enchaîné pour la presse politique) est une garantie d'indépendance vis-à-vis des firmes, autant il est difficile d'envisager que tous les supports le soient. Pour certains commentateurs, cette indépendance ne veut pas dire "objectivité", tout support faisant plus ou moins explicitement des choix éditoriaux.
Le nombre d'abonnés de la revue Prescrire est à mettre en regard du nombre de médecins en activité : plus de 210 000 (source : atlas de la démographie médicale du Conseil de l'Ordre des médecins). Enfin, il faut signaler que la revue vient d'être attaquée en justice par un laboratoire japonais, Astellas, pour "malveillance" et "dénigrement" à l'égard d'un de ses médicaments (tacrolimus topique Protopic®). Ce qui n'inquiète pas trop son avocat, qui fait valoir la liberté d'appréciation liée à la liberté de la presse et rappelle que la revue, plusieurs fois attaquée, n'a encore jamais été condamnée (source : dépêche APM du 4 janvier 2010).
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