Diplôme en poche, A. a choisi de commencer sa vie professionnelle aux urgences, première étape d'une carrière qu'il a déjà mûrement réfléchie.
Pour des raisons de confidentialité, ne sont pas mentionnés l'identité du narrateur ni celle du service où il débute. Mais ce texte n'est pas une fiction littéraire ...
Diplômé depuis le 2 Décembre 2010, j’ai accepté un poste dans un service d’urgences parisien.
La décision de travailler dans ce service était loin d’être évidente, les propositions et les possibilités de postes ne manquaient pas, bien au contraire ! Mais deux choses me semblaient primordiales dans mon futur choix : l’expérience et l’équipe (collègues et encadrement).
Il est certain que je voulais un poste dans un service technique, avec une activité intense et variée, un aspect relationnel et social important.
Les urgences me semblaient donc le service le plus approprié, avec une intégration moins longue qu’en réanimation, des situations plus variées.
Toutefois il fallait également prendre en compte une contrainte : je voulais un contrat à durée déterminée (CDD) de 3 mois dans la mesure où cette prise de poste est une passerelle vers un autre projet professionnel.
Ma demande [de CDD infirmier] est considérée comme « originale » n’étant pas fréquente, elle est donc difficile à satisfaire. Peu d’hôpitaux proposent ce type de contrat hormis ceux en grande difficultés de personnel.
Au final, je me suis décidé à intégrer ce service pour plusieurs raisons : un accueil de qualité par la cadre paramédicale de pôle, un service très éloigné de chez moi et donc la découverte d’un service, d’un hôpital, d’un groupe hospitalier et d’un quartier « inconnus » et enfin la présence comme cadre d’une ancienne de mes formatrices que j’ai beaucoup apprécié et avec qui j’ai gardé le contact.
Il y avait également une autre raison : un service de taille moyenne (50 000 passages par an environ) ce qui, je pensais, me permettrait de m’intégrer et d’apprendre « plus en douceur » mais … la réalité fut/est plus « mouvante ».
Toutefois, je savais plus ou moins inconsciemment qu’il y aurait un [beau] défi à relever et je n’ai pas été déçu …
Présentation du service
C’est un service de taille moyenne, situé dans un quartier populaire de Paris.
Il est découpé en 4 zones :
- Un Box IAO (Infirmière d’Accueil et d’Orientation) (1 IDE)
- Le déchoquage (1 IDE) : 3 places
- Le secteur (3 IDE) : 9 box et une salle de surveillance (avec grand maximum 9 places brancards)
- L’UHCD (Unité d’Hospitalisation de Courte Durée) ou « service porte » (2 IDE le matin, 1 l’après midi et la nuit) : 12 lits
L’effectif normal est de 7 infirmiers.
Médecine et traumatologie sont mélangées en secteur bien qu’il y ait deux box « réservés » aux sutures et plâtres.
Un box est également réservé aux consultations de psychiatrie.
Les locaux sont très exigü (moins de 200 m² pour l’IAO, le déchoquage et le secteur avec les 9 box, le poste de soins et bureau médical) avec une disposition en L et des couloirs étroits peu pratiques pour le passage des brancards (quelqu’un ayant eu en plus la merveilleuse idée de mettre un gros poteau juste dans le virage !). Le permis brancard est donc fortement conseillé car leur gestion est une galère du quotidien et demande une anticipation et une intelligence pratique de tous les instants.
Il n’est pas rare d’être en double file de brancards dans le couloir ce qui rend très difficile la circulation du personnel (même pour les maigres comme moi !).
L’équipe est assez jeune (comme dans la plupart des services d’urgence à priori), beaucoup de mes collègues sont là depuis moins d’un an et la plupart des « anciens » partent ou sont sur le point de partir.
Le recours à l’intérim tant infirmier qu’aide soignant est quotidien et le nombre de nouvelles recrues (4 au total depuis la sortie du DE) ne couvre même pas les départs du personnel infirmier prévus entre Décembre et début Mars dans un service déjà en manque de personnel évident. Début Mars étant également la date à laquelle se termine mon cdd et celui d’une collègue arrivée en même temps que moi.
Il est également intéressant de préciser que sur les 4 nouveaux diplômés recrutés depuis Décembre (dont je fais parti), un seul est issu de l’IFSI rattachée à cet hôpital qui est pourtant un IFSI important en termes d’étudiants formés et diplômés. Selon la plupart des études menées, les urgences sont le service qui recrute le plus de nouveaux diplômés.
C’est donc dans ce nouveau service et cette nouvelle équipe que j’ai été intégré.
L’intégration
Mon intégration aura duré 3 semaines en tout. J’ai commencé le samedi 4 Décembre au matin (après une attente de 3 heures à la médecine du travail et une consultation d’une heure avec le médecin la veille).
Pendant cette longue attente, une personne de la DRH (je présume, puisqu’elle ne s’est pas présentée … ) est venue me dire qu’il fallait absolument que je commence le lendemain matin.
J’arrive donc le lendemain matin. A mon grand étonnement, je ne suis pas attendu, l’équipe est en nombre et je m’entends dire que « normalement » les intégrations ne débutent jamais un week-end : ça commence bien !
Durant mon intégration, j’aurais été 1 jour à l’IAO, 3 jours au déchoquage, 4 jours au service porte et tout le reste du temps en secteur (prise en charge des patients en box) avec autant que possible des infirmiers « relativement » anciens dans le service.
J’ai eu l’impression d’être encore étudiant la plupart du temps de mon intégration. Un étudiant très autonome certes, mais un étudiant qui suivait son infirmier(e) ou qu’on suivait, à qui on déléguait des soins et pour lequel on se rappelait parfois qu’il était diplômé et que donc il devait savoir faire quelques trucs …
En réalité, j’ai assez mal vécu ce que j’ai ressenti comme une régression alors que la plupart des infirmiers voulaient/pensaient bien faire. Il faut aussi préciser que les cadres du service incitent dans leurs paroles à une intégration réalisée comme un encadrement.
Evidemment je ne sais pas tout et j’ai encore beaucoup à apprendre mais je n’avais pas besoin qu’on m’encadre sur des soins ou autre, surtout que l’encadrement suppose normalement la maitrise technique du soin …
Pour moi, l’intégration ce n’est pas de la formation d’étudiants, c’est donner les « clefs » du service aux nouveaux collègues, c'est-à-dire transmettre les spécificités, les habitudes, la culture du service.
On encadre des étudiants en soins infirmiers (selon leur niveau et leur autonomie) et on intègre des collègues, les verbes encadrer et intégrer ne sont, pour moi, pas synonyme.
Il faut aussi préciser que j’ai effectué durant ma formation, entre autres, deux stages dans deux « gros » services d’urgence parisien et trois stages en réanimation (médicale, chirurgicale polyvalente et en pré-hospitalier) ainsi que mon mémoire sur la prise en charge des SDF aux urgences. Ce sont donc des univers dans lesquels j’ai quelques repères et qui m’ont permis de pratiquer et maitriser un grand nombre de soins ainsi que d’acquérir de nombreux savoirs.
Je me sens donc plutôt à l’aise dans cet univers bien que le chemin soit encore long, semé d’apprentissages, d’expériences et de maitrises à acquérir et à maturer.
Après 3 semaines de stage …euh … d’intégration, le 25 Décembre 2010 fut mon premier noël/jour en autonomie.
Autonomie et premières impressions
Pour ma part, j’ai vraiment pris conscience de mon nouveau statut et donc des nouvelles responsabilités qui en découlent, d’une part en signant la feuille de suivi de dispensation et de contrôle des stupéfiants, acte « mythifié » à l’hôpital, et d’autre part en signant en tant qu’IDE mes transmissions infirmières.
Je pense que ce sont les deux choses qui m’ont vraiment fait prendre conscience de mon nouveau statut car concrètement ma pratique n’a pas considérablement évoluée depuis le stage du diplôme d’Etat.
Par contre, il est vrai que le fait de ne plus être encadré permet et en même temps oblige à revoir ses pratiques en terme d’organisation et de savoirs faire techniques, relationnels et de bonnes pratiques. En même temps, je pense que cela libère d’un poids, en particulier pour ceux qui vivaient mal le fait d’être constamment regardés : ça leur permet d’être plus à l’aise et probablement plus performants dans leurs pratiques.
Enfin, cela permet de se positionner et de s’affirmer comme le professionnel que l’on veut être par la suite. En effet, il permet de se détacher du regard d’un autre, qu’il soit formateur ou référent de proximité (tuteur ou maitre de stage pour prendre l’exemple du nouveau programme) et qui a forcément sa propre vision du métier et des bonnes pratiques qu’il voulait nous transmettre et voir appliquées.
Bien que ce soit, selon moi, la somme de ces regards et transmissions qui façonnent et permettent de faire émerger une identité professionnelle de qualité avec alternance modèle/contre-modèle, il n’est pas toujours évident de se détacher de pratiques imposées par des pairs pendant la formation. Le fait d’être diplômé le permet en s’émancipant et en permettant cette autonomie de réflexion et d’action mais toujours en regard des bonnes pratiques évidemment.
Cependant cette nouvelle autonomie impose justement une perpétuelle remise en question de ses pratiques, de son organisation, de son savoir faire et de ce qu’il reste à prendre, et à apprendre.
Questionnements
Pour ma part, je pense que c’est cette remise en question quotidienne de ses pratiques qui font évoluer et progresser.
Il est essentiel de pouvoir progresser et apprendre tous les jours, que ce soit en équipe avec ses collègues, avec l’équipe pluridisciplinaire (médecins, cadres, aide soignants) mais aussi avec les étudiants qu’on peut accueillir et qui peuvent nous apprendre beaucoup en terme de nouvelles pratiques ou de nouvelles façons de faire.
Evidemment il y aussi des acteurs à part entière et dont on parle peu : les patients qui ont aussi beaucoup à nous apprendre, notamment les patients chroniques qui connaissent souvent très bien leur maladie, les manifestations et qui peuvent induire chez nous de nouvelles connaissances ou pratiques. Je pense notamment, en disant ça, à un patient drépanocytaire que j’ai pu accueillir récemment, qui intervient régulièrement en IFSI et auprès des professionnels de santé et avec qui j’ai eu un échange très intéressant sur la prise en charge des patients drépanocytaires, les manières de perfuser ces patients avec un réseau veineux difficile et les modes de soulagement de leurs douleurs intenses.
C’est en tous cas mon optique : j’essaie d’en apprendre tous les jours au travail et en dehors du travail par la lecture de différents ouvrages spécialisés (l’infirmière et les urgences de Christian Prudhomme par exemple), d’articles divers et variés notamment sur Infirmiers.com ou encore par la recherche systématique dès que j’ai un doute ou une interrogation.
Je regrette aussi que la formation infirmière soit parfois trop cantonnée à une rôle d’exécutant par exemple la réalisation sans compréhension d’un électrocardiogramme (ECG), car peu ou pas de cours en IFSI sur le sujet, alors que c’est monnaie plus que courante dans les services d’urgence. Cela pourrait permettre, outre le fait d’anticiper quand l’infirmière reconnait un trouble du rythme, une ACFA (arythmie ventriculaire par fibrillation auriculaire) ou encore une onde de Pardee (caractéristique d’un infarctus du myocarde), de pouvoir refaire l’ECG quand celui-ci est perturbé ou les électrodes mal placées.
Dans tous les cas, s’il y a bien une chose sur laquelle je ne me questionne pas et cela malgré les difficultés, c’est d’avoir pris un poste dans ces urgences pour 3 mois.
Malgré le manque de personnel et donc le recours systématique à l’intérim, malgré le rythme très intense imposé par la petitesse des locaux(pour respecter les délais de prise en charge), malgré les contraintes liées à tous les services d’urgences (agressivité, intensité, caractère superficiel de la prise en charge des patients, chronicité de consultations de certains « habitués » pour qui nous n’avons pas de solutions, etc.), je suis très heureux et j’apprends beaucoup tous les jours … et je ris beaucoup aussi !
Je pense qu’il y a que dans les services d’urgence que l’on peut rencontrer des situations comme « la b(r)andelette urinaire » d’un patient qui revient en sueurs après 20 minutes passées aux toilette, les patients qui défèquent dans le pistolet et essaient de bien tout faire rentrer à l’intérieur ou encore de patients déments ou atteints de pathologies psychiatriques qui décompensent et délirent …
Heureusement d’ailleurs qu’il y a ces situations pour décompresser et « détendre » un quotidien difficile. Ces situations mais aussi des patients reconnaissants du travail accompli malgré le rythme et les difficultés rencontrées dans cette cour des miracles que représentent les gros services d’urgences dans des quartiers populaires.
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