Nombreux sont les infirmiers et infirmières qui souhaitent effectuer des remplacements en libéral. Que cela soit par choix de carrière (projet d’exercice libéral) ou pour « arrondir les fins de mois », le remplacement en libéral est un bon moyen de tester ce mode d’exercice et, ses spécificités. (Nous rappelons qu’actuellement, pour les salariés de la fonction publique, le cumul d’activités est strictement interdit ! [1]
Mais pour que ces remplacements se passent au mieux, quelques informations et explications sont nécessaires.
Cadre législatif
Les règles professionnelles des infirmiers (Code de la Santé Publique, Nouvelle partie réglementaire), définissent les conditions de remplacement, ainsi que ses limites.
Article R. 4312-43
Le remplacement d'un infirmier ou d'une infirmière est possible pour une durée correspondant à l'indisponibilité de l'infirmier ou de l'infirmière remplacé.
Toutefois, un infirmier ou une infirmière interdit d'exercice par décision disciplinaire ne peut se faire remplacer pendant la durée de la sanction.
Au-delà d'une durée de vingt-quatre heures, ou en cas de remplacement d'une durée inférieure à vingt-quatre heures mais répété, un contrat de remplacement doit être établi entre les deux parties.
Article R. 4312-44
Un infirmier ou une infirmière d'exercice libéral peut se faire remplacer soit par un confrère d'exercice libéral, soit par un infirmier ou une infirmière n'ayant pas de lieu de résidence professionnelle.
Dans ce dernier cas, le remplaçant doit être titulaire d'une autorisation de remplacement délivrée par le préfet du département de son domicile et dont la durée maximale est d'un an, renouvelable.
L'infirmier ou l'infirmière remplaçant ne peut remplacer plus de deux infirmiers ou infirmières à la fois, y compris dans une association d'infirmier ou un cabinet de groupe.
Il existe donc deux types de « remplaçants [2]» : ceux qui ont un lieu de résidence professionnelle, c'est-à-dire un cabinet de soins, et ceux qui n’en n’ont pas.
Afin de ne pas semer la confusion, nous parlerons ici du cas des infirmiers remplaçants SANS domicile professionnel, cas le plus répandu.
Définition
Un infirmier libéral remplaçant est un infirmier qui travaille en lieux et place d’un infirmier libéral, ceci pour une période déterminée, correspondant à l’indisponibilité (maternité, paternité, maladie, congés, formations etc.) du ou de la remplacé(e). Le remplacement est donc ponctuel et, l’infirmier remplaçant est un professionnel libéral à part entière, même s’il n’a pas de cabinet personnel.
Pour faire un parallèle explicatif, le remplaçant libéral peut-être considéré comme un « intérimaire » libéral.
Pour tordre le coup à quelques croyances tenaces, insistons sur le fait que l’infirmier, qui effectue des remplacements en libéral, n’est pas l’employé du professionnel qu’il remplace. Il est, de fait, lui-même, un professionnel libéral, un « travailleur indépendant». Il est important de bien comprendre cette notion, car l’infirmier remplaçant crée une entreprise individuelle libérale au même titre qu’un infirmier libéral « installé ». S’il n’a pas de clientèle /patientèle personnelle, il n’en reste pas moins qu’il aura une clientèle à développer et entretenir : celle composée des infirmiers libéraux qu’il remplacera.
Cela a certaines conséquences :
- Il est soumis aux mêmes obligations administratives, comptables et fiscales que n’importe quel autre infirmier libéral.
- L’infirmier remplaçant reste professionnellement indépendant.
- Il est seul et unique responsable de ses actes professionnels, dans le respect de l’ensemble des règles professionnelles de la profession.
- Il ne doit pas exister de lien de subordination entre l’infirmier remplaçant et l’infirmier remplacé. Tout lien de subordination avéré pourrait faire requalifier le contrat de remplacement en contrat de travail salarié, avec les conséquences administratives et fiscales que cela peut avoir, sans tenir compte qu’il est déontologiquement interdit aux infirmiers, dans l'exercice de leur profession, d’employer comme salarié un autre infirmier, un aide-soignant, une auxiliaire de puériculture ou un étudiant infirmier (Article R. 4312-48 du Code de la Santé Publique)
Pour rappel, la définition du lien de subordination : « le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ….. Le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail ((horaires de travail définis, fourniture de matériels divers, existence d’un règlement intérieur, obligation de rendre compte...) » (Cass. Soc., 13 novembre 1006, Bull. civ. V, n°386)
Les démarches administratives
La DDASS (Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales):
Le postulant au remplacement devra faire une demande d’autorisation de remplacement auprès de la DDASS de son lieu d’habitation. Cette autorisation est délivrée pour un temps limité (généralement 1 an) mais renouvelable.
Pour ce faire, il devra fournir à la DDASS :
- Diplôme d’Etat, enregistré sur les listes professionnelles départementales
- Attestation sur l’honneur, certifiant qu’il n’a pas de domicile professionnel
- Une demande écrite d’autorisation de remplacement.
Il n’appartient pas à la DDASS de vérifier si l’infirmier remplit les conditions pour exercer sous convention (expérience professionnelle). Cela est du ressort exclusif de la Caisse d’Assurance Maladie.
la CPAM (Caisse Primaire d’Assurance Maladie).
Pour pouvoir effectuer des remplacements auprès d’un infirmier libéral conventionné, l’infirmier « postulant » doit lui-même remplir certaines obligations, et entre autres, justifier d’une expérience professionnelle de 18 mois, soit 2 400 heures de travail effectif, dans les six années précédant la date de demande de remplacement, expérience définie ainsi :
« Est reconnue toute expérience professionnelle acquise dans tout établissement de santé ou structure de soins, ou dans un groupement de coopération sanitaire défini par l’ordonnance n° 2003-850 du 4 septembre 2003 portant simplification de l’organisation et du fonctionnement du système de santé et les procédures de création d’établissement, dès lors qu’elle est acquise en équipe de soins au sein d’un service organisé, où l’infirmière est amenée à dispenser des soins infirmiers effectifs à une population dont l’état de santé justifie des interventions infirmières diversifiées. »
L’ensemble de ces obligations est défini dans la Convention Nationale (art 5.2.3) :
- être titulaire d’un diplôme d’Etat d’infirmière et d’une autorisation de remplacement en cours de validité délivrée par le préfet du département de son lieu d’exercice principal ;
- conclure un contrat de remplacement avec l’infirmière libérale remplacée dès lors que le remplacement dépasse une durée de 24 heures ou s’il est d’une durée inférieure mais répétée ;
- ne remplacer au maximum que deux infirmières simultanément ;
- justifier d’une activité professionnelle de dix-huit mois, soit un total de 2 400 heures de temps de travail effectif, dans les six années précédant la date de demande de remplacement ;
- avoir réalisé cette activité professionnelle dans un établissement de soins, une structure de soins ou au sein d’un groupement de coopération sanitaire tels que définis à l’article 5.2.2 de la présente convention.
Il est à noter que l’expérience pouvant être acquise en libéral, antérieurement à la demande de statut de remplaçant, n’est pas reconnue comme « expérience professionnelle »
Afin d’être inscrit sur la liste des remplaçants conventionnés, l’infirmier remplaçant doit donc présenter à la CPAM (service « relations praticiens ») un dossier comportant :
- photocopie du DE, autorisation de remplacement fournie par la DDASS
- justificatifs attestant la réalisation de l'expérience professionnelle de 2400h (fiches de paie etc.)
- numéro d’enregistrement à l’Ordre Professionnel (dès que celui-ci sera opérationnel)
le CFE (Centre de Formalité des Entreprises)
Même sans domicile professionnel, le remplaçant libéral a l’obligation de déclarer son activité libérale dans les 8 jours qui suivent le début de son activité, auprès de son Centre de Formalité des Entreprises (CFE).
Pour les professions libérales, le CFE se trouve à l’URSSAF de votre secteur. Celui-ci se chargera de toutes les déclarations auprès des autres organismes (INSEE, CARPIMKO, Assurance Maladie, fisc [3])
Le contrat
Comme précisé dans l’article R. 4312-43 suscité (Code de la Santé Publique), le contrat est obligatoire pour tout remplacement de plus de 24 heures, ou de périodes de moins de 24 heures, mais répétées.
Le contrat est fait pour protéger chaque partie. Il doit donc contenir les droits et devoirs de chacun et, si possible, être un contrat « gagnant /gagnant ».
Il doit, au moins, comporter :
- les dates de remplacement, la durée du remplacement, et la raison de celui-ci (maladie, maternité, congés, formation etc.).
- la description des moyens d’exercice mis à disposition du remplaçant (cabinet, petit matériel, éventuellement véhicule, etc.)
- les modalités de rémunération : modalités de calcul de l’éventuelle participation aux frais, délais de paiement et éventuellement, le montant des indemnités en cas de retard de paiement.
- les conditions de résiliation du contrat
- éventuellement, une clause de non-concurrence, bien que cette non-concurrence soit déjà prévue dans les règles professionnelles de la profession (Article R. 4312-47) :
« Un infirmier ou une infirmière qui a remplacé un autre infirmier ou une autre infirmière pendant une période totale supérieure à trois mois ne doit pas, pendant une période de deux ans, s'installer dans un cabinet où il pourrait entrer en concurrence directe avec l'infirmier ou l'infirmière remplacé, et éventuellement avec les infirmiers ou les infirmières exerçant en association avec celui-ci, à moins que le contrat de remplacement n'en dispose autrement ».
Rappelons que si une clause de non-concurrence existe dans le contrat, elle doit être limitée dans le temps et l’espace pour être valide (les us et coutumes de la profession sont en ce qui concerne « le temps » : 2 ans à 3 ans, et en ce qui concerne « l’espace » : le périmètre géographique couvert habituellement par l’infirmier libéral remplacé).
Mais un contrat se devant toujours d’être adapté aux situations et, le Droit et les jurisprudences évoluant très rapidement, nous ne pouvons que vous conseiller de vous adresser à un juriste spécialisé pour l’établir.
La rémunération
Comme déjà précisé, le remplaçant libéral n’est pas un salarié. Il n’aura donc pas de « salaire » mais des honoraires sous forme de rétrocessions.
Généralement, ces honoraires correspondent au total du montant des actes effectués lors du remplacement, moins, éventuellement, une participation aux frais de fonctionnement du cabinet (location du local, du mobilier, de l’ordinateur, du logiciel de gestion de cabinet, frais de petit matériel : seringues, aiguilles etc., EDF, GDF, téléphone, assurances, éventuellement secrétaire, femme de ménage, etc.). Afin d’éviter toute discussion, il est préférable de calculer ces frais à partir d’une base réelle, documents comptables par exemple.
Ces honoraires seront versés par le remplacé au remplaçant, dans les délais convenus par contrat. C’est ce que l’on appelle une rétrocession d’honoraires.
Le remplaçant devra bien entendu les déclarer au fisc, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC), une fois déduction faite de ses différents frais professionnels (cotisations sociales, taxe professionnelle, frais de véhicule, assurances etc.)
Le remplacé, lui, déclarera ces rétrocessions à l’administration fiscale, sur un formulaire DAS2, en début d’année civile, et les déduira de ses propres recettes.
L’activité
La tournée
Il s’agit des visites à domicile que l’infirmier effectuera au cours de sa journée de travail. Ces visites sont généralement organisées suivant un itinéraire précis et l’infirmier remplaçant, travaillant en lieux et place de l’infirmier libéral remplacé, aura la même tournée que celui-ci. On peut en déduire facilement qu’il est souhaitable de rencontrer préalablement l’infirmier libéral à remplacer, et faire quelques tournées à domicile en sa compagnie avant de s’engager dans son remplacement. Cela permet de se faire une idée précise du type de remplacement proposé et de se présenter à la clientèle/patientèle, de connaître les habitudes de chacun, les soins, les horaires, et la localisation géographique des domiciles.
A noter qu’il est interdit de remplacer plus de deux infirmiers simultanément, c'est-à-dire que l’on ne peut pas cumuler plus de deux clientèles ( effectuer deux «tournées ») en même temps.
Le cabinet
Comme dit précédemment, l’infirmier remplaçant travaille en lieux et place d’un infirmier libéral. Il doit donc avoir accès à son cabinet pour les soins non prescrits à domicile.
Par contre, il ne pourra pas y apposer de plaque ou faire figurer cette adresse sur ses documents professionnels (cartes, ordonnances).
La facturation
L’infirmier libéral remplaçant sans domicile professionnel ne peut pas, pour l’instant, avoir de feuilles de soins pré-identifiées et de Carte de Professionnel de Santé (CPS). Il n’en reste pas moins, que travaillant à la place d’un infirmier libéral, c’est à lui de facturer les soins qu’il effectue et d’en attester ainsi l’exécution. Pour ce faire, et en attendant de nouvelles dispositions d’identification des infirmiers remplaçants, il utilise les feuilles de soins de l’infirmier remplacé en y ajoutant visiblement son nom, prénom, sa qualité d’infirmier remplaçant, et éventuellement, son numéro d’autorisation DDASS.
En cas de tiers-payant ou de télétransmission des feuilles de soins, l’infirmier libéral remplacé ne pourra pas utiliser sa propre CPS pour signer les FSE (feuilles de soins électroniques). En effet, la CPS est une signature électronique et, en l’utilisant, l’infirmier remplacé attesterait avoir réalisé lui-même les soins faits par le remplaçant, ce qui, en cas de problème ou de contrôle, pourrait lui être opposable. Les télétransmissions devront donc être effectuées en mode « B2 » ou «dégradé», et, l’infirmier remplaçant devra signer les feuilles de soins papier.
Mais attention ! S’il facture les soins, l’infirmier remplaçant n’encaisse pas, pour autant, les honoraires. Il n’en est que le gardien et doit les remettre en totalité à l’infirmier remplacé, à la fin du remplacement. Les honoraires restent la propriété de l’infirmier libéral remplacé. Ce dernier les encaissera et fera ensuite une rétrocession d’honoraires à son remplaçant, comme défini dans le contrat. Fiscalement, en aucun cas, l’IDEL remplaçant ne doit encaisser sur son compte professionnel les honoraires payés directement par les patients ou les Caisses d’Assurance Maladie et mutuelles complémentaires.
Les obligations
Les règles professionnelles spécifiques aux infirmiers d’exercice libéral et la Convention Nationale définissent certaines obligations à respecter tant par l’infirmier remplaçant que par l’infirmier libéral remplacé.
Nous ne pouvons que vous engager à les lire attentivement et à vous en imprégner, afin que vos remplacements se déroulent au mieux.
Quelques conseils pratiques
Assurance Responsabilité Civile Professionnelle : L’infirmier remplaçant doit souscrire une assurance RCP car étant travailleur indépendant, il travaille sous sa propre responsabilité.
Banque : Comme pour tout professionnel libéral, il est vivement conseiller d’ouvrir un compte bancaire réservé à l’usage professionnel, ceci afin de bien différencier les recettes et dépenses professionnelles des recettes et dépenses personnelles. Le compte bancaire professionnel n’est pas obligatoire, un compte courant réservé à l’usage professionnel peut faire l’affaire. Il servira à encaisser les rétrocessions d’honoraires, et à payer l’ensemble des frais professionnels (cotisations sociales, taxe professionnel, assurances, frais de véhicule, etc.)
Trouver un remplacement, ou un remplaçant :
Un conseil : Si l’objectif de l’infirmier remplaçant est de vivre uniquement de ses remplacements, nous ne pouvons que lui conseiller de monter un vrai projet professionnel (avec étude de marché, prévisions financières, etc. [4]). En effet, dans certaines régions, le regroupement des infirmiers libéraux en cabinet mono ou pluridisciplinaires fait que leurs besoins en remplaçants sont de plus en plus ponctuels et épisodiques. Une étude de marché préalable peut permettre d'éviter bien des déboires.
Pour trouver des remplacements ou des remplaçants, vous pouvez passer une petite annonce et suivre la rubrique emploi d'infirmiers.com, contacter les syndicats professionnels libéraux , suivre les petites annonces des quotidiens locaux, contacter directement les cabinets infirmiers de votre secteur, et, bien entendu, faire marcher le bouche à oreille.
Textes législatifs
- Ordonnance n° 2003-850 du 4 septembre 2003 portant simplification de l'organisation et du fonctionnement du système de santé ainsi que des procédures de création d'établissements ou de services sociaux ou médico-sociaux soumis à autorisation
- Décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux parties IV et V (dispositions réglementaires) du code de la santé publique et modifiant certaines dispositions de ce code (J.O 8 août 2004)
- Arrêté du 18 juillet 2007 portant approbation de la convention nationale destinée à régir les rapports entre les infirmières et les infirmiers libéraux et les organismes d'assurance maladie
Les dernières annonces de remplacement
{module emploi_liberal}
Notes
- Pour les salariés de la Fonction Publique : la législation évoluant très vite dans ce domaine, nous vous conseillons, préalablement à toute décision, de vous adresser à vos syndicats locaux, afin de vérifier si ce cumul ou des dérogations sont éventuellement possibles.
- Pour de raisons pratiques, nous n’emploierons que le masculin dans cet article, mais il est bien évident que ce document s’adresse aussi à Mesdames les infirmières, « remplaçantes » ou non, qui sont majoritairement présentes dans la profession.
- les infirmiers remplaçants payent donc sur leurs revenus des cotisations sociales auprès de l’URSSAF et de la CARPIMKO (caisse autonome de retraites des infirmiers libéraux), et sont aussi redevables de la Taxe Professionnelle
- Un site pouvant vous aider à monter ce projet professionnel (étude de marché, etc.) : le site de l’Agence Pour la Création d’Entreprises (APCE)
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