Le 22 février dernier, à l'invitation du Conseil régional de l'Ordre des infirmiers du Languedoc-Roussillon et de sa présidente Anne-Marie Bardou, quelque 200 infirmières et infirmiers hospitaliers et libéraux se réunissaient à Montpellier pour une après-midi de réflexion autour du Code de déontologie , publié par décret le 27 novembre 2016 après un long temps de latence puisque déposé par l'Ordre national des infirmiers au ministère de la santé en 2010... Le titre de la réunion montpelliéraine augurait d'emblée de sa teneur : "Le Code de déontologie, un grand pas vers l'autonomie".
Comme l'a rappelé Anne-Marie Bardou, ce Code est un élément professionnel hautement fédérateur, il permet à chacun d'entre nous, infirmiers de tous terrains et de tous secteurs, de penser le soin et la relation à l'autre de la même façon, avec des droits et des devoirs explicites. Pensé et élaboré par des infirmiers pour des infirmiers, il invite l'ensemble de la profession infirmière à revisiter son exercice et ce qu'est la relation de soin
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Le premier devoir de tout infirmier est dorénavant d'attester, par écrit et "sur l'honneur" d'en avoir pris connaissance et de s'engager à le respecter comme le stipule le courrier électronique reçu via l'ONI : Au plus tard six mois après la date de la publication du présent décret, les infirmiers en fonction et inscrits au tableau de l'ordre sont tenus de déclarer sur l'honneur au conseil départemental dont ils relèvent qu'ils ont pris connaissance du code de déontologie et qu'ils s'engagent à le respecter
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Ce Code, pensé et élaboré par des infirmiers pour des infirmiers, invite l'ensemble de la profession infirmière à revisiter son exercice et ce qu'est la relation de soin.
Yves Doutriaux, conseiller d'Etat, membre du Conseil national, président de la chambre nationale de l'ONI, a rappelé que ce Code se substitue aux anciennes règles professionnelles. Comportant 92 articles, il est de fait beaucoup plus complet que les règles professionnelles qui n'en comptaient que 50. En réponse à une question selon laquellele Code concernerait plus les infirmiers libéraux que les salariés, rappelons que 65 articles intéressent tous les infirmiers quel que soit leur statut, ce qui démontre l'unité de la profession, tandis que 5 articles n'intéressent que les salariés et 22 les seuls libéraux
. Il a également souligné que les règles s'imposant également aux étudiants en soins infirmiers (R. 4312-1), le Code de déontologie doit donc être aussi respecté par eux, même s'ils ne sont pas inscrits à l'Ordre. De façon plus explicite, le consentement préalable de la personne examinée (R. 4312-14) est étendu dans le cadre des stages cliniques des étudiants (R. 4312-48)
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Le Professeur François Vialla, professeur de droit à la faculté de Droit de Montpellier, fondateur du Centre européen d'étude et de recherche en droit de la santé, est intervenu sur les conséquences de la sortie de ce texte sur les usagers de soins. Il a rappelé que s'il appartient à l'éthique de dire ce qui peut être, il revient au droit de dire ce qui doit être
. Pour lui, il y a ambivalence entre éthique et déontologie, l'éthique étant le champ des possibles alors que le droit contraint.
Pour l'universitaire, ce Code de déontologie émancipe, responsabilise, comme une entrée de la profession infirmière dans la sphère des professions libérales, celle des Hommes libres
. Cependant, François Vialla a également rappelé que le patient a le droit de choisir son professionnel de santé et donc que ce dernier a un devoir de loyauté envers lui
. Son consentement éclairé d'adhésion à la proposition de soins se doit donc d'être acquis. Respecter l'autonomie de la personne dans la dépendance est donc le fondement de la relation de soins. Citant Gandhi "ce que vous faites pour moi sans moi, vous le faites contre moi", le Pr Vialla a souligné combien droits et devoirs d'un professionnel de santé étaient intimement liés.
Ce Code de déontologie émancipe, responsabilise, comme une entrée de la profession infirmière dans la sphère des professions libérales, celle des Hommes libres...
Vincent Rabaté, juge, vice-président du tribunal administartif de Montpellier et président du CDPI du Conseil régional de l'Ordre des infirmiers du Languedoc-Roussillon a rappelé au cours de son intervention l'aspect disciplinaire, le rôle des Conseils départementaux et les obligations des infirmiers au regard du Code de déontologie. Il a notamment souligné que cela fait huit ans que l'Etat n'a pas publié le decret d'application consécutif à la constitution de l'ONI et qui oblige les employeurs à adresser à l'Ordre le nom des infirmiers qu'ils emploient. D'un point de vue réglementaire, la non parution de ce décret ne peut être invoquée par l'établisement qui manquerait à cette obligation
a-t-il rajouté.
Après ces réflexions théoriques, Nathalie Depoire, présidente de la Coordination nationale infirmière (CNI), a ramené le débat au coeur de la pratique soignante des infirmiers. Selon elle, le Code de déontologie sera ce que la profession infirmière en fera. Est-ce un simple texte réglementaire ou une réelle opportunité à saisir ? Je penche pour l'opportunité si chaque acteur professionnel le connait, l’acte comme référence et argumente en sa faveur. Le point de départ : le faire connaître…
Et de s'interroger cependant sur son application sur le terrain à l'heure où les conditions de travail sont dégradées et la profession quelque peu exangue. L'article R. 4312-10 stipule par exemple que l'infirmier agit en toutes circonstances dans l'intérêt du patient, que ses soins sont consciencieux, attentifs et fondés sur les données acquises de la science et qu'il y consacre le temps nécessaire... Quant à l'article R. 4312-64, il rappelle que "l'infirmier salarié ne peut, en aucun cas, accepter que sa rémunération ou la durée de son engagement dépendent, pour tout ou partie, de normes de productivité, de rendement horaire..." A l'heure de l'hôpital-entreprise où justement les mots productivité et rendement sont légion, que penser et donc comment panser selon nos devoirs ? Quid des conflits éthiques qui vont en découler. L'analyse des situations de terrain s'imposera donc pour pouvoir faire bouger les choses au quotidien. Les infirmiers doivent donc plus que jamais s'engager pour la qualité de leur exercice et défendre leurs valeurs de soin
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Enfin, Serge Bernasseau, représentant régional du Comité d'entente des formations infirmières et cadres (CEFIEC) du Languedoc-Roussillon, s'est exprimé sur la question des apports du Code de déontologie pour les étudiants en soins infirmiers. Ils devront eux aussi le connaître, s'en emparer et en mesurer les impacts. En effet, à titre d'exemple, l'article R. 4312.36 rappelle les missions de l'infirmier en terme d'encadrement et de coordination de professionnels, tout comme l'article R. 4312-48 qui renforce la responsabilité de l'encadrant qui doit s'assurer des connaissances de l'étudiant apte à effectuer un soin à un patient qui, préalablement devra y consentir
. Serge Bernasseau a donc souligné que le CEFIEC est le meilleur ambassadeur de l'Ordre des infirmiers et de son Code de déontologie, rappelant que c'est le poids du passé qui rend possible l'invention du futur
et donc que tout futur soignant doit savoir d'où il vient pour comprendre où il va ; d'où leur engagement dès le début de leurs études.
A l'heure de l'hôpital-entreprise où justement les mots productivité et rendement sont légion, que penser et donc comment panser selon nos devoirs ? Quid des conflits éthiques qui vont en découler.
L'interactivité a été de mise tout au long de l'après-midi. Les infirmiers, très attentifs aux interventions de chacun, étaient invités à partager leurs questionnements : accueil des étudiants en secteur libéral, nouvelles conventions de stages, Code opposable si conditions de travail ne permettant pas d'exercer dans les conditions de qualité et de sécurité requises, obligation des employeurs à soumettre leurs contrats d'embauche à l'Ordre... Comme l'a précisé Nathalie Depoire, ce Code est sans doute perfectible, mais il est là et c'est le plus important
. Dans cet esprit, il est clair que la profession infirmière devra faire preuve, d'engagement, de sérieux et de curiosité afin de s'emparer de ce texte qui concerne au plus haut point son exercice et le faire évoluer si nécessaire. En février dernier, le président de l'ONI Didier Borniche, s'est rendu en Martinique et Guadeloupe
afin de présenter ce Code. Un Code qui selon lui est un élément fédérateur puissant qui permet d’affirmer le primat des valeurs de notre profession sur toute autre exigence, dans un contexte où la rentabilité financière a tendance à prendre le pas sur la qualité des soins et la sécurité des patients
. Le 30 mars prochain, à l'occasion des 4e Journées nationales des infirmiers libéraux, Didier Borniche viendra également présenter le Code de déontologie et débattre de sa portée dans l'exercice libéral.
Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern
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