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L’Adamant, l’hôpital psychiatrique sur la Seine

Publié le 17/01/2011

Unique en Europe, L'Adamant est un bateau-hôpital psychiatrique de jour, amarré quai de la Rapée, à Paris. C'est la solution originale trouvée par l'équipe soignante à sa recherche de locaux.

Il s’appelle l’Adamant. Début juillet, lors de l’embarquement de son équipage, patients et soignants, il a été la vedette d’une large part de la presse nationale, voire internationale. Il, c’est un bateau-hôpital psychiatrique de jour amarré quai de la Rapée au port autonome de Paris (12e). Une première en Europe.

Au pied du pont Charles de Gaulle, à quelques encablures de la gare de Lyon, un bateau d’un genre nouveau se coule dans le paysage nautique des péniches environnantes. Patients, soignants et autres visiteurs accèdent à cet étonnant centre de jour de l’hôpital psychiatrique Esquirol par deux passerelles solidement fixées au quai par des câbles d’acier. Cette structure flottante, dotée de larges baies vitrées ouvertes sur la Seine, est un lieu si agréable à vivre et à fréquenter.

Certes, un hôpital de jour reste un hôpital de jour, mais l’originalité de l’Adamant a focalisé l’attention de nombreux médias à son ouverture en juillet dernier. Et, depuis, le regard sur la psychiatrie n’est plus le même pour nombre de visiteurs.

L’Adamant ne s’est pas échoué là par hasard. Ce bâtiment en bois de  650 m2 est le fruit de cinq années de réflexion menée conjointement par le personnel soignant et les patients. Il est la réponse à la question posée il y cinq ans par la direction de l’hôpital Esquirol, relevant des hôpitaux de Saint-Maurice (94) : quid du bail qui court jusqu’en 2012 de l’hôpital de jour situé au Châtelet ?

Deux médecins, qui habitent sur une péniche, proposent alors le projet d’un hôpital installé sur la Seine. Soutenue par la mairie de Paris, cette idée se révèle être une opération financière avantageuse. Le nom, – « Adamant », contraction d’« adamantin » (qui désigne le cœur du diamant) et d’« amant » - est imaginé lors d’ateliers auxquels participaient les patients.

Animée par le psychiatre Frédéric Khidichian, chef du pôle Paris centre, l’équipe soignante est composée d’une vingtaine de personnes (psychiatres, psychologues, cadres de santé, infirmiers, ergothérapeute, psychomotricien, éducateurs, agents de service hospitalier). Avant de s’embarquer dans cette aventure, toute l’équipe a réfléchi à l’aspect innovant du projet. « Nous avons beaucoup pensé à cette situation originale qui est de travailler sur un bateau. Nous avons analysé les angoisses, craintes ou désirs de chacun sur le fait d’être sur l’eau toute la journée », explique le docteur Khidichian. Désormais presque tous les soignants apprécient leur nouveau cadre de travail.

« C’est vrai ! C’est avec plaisir que je viens sur ce site le matin. Une fois sur le bateau, on n’a plus envie de partir parce qu’on s’y sent bien. Il est, par exemple, très agréable de prolonger une réunion par une discussion sur les coursives au soleil au bord de l’eau, de se retrouver sur un lieu aussi calme, à l’écart de la circulation et de son stress, sur l’eau avec les petites vagues de la Seine. C’est très apaisant pour tout le monde », précise Frédéric Khidichian.

Apaisant, effectivement. Le terme est présent tant dans les témoignages des soignants que dans celui du comportement des patients. « Depuis que nous sommes installés dans cette structure, on perçoit de meilleures capacités des patients, et de fait des meilleures relations thérapeutiques entre soignants et patients», remarque, enthousiaste, le responsable de l’Adamant.

Les patients vont et viennent calmement, sereinement. Après avoir franchi la passerelle où ils aiment stationner, ils entrent dans la salle d’accueil. Des tables, des chaises, un bar, et la Seine qui coule et les entoure. Ils sont dans la première rotonde. En prenant une coursive, à l’autre extrémité, ils en atteignent une seconde tout aussi lumineuse sur le fleuve. La surface vitrée est très importante. « Créer une structure très transparente afin d’éviter cette stigmatisation du lieu jugé très strict, très enfermé avec des barreaux était une volonté commune des patients, des soignants et de l’architecte», précise Frédéric Khidichian.

« La circulation sur la structure est aisée et, bien évidemment, meilleure de celle dans notre ancienne installation à Châtelet. Toutes ces différences provoquent des modifications dans le rapport au temps », souligne Jacqueline Simonnet, cadre de santé. Le pont inférieur est composé de bureaux de consultation, d’ateliers de cuisine, de peinture et de sculpture, d’une salle de relaxation, dont une partie grillagée laisse apparaître l’eau. Quelques marches plus bas, la bibliothèque s’ouvre sur une immense salle de réunion dite "pêle-mêle" à fleur d’eau. Ici, le tangage, dû au passage de grosses embarcations sur la Seine, se fait clairement sentir.

« Nous avons dû nous adapter à la particularité du bâtiment, notamment au mal de mer. L’eau peut être un anti-stress pour certains patients, mais devenir angoissante pour d’autres. Ils sont très sensibles à la beauté du lieu. Pour nous, soignants, la prise en charge reste la même. Il s’agit avant tout d’un centre de soins », indique une infirmière.

« L’objectif de cette structure est de réintroduire le patient dans la cité. Ici, il peut s’intéresser à la vie des mariniers. Cela suscite de l’intérêt, du lien et une forme de relaxation, car la vie nautique n’est pas comme dans un immeuble. Tout le monde se dit bonjour. Les SDF, installés sur le quai qui, a priori, font peur, deviennent des voisins. La temporalité est également différente, analyse Arnaud Vallet, infirmier psychiatrique. La maladie mentale atrophie, casse les relations et le travail. Le nôtre consiste à relancer l’élan vital de nos patients qui ont, pour certains, été hospitalisés plusieurs semaines ou mois dans un centre spécialisé.

L’Adamant favorise cette dynamique. Le centre attire beaucoup d’acteurs de la vie politique et sociale aidant ainsi les échanges. »
Une réflexion est prévue dans un an sur l’intérêt de ce type de structure flottante de soins. « Tandis que beaucoup de grandes villes d’Europe sont traversées par un fleuve, […] les fonciers sont difficiles ; il n’est facile de trouver des lieux de soins de jour pour les patients psychiatriques. […] On est tenté de communiquer sur cette idée, […]. Nous sommes les premiers à faire cela en Europe.

Toute expérience novatrice en psychiatrie est très regardée. Un immense travail est réalisé par les associations de familles de patients, les patients, les soignants, les services de santé publique de tous les pays pour réfléchir à la prise en charge des patients, véritable problème de santé publique, pour changer l’image de la psychiatrie», commente le docteur Khidichian. Avec ses soins au fil de l’eau, l’Adamant a défini un avant et un après en psychiatrie. Précurseur, le bateau du quai de la Râpée donne d’ores et déjà un cap.

L’Adamant accueille 30 à 40 patients par jour. Équipé d’un ascenseur, le navire est accessible aux personnes en fauteuil roulant.
Le personnel soignant a suivi une formation de sauvetage aux normes très strictes du port autonome de Paris. Un zodiac est fixé à une extrémité du bateau.

Une conception réfléchie

L’Adamant a été entièrement construit en Île-de-France en bois de haute qualité environnementale. Le chauffage est fourni par une pompe à chaleur utilisant l’eau de la Seine. La climatisation ne consomme pas d’énergie. Bien que dépourvu de moteur, il est enregistré comme un bateau au port autonome de Paris.

Victimes de l’innovation

Depuis son installation, l’Adamant suscite beaucoup d’intérêt de la part des médias. Régulièrement, des journalistes de la presse écrite, radio, télé se manifestent. Patients et soignants se disent quelque peu harcelés. Ce besoin d’informations trouble la quiétude du fil de l’eau et du besoin de soins.

Une économie substantielle

Le prix de location de l’anneau négocié par la mairie de Paris pour amarrer les 650 m2 de l’Adamant revient beaucoup moins cher que la même surface en plein Paris. Le bâtiment a coûté 2 millions d’euros.

Cet article est publié dans le cadre du partenariat entre Izeos et la MNH. Il est paru dans le numéro 170 (novembre 2010) de la revue de la MNH.

Alain Martinez


Source : infirmiers.com