La seconde partie de l’étude de la Drees va contre l’idée d’une carrière courte des infirmiers et apporte des éléments pour évaluer quelques réformes en cours.
Un précédent article a rendu compte de la première partie du travail de la DREES sur la profession infirmière - Démographie infirmière, état des lieux. La seconde partie porte sur la formation et les trajectoires professionnelles. Elle arrive au bon moment, avec en particulier la mise en place de deux réformes importantes : l’universitarisation des études (introduction du cursus LMD) et le passage progressif en catégorie A dans la fonction publique hospitalière.
Elle pourrait en effet servir de base de comparaison pour leur future évaluation, en supposant que celle-ci soit prévue … Quoiqu’il en soit, elle rencontre la même difficulté que la première : le manque de données absolument fiables. Cependant, si la photographie manque ainsi de netteté à certains endroits, elle ne fait pas pour autant dans le flou artistique.
Un taux stable de diplômés par an (21 000)
Le quota national d’inscriptions en IFSI est fixé à 30 000 depuis 2003. Il est réparti entre les régions chaque année. Malgré une augmentation de 28 % des inscrits entre 2 000 et 2008, il n’est jamais rempli. Plus ennuyeux encore, le déficit d’inscriptions varie entre les régions, celles où il est le plus fort étant aussi celles où la densité d’infirmiers est la plus faible.
Or, comme on le verra plus loin, il semble que les IDE s’installent de préférence dans la région où ils ont obtenu leur diplôme.
Depuis 2005, le nombre de diplômés est stable : 21 000 par an, parce que le quota national l’est aussi, que le nombre effectif d’inscrits lui est inférieur et qu’environ 80 % seulement des primo-inscrits telle année obtiennent leur diplôme d’IDE 3 ans plus tard. Comment expliquer cette déperdition ?
De nombreux abandons en cours d’études
Les auteurs de la DREES avancent plusieurs hypothèses complémentaires, qu’il vaut la peine d’examiner en gardant à l’esprit les réformes en cours. En premier lieu, le concours d’infirmier étant moins sélectif, il permet de recruter des étudiants qui découvriront en cours de route qu’ils n’ont pas le niveau pour aller jusqu’au bout des études. La prise en charge par l’université de pans entiers de la formation va-t’elle renforcer cette tendance ? En second lieu, certains étudiants choisissent le métier d’aide-soignant en fin de première année. Troisièmement, certains décident de reporter leurs études pour raisons financières ou à cause de problèmes personnels. Enfin, d’autres abandonnent définitivement par « manque de temps, peur de faire des erreurs, manque de reconnaissance et manque d’encadrement pendant les stages. »
Pas de chomâge pour les IDE
S’il y a une chose que les infirmiers n’ont pas à redouter, c’est le chomâge : « moins d’un mois après la fin de leur formation, trois quarts des IDE ont trouvé un emploi. » Au bout d’un an, cette proportion est de 97 % et au bout de 7 ans, le taux de chomâge est à 0,4 %.
Les nouveaux diplômés exercent en majorité comme salariés d’hôpitaux publics, ce qui s’explique facilement par l’obligation de travailler pendant deux ans après l’obtention du diplôme sous l’autorité d’un cadre de santé.
Le changement du mode d’exercice varie en fonction de celui-ci.
Les salariés abandonnent plus volontiers leur mode d’exercice que les libéraux (2,8 % par an versus 1,4 %), surtout s’ils sont non hospitaliers et travaillent dans un établissement pour personnes âgées (6,1 % par an). Il faut noter que 49 % des salariés ayant changé de région entre deux années consécutives ont aussi changé de mode d’exercice, contre 2,1 % de ceux restés dans la même région, sans qu’il soit possible d’établir un lien de cause à effet.
Plus de la moitié des libéraux qui abandonnent leur mode d’exercice retournent à l’hôpital comme salariés, alors que les IDE de l’hôpital public qui l’abandonnent le font majoritairement pour l’exercice libéral et que les IDE des hôpitaux privés le font à part presque égale pour l’exercice libéral et pour l’exercice comme salarié en hôpital public. Les IDE salariés d’un établissement pour personnes âgées qui l’abandonnent se dirigent en majorité vers le secteur non hospitalier, puis vers l’hôpital public ou l’exercice libéral. Enfin, les IDE salariés non hospitaliers et ne travaillant pas dans un établissement pour personnes âgées se dirigent très peu vers ceux-ci, mais de préférence vers l’exercice libéral ou l’hôpital.
Des inégalités régionales marquées
Plus des trois quarts des IDE exercent dans la région où ils ont été diplômés. Cette proportion « décline faiblement avec l’âge. » En revanche, elle varie selon les régions. Ainsi, la Bretagne semble avoir une capacité insuffisante de formation, puisque « 41 % des infirmiers (y) ayant moins de 5 ans d’ancienneté en activité ont obtenu leur diplôme dans une autre région. » A contrario, la région Île de France semble former de nombreux IDE pour d’autres régions ; par exemple, en 2009, 10 % des infirmiers diplômés depuis moins de 5 ans exerçant en Bretagne ont été formés en Île de France.
La proportion des IDE changeant de région d’exercice entre deux années consécutives est faible par rapport au nombre total des infirmiers, mais pour chaque région, elle est constante sur le long terme, soit négative, soit positive, ce qui renforce la pénurie ou l’abondance de chacune et donc les disparités entre toutes. C’est la région Île de France que les infirmiers quittent le plus volontiers, ainsi que la Corse et les départements d’outre mer.
Des abandons de la profession qui semblent relativement peu fréquents
Il semble que les interruptions de carrière aient lieu après l’âge de 30 ans, puisque 7 ans après l’obtention de leur diplôme, en moyenne à 25 ans, 98 % des infirmiers de la promotion 1998 exercent encore.
La grande majorité des infirmiers salariés hospitaliers du secteur public cessent leur activité dès l’âge de 55 ans. Cependant, 17 % des hommes et 20 % des femmes sont partis avant. Les auteurs de l’étude avancent l’hypothèse de la possibilité de prendre sa retraite après 15 ans d’exercice pour les IDE ayant eu trois enfants, qui la cumulent alors avec un emploi dans le secteur privé. Quoiqu’il en soit, 39 % des salariés du secteur public auraient cessé leur activité avant 56 ans et près de 91 % avant 61 ans. Ces chiffres, probables mais non certains, sont à mettre en regard du recul de l’âge de départ à la retraite impliqué par le passage en catégorie A.
Les infirmiers salariés hospitaliers du secteur privé cessent majoritairement leur activité à l’âge de 60 ans. Près de la moitié des libéraux ont quitté ce mode d’exercice avant 61 ans et les trois quarts avant 64 ans. Leur durée de carrière serait ainsi de 35 ans en moyenne.
Au total, les auteurs de l’étude concluent qu’à partir de leurs hypothèses de travail, il n’est pas possible d’affirmer que les infirmiers font des carrières courtes.
Bilbiographie
- Muriel Barlet, Marie Cavillon. La profession infirmière : situation démographique et trajectoires professionnelles. DREES. Série Études et recherches. Document de travail n°101. Novembre 2010.
Serge CANNASSE
Rédacteur en chef IZEOS
serge.cannasse@izeos.com
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