Le rapport de l’IGAS sur la formation des cadres de santé provoque plusieurs réactions virulentes. Voici celle d’un ancien directeur d’IFSI.
Un nouveau rapport de l'IGAS1... et de quelle teneur
En tant que pédagogue et ancien directeur d'IFSI, je me suis particulièrement intéressé au paragraphe "2.1.5. La question des cadres formateurs". Un titre le plus adapté aurait été : "Des formateurs : pour quoi faire ?" La question se pose effectivement à la lecture des quelques pages qui leur sont consacrées. La principale préoccupation des rapporteurs semble être de les remettre dans le circuit des services hospitaliers compte tenu de la "raréfaction des ressources" et "d'affectations longues, voire de très longue durée sur des fonctions pédagogiques" ("que la commission a retrouvés dans plusieurs cas" - c'est énorme plusieurs cas sur plusieurs milliers !!??!). L'évaluation qualitative que les membres experts de l'IGAS ont réalisé2 montre que cette situation ne peut perdurer !
Les fonctions des formateurs, les compétences nécessaires pour accompagner les étudiants, la compréhension, l'appropriation et la mise en oeuvre des nouveaux référentiels, bref ! toutes les connaissances, les concepts sous jacents, l'approche par compétences, la gestion de l'alternance, la didactique, les méthodes, les outils, les techniques, tout ce qui fait la spécificité du formateur dans ce domaine se résume à un module de pédagogie dont le contenu énoncé est largement inférieur à ce qui est demandé à un cadre de "terrain"..., très loin des besoins des cadres formateurs et surtout des étudiants. Mais attention : "une formation d'adaptation à l'emploi COURTE sera instaurée "!
Eh ! oui, ce sont des « experts » qui préconisent cela ! De qui se moque-t-on ?
Sans doute, leur préoccupation première est la qualité de la formation pour accompagner 30.000 étudiants en soins infirmiers et les étudiants des autres filières paramédicales, formation qui devrait se faire à mi-temps et surtout ne pas durer plus de 3 ans !3
Mais que connaissez vous de la fonction pédagogique pour affirmer de telles inepties ?
Amener un étudiant à "devenir un praticien autonome, responsable et réflexif", qui "développe ses ressources", "apprend à reconnaître ses émotions", "développe une éthique professionnelle", établir "une pédagogie différenciée", développer "des stratégies qui aident l'étudiant dans ses apprentissages, organiser des parcours individualisés de formation, mettre en oeuvre des méthodes adaptées, aménager l'ingénierie de la formation, aider à l'autoévaluation de l'étudiant, construire un système d'évaluation adapté...4. Encore faudrait-t-il lire ce référentiel pour comprendre la position du formateur ! Mais est-ce l'objectif des auteurs du rapport ?
La très grande majorité des formateurs considère insuffisante la formation en IFCS comme celle des directeurs d'IFSI au sein de la Haute École de Santé (ce qui explique la demande d'une "formation spécifique plus longue ") ; conclusion : on la rétrécit ! Mais les formateurs pourraient suivre des formations complémentaires, dispensées sur leurs deniers et leur temps personnel ! De qui se moque-t-on ?
Une petite parenthèse sur la manière d'analyser les éléments (partiels) recueillis : "la mission a rencontré dans plusieurs cas....non évalué en nombre ", déduction "il ne semble ni souhaitable,...ni possible de le laisser perdurer". A l'inverse, " un certain nombre de cadres formateurs rencontrés ont fait valoir qu'une formation spécifique plus longue restait nécessaire", déduction : "la mission... ne partage pas cet avis". Pas sérieux tout cela ! « Plusieurs cas » est plus restreint que « un certain nombre » et la déduction est inverse ! Vous avez dit « experts en analyse » ? Heureusement que les étudiants n'étudient pas ces textes dans le cadre de l'initiation à la recherche !
La méconnaissance ou l'ignorance de ce qu'est un véritable tutorat est manifeste lorsque la mission indique que les formateurs "devront être plus systématiquement impliqués dans l'encadrement des stages". Il y a bien une activité des formateurs dans le cadre des stages au regard de l'analyse de pratique ou de l'enseignement clinique, mais cela n'a rien a voir avec le tutorat ou la fonction de maitre de stage, c'est une complémentarité !
Au final, la mission devrait préconiser la formation sur le tas, cela résoudrait la question de la réaffectation des formateurs dans les services et allègerait la fonction d'encadrement, mais cela n'a rien à voir avec de la formation en alternance.
Pour ce qui concerne la "rationalisation du système des faisant-fonction", il serait plus honnête de préconiser un retour à la nomination à l'ancienneté. Concrètement, on pourrait suggérer 5 ans de faisant-fonction, puis VAE, 60 ECTS et nomination : résolus les problèmes budgétaires, de promotion professionnelle, d'absence pendant le temps de formation et de "raréfaction des ressources" !
Finalement on se demande ce qui a guidé les auteurs.
Ce qu'il en ressort, ce n'est ni un appui sur ce qu'est la formation des paramédicaux, ni des connaissances sur ce que signifie accompagner des futurs professionnels qualifiés, ni la considération que formateur est un véritable métier.
Méconnaissance de fonction, de contenu du référentiel, des concepts ? Incompétence ? Volonté délibérée d'éliminer ou de réorienter les cadres formateurs ? Déni ? Où va t’on ?
Au regard de la fonction de formateur, mais plus largement et surtout au regard des étudiants et de toute la profession.
Quant on connaît l'énergie dépensée pour mettre en oeuvre le référentiel infirmier par les formateurs et directeurs d'IFSI...,
il y a de quoi s'indigner et même plus !
Une seule destination possible pour ce rapport : classement vertical ! Au fond d'un tiroir !
PS : le titre de ce texte est emprunté à Stéphane HESSEL.
William VIGNATELLI
ex directeur d'IFSI - Docteur en Sciences de l'Education - Formateur-Consultant
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