Les accidents d’exposition au sang et aux liquides biologiques, un risque à courir lorsqu’on est soignant et notamment IDE. L’Ordre national des infirmiers a donc décidé de se pencher sur ce problème en lançant une enquête numérique sur le sujet , et les résultats confirment les doutes. Les AES demeurent beaucoup trop fréquents et seraient pour la plupart parfaitement évitables si les recommandations de bonnes pratiques et autres mesures de sécurité étaient appliquées. Que l’on exerce dans la fonction publique, dans le privé ou en libéral, des améliorations sont possibles.
Le contexte des AES
Rappelons le, un accident d’exposition au sang (AES) inclut tout contact avec du sang ou un liquide biologique en contenant, et comportant soit : une effraction cutanée (piqûre, coupure), une projection sur une muqueuse (œil, bouche) ou sur une peau lésée. Un problème récurrent qui concerne la totalité de la profession . Dans les établissements de santé, ces accidents ont été suffisamment documentés pour donner lieu à la mise en place de programmes de prévention. Une surveillance nationale des AES a été effective de 2003 et 2005 dans les hôpitaux mais a été arrêtée depuis le 1er janvier 2016. Elle avait pourtant permis une meilleure application des précautions standards associée à une diminution du taux d’AES par piqûres (5,2 piqûres/100 infirmiers/an en 2004 pour 3,6 en 2015).
Toutefois, cette réduction s’était avérée moindre dans les petits établissements et dans les cliniques privées. De même, le risque ne disparait pas à la sortie de l’hôpital, il est tout aussi présent dans les Ehpad ou dans les soins de ville même s’il demeure moins bien connu du fait du peu d’études disponibles.
Face à ce constat, la Fédération nationale des Infirmiers (FNI) avec le Groupe d’étude sur le risque d’exposition au sang (GERES) avaient réalisé une enquête sur le sujet en 2013. Les données recueillies étaient préoccupantes : 62% des libéraux auraient eu un AES au cours de leur carrière et la majorité d'entre eux se serait déroulée durant l’année. Un sondage de Santé publique France de 2015 a consolidé ces chiffres.
Une enquête récente pour connaître la réalité sur le terrain
Ainsi, afin de « connaitre la réalité des AES et des mesures de protection et de sécurité prises quotidiennement », l’Ordre national des infirmiers a lancé en décembre dernier une enquête numérique sur le sujet intitulée : « AES : Si on en parlait ? ». Les résultats viennent d’être rendus publics lors du 7ème Sommet européen de la Biosécurité le 18 janvier dernier à Paris. Bien que non scientifique, seulement déclarative sous forme de questionnaire, cette enquête confirme les observations précédentes : encore trop d’AES évitables et encore trop peu d’AES déclarés !
Première observation, les répondants à cette enquête de terrain ont été très nombreux : près de 11 000 infirmiers ! Sans surprise, la plupart des sondés étaient des femmes (87 %) et avaient entre 20 et 40 ans (près de 57 %). En revanche, on remarque une surreprésentation des infirmiers libéraux parmi les répondants (environ 39 %), alors que 27% étaient dans la fonction publique et 12,7 % travaillaient dans des établissements privés.
Cette enquête confirme les observations précédentes : encore trop d’AES évitables et encore trop peu d’AES déclarés !
Un manque de moyens humains et matériels pointé du doigt
Les professionnels interrogés ont été 62 % à affirmer avoir été victime d’un AES au cours de leur carrière (quel que soit leur mode d’exercice). Pour une petite majorité d’entre eux, cet accident est survenu alors qu’ils étaient en poste dans leur service depuis moins de 5 ans. Ce qui suggère un lien entre les AES et le manque d’expérience.
La tâche en cours au moment où l’accident s’est produit était un acte infirmier quatre fois sur cinq et les principaux intéressés se jugent dans 80 % des cas seuls en cause. L’exposition est arrivée le plus souvent suite à une piqûre (80 % du temps). Les projections de sang ou de liquide biologique souillé de sang n’étaient responsables que de 12 % des accidents déclarés au cours de l’enquête et les coupures de seulement 6 %.
Fait accablant : lors de ces accidents, 57 % des victimes n’avaient pas de protection au visage, 44 % ne portaient pas de gants et 18 % n’avaient pas de conteneur pour objet piquant, coupant ou tranchant à portée de main. Suite à ce type d’AES, la plupart des professionnels interrogés s’en rendent bien compte : oui, cet accident aurait pu être évité. Ils sont 80 % à l’affirmer ! Comment ? Par le respect des procédures standards (pour 23 % des sondés), par la mise à disposition de matériel adéquat (26 %), ou par le port de matériel de protection (20 %). Le manque d’effectifs dans les structures est également pointé du doigt par 15 % des répondants.
Un tiers des répondants n’a pas déclaré son accident. La principale raison évoquée par 27 % des sondés est qu’ils n’avaient pas eu le temps de le faire !
J’ai subi un AES, et après ?
Plus inquiétant encore : le statut sérologique des patients sources est la plupart du temps inconnu des soignants. Près de 19 % ignoraient si le sang auquel ils ont été exposés était infecté par l’hépatite B ou C et 17 % en ce qui concerne le VIH.
Les réactions étaient multiples lorsque les professionnels se retrouvent confrontés à ce type de situation. Une large majorité pratiquent un lavage (87 %), les trois quarts des sondés ont recours à un antiseptique, 59 % effectuent un examen sérologique. De même, la moitié est allée consulter un médecin et 48 % ont programmé un suivi sérologique.
Autre point négatif, un tiers des répondants n’a pas déclaré son accident. La principale raison évoquée par 27 % des sondés est qu’ils n’avaient pas eu le temps de le faire ! Les deux autres justifications ne sont pas plus rassurantes : 15,5 % jugent que cela ne sert à rien, et 14 % ne savait pas que c’était nécessaire.
Les règles de bonne pratique sont souvent connues mais pas exécutées
Pourtant si l’on creuse en peu, on remarque que si les procédures de sécurité standards ne sont pas respectées, entraînant des AES évitables, elles sont néanmoins connues des soignants. En effet, 88 % attestent avoir pris connaissance des précautions standards de la Société française d’hygiène hospitalière (FS2H) et les trois quart estiment avoir été suffisamment formés à la bonne utilisation du matériel de sécurité (un chiffre qui pourrait encore s’améliorer).
En réalité, si de nombreuses mesures de sécurité sont systématiquement appliquées comme le lavage des mains en cas de contact avec des liquides biologiques ou le changement de gants entre deux patients (94 % et 98 % des sondés le font toujours), d’autres pourraient être largement optimisées. Par exemple, le port de deux paires de gants en bloc opératoire est une précaution inconnue pour 48 % des professionnels interrogés. Par ailleurs, si le port systématique de gants est une mesure parfaitement assimilée, 12,5 % des soignants ne l’appliquent que « parfois ». Même schéma en cas de risque de contact avec du sang ou d’autre produit d’origine humaine, 17 % des répondants admettent ne porter que parfois des gants. Ils sont un nombre similaire à recapuchonner « parfois » les aiguilles.
En ce qui concerne les équipements de protection individuels (EPI), ils sont près de 30 % à ne les porter que parfois ou jamais en cas de risque de projection. Enfin, ils sont 23 % à parfois désadapter à la main les aiguilles et 11 % à toujours le faire.
Cette enquête démontre l’importance de poursuivre une surveillance des AES et de l’élargir au secteur de ville et aux Ehpad, ce qui permettra de mettre en place des actions correctrices adaptées en fonction des situations de chacun Riche de ces données plutôt préoccupantes, l’ONI envisage la création d’un observatoire des AES.
Ceci parait d’autant plus important pour les IDEL qui, jusqu’à présent, demeurent particulièrement impactés. L’URPS PACA
a d’ailleurs fait le point sur les bonnes pratiques pour limiter les risques et sur les gestes d’urgence en cas d’exposition. De la même façon, en mars dernier, lors des Journées Nationales des Infirmiers Libéraux (JNIL), un symposium organisé par les Laboratoires Becton Dickinson (BD) pointait déjà les actes de prévention à optimiser sur cette même cible
. Il était alors souligné que la communauté libérale, dans une proportion importante
, ne s’était pas suffisamment approprié la conduite à tenir en cas d’AES
.
Roxane CURTETJournaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com @roxane0706
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