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Devenir IDE lorsque l'on est AS : le triple défi de la transformation

Publié le 05/03/2020

Dites 33 %. Depuis 2018, c'est le pourcentage qui correspond au nombre de places réservées aux candidats issus de la promotion professionnelle dans chaque promotion d'étudiants en soins infirmiers. Un quota qui a évolué puisque, auparavant, il était d'environ 25 % tous profils confondus. Saluons cette volonté d'ouvrir encore plus les portes pour la formation en soins infirmiers à des professionnels ayant travaillé, au moins 3 ans, et souhaitant tenter l'aventure qui les conduira au Diplôme d’État d'Infirmier. Précisons tout de même que pour les aides-soignants, il s'agit-là de la seule évolution professionnelle qu'il leur est donnée et que ce n'est pas la plus facile... 

La promotion professionnelle AS vers IDE est, pour celui ou celle qui s'engage sur cette voie, un marathon professionnel où il faut se nourrir de barres de savoirs, de sticks de pratiques mais aussi, et surtout, s'abreuver d'un essentiel... le moral !

Volonté d'enrichir ses compétences, désir de transformation professionnelle, investissement pour l'avenir... Nombreuses et légitimes sont les raisons qui motivent ces professionnels de santé à retrouver les bancs de l'IFSI pour une longue formation de trois années, faite à la fois de périodes de stages et d'enseignements denses. Or, ce retour au statut étudiant pour ces professionnels à bonne école du binôme AS/IDE n'est pas pas toujours une promenade de santé ! Refus de financement par l'employeur, difficultés de compréhension des enseignements universitaires, retour aux subtilités de terrain du statut étudiant, compromis avec la vie personnelle... En d'autres termes, là où la plupart des post-bacheliers poursuit une logique et une dynamique scolaire, l'évolution du métier d'aide-soignant vers celui d'infirmier est considéré comme une "rupture" de la vie professionnelle sur laquelle il leur faut rebondir pour remporter les défis financier, personnel et professionnel, auxquels chaque étudiant en soins infirmiers est confronté durant les trois années de son cursus.

Le retour au statut étudiant pour ces professionnels à bon école du binôme AS/IDE n'est pas pas toujours une promenade de santé !

Premier défi : la capacité financière

L'argent est le nerf de la guerre, surtout sur l'autel de la formation en soins infirmiers, puisqu'il faut avoir la capacité financière de rudoyer pendant trois années avec toutes les armes en main, notamment en espèces sonnantes et trébuchantes ! De fait, c'est vers l'employeur que la plupart des aides-soignants, ayant la volonté de tenter la formation en soins infirmiers, se tournent afin d'obtenir un accord tacite comme préalable au financement total de la formation professionnelle (à savoir continuer à percevoir un salaire durant 36 mois et satisfaire la prise en charge du coût de la formation).

Cette première formule est généralement rencontrée dans les deux principales fonctions publiques (hospitalière et territoriale) qui emploient des aides-soignants. Néanmoins, dans un contexte budgétaire contraint pour les établissements de soins, il n'est pas rare que l'AS lauréat du concours passerelle infirmier se voit refuser l'accès à la formation faute d'une enveloppe budgétaire ad hoc pour la rentrée suivante... C'est ainsi que l'on voit de plus en plus de listes d'attente, estampillées « promotion professionnelle », s'étirer sur les bureaux des directions des ressources humaines au grand dam des AS "reçus-collés" qui, dans certain cas malheureux, perdent le bénéfice du concours (3 reports consécutifs maximum) faute de financement dans les temps...

En deuxième possibilité offerte pour bénéficier d'un soutien pécunier durant les trois années, il existe également le Compte Personnel de Formation (CPF) pour les salariés du privé au titre de la formation continue. Un dispositif sur lequel ce dernier dispose d'un compte crédité en heure. Toutefois, à raison de 24 heures créditées par an, pour une formation théorique en soins infirmiers de 2100 heures, je vous laisse faire les comptes avant de pouvoir en profiter pleinement...

Troisième formule utilisable par un AS, une allocation versée par le pôle emploi : Allocation de Retour à l'Emploi Formation (AREF). C'est une indemnité mensuelle calculée en fonction de vos derniers salaires sur une période donnée. Pour pouvoir en bénéficier, l'AS ne doit pas être démissionnaire et le suivi de la formation en soins infirmiers doit être validé par un conseiller Pôle Emploi dans un plan de formation déterminé en entretien préalable. D'un maximum de 2 ans, elle peut être cumulative avec les Bourses Régionales Sanitaires et Sociales (BRSS). A la fin de l'AREF, une Rémunération de Fin de Formation (environ 652,02 €) pourra être attribuée
pour la troisième année.

Enfin, si vous ne répondez à aucun critère, très souvent parce que l'AS est démissionnaire, il existe une dernière possibilité de financement, ce sont les prêts personnels ou étudiants. Consultez bien cette dernière possibilité car je l'estime "dangereuse". En effet, selon des critères régionaux à partir d'une année maximum post-bac sans aucune formation, vous êtes considéré comme étant "sorti du circuit scolaire". En l'état, cela veut dire que vous n'avez pas le droit, hors tout financement employeur ou
institutionnel cité plus haut, à la fois, d'un financement total ou partiel du coût pédagogique mais aussi à une rémunération mensuelle... L'emprunt est donc une modalité que je qualifie d'extrême recours tant l'engagement financier est important, surtout pour une formation en soins infirmiers qui coûte au total entre 15 000 € et 25 000 €, somme importante à laquelle il faut rajouter tout un ensemble de frais annexes (Contribution à la Vie Étudiante, livres, équipements, matériels divers...). Par conséquent, emprunter de l'argent pour voler de ses propres ailes risque plutôt de vous les brûler si vous foncez tête baissée... Soyez prudent(e)s !

Comme vous pourrez le constater, durant la formation en soins infirmiers "l'argent ne fait pas le bonheur" mais il y contribue surtout pour avoir l'esprit assez libre, sans tracas financier, afin de se plonger avec efficacité dans les méandres intellectuelles des enseignements théoriques et pratiques qui constituent le second enjeu de l'aide-soignant en promotion professionnelle : le défi personnel.

L'argent est le nerf de la guerre, surtout sur l'autel de la formation en soins infirmiers, puisqu'il faut avoir la capacité financière de rudoyer pendant trois années avec toutes les armes en main, notamment en espèces sonnantes et trébuchantes !

Deuxième défi : la capacité personnelle

Faisant suite à ce premier défi pécunier, qui peut être relevé avec un minimum d'information et d'anticipation, le second enjeu de la promotion professionnelle s'avère être davantage une question de préparation et de capacité personnelle puisque, pour tenir la route de la formation en soins infirmiers, il faut avoir un attelage mental solide prêt à retrouver la route tumultueuse des savoirs pour des AS ayant bifurqué vers le chemin professionnel depuis bien longtemps.

L'AS néo-ESI soucieux de réussir, dès son embardée sur le très dense premier semestre, dans lequel on charge le coffre estudiantin de lourds bagages théoriques, notamment en biologie fondamentale, pourra se replonger avec délice, en amont de la rentrée scolaire, dans les méandres de l'anatomie/physiologie par exemple afin d'avoir une longueur d'avance ! C'est toujours profitable ! De plus, il est inutile de préciser que la formation en soins infirmiers est exigeante de savoirs et que la hauteur de niveau pourra sembler, de prime abord, être un gouffre pour l'AS. Néanmoins, gardez-vous de botter en touche devant ce sentiment qui n'est pas le bon ! Les AS bénéficient d'un moteur, affichant, certes, plusieurs kilomètres, mais bien huilé d'expériences professionnelles qui enrichira leur réflexion et ce quelque soit l'enseignement dispensé !

Troisième défi : la capacité professionnelle

Cette expérience, parlons-en ! Pour l'AS/ESI, elle est tout à la fois : un mieux et moins. En effet, alors qu'il (elle) était un(e) professionnel(le) de santé confirmé(e), il (elle) retrouve un banc d'université, à la même place que les autres et avec un statut qu'il lui faudra apprivoiser : celui d'étudiant(e) en soins infirmiers. Au contraire de ses camarades qui commencent sur une page immaculée, l'AS continue à écrire à la suite de plusieurs chapitres durant lesquels a été construit une image soignante vue par le prisme de l'AS. En institut de formation, on trace un trait, à ligne. Il faudra d'abord "déconstruire" ce modèle et cette pensée de soin sans pour autant balayer la vision soignante. Une introspection professionnelle qui ne doit pas être une pure abstraction de l'expérience mais plutôt être le socle de l'IDE en devenir en fonction de l'AS devenu. Une place à mi-chemin qu'il faut apprendre à maîtriser aussi sur les terrains de stage où la qualité d'AS ne doit pas le (la) mettre en défaut de ses pairs ainsi que de ses futurs pairs parce qu'il (elle) a un pied chez l'un et chez l'autre.... Toutefois, je ne doute pas que ce soit un pas de deux délicat facilement exécutable car l'AS a une qualité il s'agit de l'adaptation. Il faut en faire un bon usage ! C'est le moment !

En institut de formation, on trace un trait, à ligne. Pour l'AS/ESI, il faudra d'abord "déconstruire" ce modèle et cette pensée de soin sans pour autant balayer la vision soignante

En définitive, la promotion professionnelle AS vers IDE est un triple défi qui ne se remporte pas en "rompant" avec sa fonction d'origine, sa vie privée, sa vie sociale. La promotion professionnelle AS vers IDE est, pour celui ou celle qui s'engage sur cette voie, un marathon professionnel où il faut se nourrir de barres de savoirs, de sticks de pratiques mais aussi, et surtout, s'abreuver d'un essentiel... le moral !

Alexis Bataille Aide-soignant, Etudiant en soins infirmiers (2019-2022) @AlexisBatll


Source : infirmiers.com