La santé des étudiants est en danger, faute de moyens et de couverture sociale suffisante. Ils doivent en effet très souvent renoncer à une consultation médicale et à un traitement.
La Mutuelle des Étudiants (LMDE) a créé en 2003 l’Observatoire Expertise et Prévention pour la Santé des Étudiants (EPSE) avec pour objectif de mieux connaître les comportements de santé de cette population en s'appuyant, tous les trois ans, sur une enquête nationale.
En 2011, près de 8500 étudiants représentant l’ensemble des académies ont ainsi répondu à 159 questions autour de 4 grands thèmes : l’état des lieux sanitaire de la population étudiante, l’état des lieux social, l’accès aux soins des étudiants et le regard des étudiants sur la société.
Les résultats de cette troisième enquête font voler en éclat l'idée que la période des études chez les jeunes est « idyllique », mettant clairement en évidence une dégradation de leur qualité de vie. Plus d’un étudiant sur 4 déclarent en effet rencontrer des difficultés « à joindre les deux bouts » pour leurs dépenses courantes, jugeant leurs revenus « insuffisants ».
De plus, les étudiants sont enfermés dans une double dépendance : une dépendance familiale particulièrement élevée (pour 73% des étudiants) et une dépendance au salariat très marquée. 28% des étudiants interrogés déclarent en effet exercer une activité rémunérée. Quant aux étudiants « autonomes », ce sont ceux qui déclarent le plus de difficultés financières.
Un renoncement aux soins...
De plus en plus fragiles socialement, les étudiants subissent donc de plein fouet la hausse du coût de la santé : 34% d'entre eux déclarent avoir renoncé à une consultation médicale et 20% à un traitement pour des raisons financières. Le niveau de remboursement des soins dits « ambulatoires » (les plus pratiqués par les étudiants) est tombé à presque 50 .
La souscription d’une complémentaire santé est donc de plus en plus nécessaire pour bénéficier d’un haut niveau de protection sociale. Pourtant, 19 % des étudiants ne disposent pas de complémentaire santé (6 pour la population générale).
Bien évidemment, la question financière est un facteur majeur de cette absence de couverture complémentaire. Ce constat n'est pas nouveau, déjà, en 2006, Laurent Wauquiez dans un rapport sur la santé et la protection sociale des étudiants1 pointait une absence de réflexion sur la santé des étudiants. Cependant, peu de mesures proposées ont été concrétisées. La possibilité de créer de véritables centres de santé sur les campus n’a pu devenir réalité faute de moyens, idem pour la création d’une aide nationale à la souscription d’une complémentaire santé.
L'enquête révèle par ailleurs un accès trop limité à la prévention. En effet, alors qu’une visite médicale est obligatoire en licence, seuls 32 % des étudiants déclarent en avoir bénéficié. Le manque de moyens des structures de Médecine Préventive Universitaire ne leur permet pas d’assurer leurs missions. Les mutuelles étudiantes souffrent également d’un manque de moyens pour mener à bien leur politique de prévention. De même, les habitudes de consultation médicale des étudiants sont préoccupantes à long terme.
Ainsi, 12% d'entre eux n’ont fait aucune visite chez le médecin généraliste dans les 12 derniers mois et la non consultation de spécialiste est encore beaucoup plus marquée. Ainsi, 57% des étudiantes n’ont pas consulté de gynécologues dans l’année alors que les recommandations sanitaires préconisent une consultation annuelle de prévention. Si ces problématiques touchent l’ensemble des assurés sociaux, leur impact sur les étudiants doit interpeller les pouvoirs publics car la période de la jeunesse est celle de l’acquisition des futures habitudes de santé.
Le moral en berne...
Si les étudiants interrogés déclarent être dans un état d’esprit plutôt bon, toutefois, près de 4 étudiants sur 10 (38 ) expriment un sentiment constant de tristesse ou de déprime dans les 12 derniers mois. Perte d’intérêt pour tout, sentiment de tristesse durant toute la journée… Le mal-être étudiant est une réalité. Par ailleurs, 12 des étudiants déclarent avoir eu des idées suicidaires au cours des 12 derniers mois. Autre réalité, seuls 16 % des étudiants en situation de mal-être (troubles émotifs, nerveux) ont consulté un professionnel de santé, et le médecin généraliste reste le premier recours des étudiants devant le psychiatre ou le psychologue.
De plus, seuls 8% des étudiants interrogés connaissent l’existence des Bureaux d’Aide Psychologique Universitaire (BAPU), structures dédiées à la prise en charge des troubles psychologiques, qui doivent, quoi qu'il en soit, être développés, accessibles dans l’ensemble des villes universitaires et suffisamment dotés pour pouvoir recevoir un maximum d’étudiants Parallèlement, de nouvelles problématiques de santé publique et de prévention comme le trop faible recours au test de dépistage du VIH/SIDA émergent : 66% des étudiants n’ont jamais pratiqué de test de dépistage alors même que les recommandations sanitaires préconisent la réalisation d’un test tous les 6 mois en l’absence de partenaire régulier. L'idée de tests de dépistage d’urgence accessibles dans les Médecine Préventive Universitaire paraît ici indispensable.
Alcool, tabac et autres plaisirs...
Alors que la consommation d’alcool par les jeunes a fait l’objet de nombreux débats ces derniers mois, les chiffres livrent un état des lieux conforme à celui de la société en général : 80% des étudiants ont une consommation d’alcool occasionnelle (1fois par mois ou moins) et majoritairement festive. 73% des jeunes consomment de l’alcool pour faire la fête. Seuls 13 % des étudiants déclarent boire pour rechercher l’ivresse. Concernant le tabagisme, 21% des étudiants déclarent fumer (soit une baisse de 12 points par rapport à 2005) et seuls 13% fument tous les jours.
Les mesures actuellement prises pour réduire la part de fumeurs dans la société semblent cependant très peu impacter les étudiants. Ainsi, seuls 17% des étudiants fumeurs ont baissé leur consommation suite aux différentes mesures de hausse du prix du tabac. Une meilleure prise en charge des traitements pour l’arrêt du tabac serait plus efficace.
Enfin, la consommation du cannabis correspond principalement à une expérimentation plutôt qu’à une réelle habitude. Elle reste majoritairement collective et festive. Si 34% des étudiants a déjà consommé du cannabis au cours de sa vie, seuls 3 % des étudiants déclarent une consommation régulière (1 fois par semaine) et le nombre d’étudiants en consommant quotidiennement est très faible (1,3%).
Une génération sacrifiée...
Le regard des étudiants sur la société est un fait marquant de cette 3ème enquête. En effet, une majorité d’entre eux exprime un malaise : 72% estiment que la société qui les entourent n’est pas favorable à leur génération et 63% pensent que la société actuelle ne leur permet pas de réussir dans la vie. De plus, la période des études est synonyme de précarité pour de nombreux étudiants.
L’allongement de la période d’insertion professionnelle, l’absence de protection sociale et les craintes quant au déclassement sont aujourd’hui une réalité et un facteur d’angoisse. Ces éléments démontrent aussi la nécessité de mener une politique ambitieuse pour l’emploi des jeunes.
Une action ambitieuse de pouvoirs publics est donc plus que jamais nécessaire pour favoriser l’accès aux soins et à l’éducation pour la santé des étudiants.
Note
Webographie
- 3ème Enquête Nationale sur la Santé des Étudiants, LMDE/Ifop, révélé lors des 3e assises de la santé étudiante, Tours, 26 et 27 mai 2011 ; http://www.lmde.com/
Bernadette FABREGAS
Rédactrice en chef IZEOS
Bernadette.fabregas@izeos.com
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