Ce document aborde les aspects théoriques, pratiques et techniques de la mesure de saturation pulsée en oxygène (SpO2). Il s'adresse aux infirmiers, mais également à toutes les personnes susceptibles de l'utiliser dans le cadre de leur activité (ambulanciers, secouristes, infirmiers, aides soignants, médecins…). Il aborde la plupart des aspects directement liés aux appareils de mesure.
Avertissement : Si certaines notions de physiologie sont abordées, elles sont loin d’être exhaustives et le lecteur devra se reporter à des ouvrages spécialisés afin d’obtenir une information complète.
L’utilisation de ce que l’on appelle le plus communément le saturomètre se généralise. D'apparence simple, sa pratique nécessite pourtant quelques connaissances afin d’optimiser les résultats obtenus et d’éviter les pièges. La facilité avec laquelle l’appareil se met en œuvre fait trop souvent oublier qu’il y a des règles à respecter. Les oxymètres de pouls sont de plus en plus utilisés par un personnel qui n’est pas nécessairement familiarisé avec leur fonctionnement.
« […]Il existe un besoin croissant d’éducation des utilisateurs, et les fabricants ont ici un rôle à jouer. […] »1
1. Aspect législatif
A ce jour, la mesure de la saturation n’est soumise à aucune restriction. Le législateur ne cite pas cet acte comme relevant expressément d’une compétence médicale ou infirmière (au contraire de la mesure d’autres paramètres vitaux). Son utilisation est donc libre, même par une personne ne bénéficiant d’aucune formation. Cette situation étonnante reflète le peu de risque de la mise en œuvre de cette technique. En effet, la mesure de la saturation artérielle en oxygène est non invasive.
Son usage est relativement récent2 et cette valeur s’impose désormais comme incontournable au même titre que la fréquence cardiaque, la pression artérielle, la fréquence respiratoire et la mesure de la température.
Concernant les infirmiers, l'utilisation de ce type de matériel s'inscrit dans le Code de la Santé Publique (CSP) avec ces passages : [...] concourir à la mise en place de méthodes et au recueil des informations utiles aux autres professionnels, et notamment aux médecins pour poser leur diagnostic et évaluer l'effet de leurs prescriptions (Art R4311-2).[...] Recueil des observations de toute nature susceptibles de concourir à la connaissance de l'état de santé de la personne et appréciation des principaux paramètres servant à sa surveillance. [...] Surveillance des fonctions vitales et maintien de ces fonctions par des moyens non invasifs et n'impliquant pas le recours à des médicaments (Art R46311-5).
En revanche, il faut se garder d’utiliser cette mesure pour adapter sa conduite : à l’exception du médecin3, nul ne peut, par exemple, décider de se passer d’administrer de l’oxygène, ou d’adapter le débit, sous prétexte qu’il estime que la mesure de l’appareil est satisfaisante.
2. Intérêt de la mesure
Les signes de détresse ventilatoire sont connus : cyanose, sueurs, tachypnée, bruits, utilisation des muscles accessoires… Dès lors, pourquoi utiliser un appareil alors que l'observation clinique du patient devrait suffire ?
Le dépistage d’une hypoxie n’est pas toujours aisé. Des études menées par Comroe et Bothello ont démontré que 47% des praticiens ne décelaient l’hypoxie que lorsque la saturation baissait en dessous de 80%. Pire, 25% d’entre eux ne la reconnaissaient que lorsqu’elle tombait entre 71 et 75%.
La mesure de la SpO2 (voir définition plus loin) permet donc de détecter plus rapidement les carences en oxygène et d’adapter la conduite à tenir. Cependant, il faut y insister, elle ne modifie en rien la conduite à tenir en dehors d’un avis médical ou d’un protocole.
3. Physiologie
Le corps humain a besoin d’oxygène afin d’assurer son fonctionnement normal. Mais il ne suffit pas d’avoir un bon système d’échange au niveau des poumons pour que les cellules reçoivent l’oxygène dont elles ont besoin. Il faut également un système de transport pour l’amener à bon port. Ce rôle de transport est dévolu aux globules rouges4, qui représentent les éléments les plus nombreux dans le plasma sanguin : environ 5 à 6 millions par millimètre cube de sang. Ils sont composés à 33% (ce qui représente environ 300 millions de molécules) par une protéine appelée hémoglobine.
Un globule rouge possède une forme biconcave qui le rend parfaitement adapté à sa tâche. Cette forme lui permet de présenter une surface maximale d’échange par rapport à son volume, afin de distribuer au mieux les gaz (dans le cas qui nous intéresse, l’oxygène). De plus, il a la propriété de pouvoir se déformer afin de s’adapter au diamètre des vaisseaux qu’il va traverser.
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La forme des hématies est optimale
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Elles transportent l’oxygène
Chaque molécule d’hémoglobine porte quatre atomes de fer5, qui peuvent chacun se lier à une molécule d’oxygène. Faites le calcul : 300 millions de molécules d’hémoglobine sur chaque globule rouge, quatre molécules d’oxygène pour chaque molécule d’hémoglobine… Cela signifie que chaque globule rouge est capable de transporter environ un milliard deux cent mille molécules d’oxygène.
Lorsque l’oxygène se lie au fer, le globule rouge est « chargé » en oxygène et prend une couleur rouge vif. On parle d’oxyhémoglobine (oxygène + hémoglobine – Hb02).
Une fois que la « livraison » d’oxygène a été effectuée aux tissus, le globule rouge est quasi déchargé de son oxygène et on parle alors de déoxyhémoglobine (HHb). L'hémoglobine peut revêtir d'autres formes selon la molécule qu’elle va charger. Par exemple, la carboxyhémoglobine sera une molécule chargée de monoxyde de carbone.
La méthémoglobine résulte de l'oxydation de l'atome de fer ferreux de l'hémoglobine pour devenir du fer ferrique. La différence fonctionnelle majeure entre hémoglobine (ferreuse) et méthémoglobine (ferrique), c'est que l'oxygène ne peut plus être délivré aux tissus. La liaison de l'oxygène avec la méthémoglobine est irréversible. L'addition de l'hémoglobine normal et des hémoglobines « anormales » (on trouve 1 à 2% de méthémoglobine même chez un sujet sain) correspond à l'hémoglobine totale.
Cette différence colorimétrique est d’une importance capitale pour la compréhension du fonctionnement des appareils de mesure de la saturation.
En résumé, les globules rouges sont les bus qui vont transporter l’oxygène à bon port. Le saturomètre est l’appareil qui va servir à mesurer le taux de remplissage de ces bus et donc l’oxygénation adéquate des tissus. Cette explication casse l’illustration souvent apportée qui consiste à dire que sur 100 globules rouges, 98 sont chargés en hémoglobine pour une SpO2 à 98%. C’est chaque globule rouge (hématie) qui est chargé à 98% !
On utilise plus volontiers l’image du bus. Chaque hématie est un bus qui peut être plus ou moins plein. Pour une SpO2 à 98%, le bus est plein à 98%.
Il y a deux abréviations à ne pas confondre :
- SpO2 : C’est la saturation de l’hémoglobine en oxygène par oxymétrie de pouls. Le « p » signifie saturation pulsée.
- SaO2 : Mesure de la saturation de l’hémoglobine par prélèvement de sang artériel. Cette seconde technique nécessite un acte pratiqué par un médecin ou un infirmier et n’entre pas dans le cadre de ce document. C’est à l’heure actuelle la seule technique qui permet une mesure fiable et définitive des gaz du sang.
Les valeurs de ces mesures s’expriment en pourcentage.
Les appareils sont le plus souvent appelés « saturomètres », mais on peut également trouver les appellations oxymètres de pouls, ou sphygmo-oxymètres.
4. Les appareils
4.1. Principes de fonctionnement
Les appareils de mesure fonctionnent selon deux principes :
- La pléthysmographie, qui utilise l’absorption des ondes lumineuses pour reproduire les ondes émises par le sang pulsatile.
- La spectrophotométrie, qui mesure l’absorption de certaines longueurs d’ondes de la lumière au travers de substances.
Nous venons de voir que la couleur du sang variait selon son oxygénation, autrement dit, sa saturation. C’est grâce à cette propriété que les capteurs des appareils vont pouvoir déterminer la SpO2.
Le capteur de la sonde contient deux diodes qui émettent deux lumières. L’une est rouge6 et l’autre bleue7 (voir figure ci-dessous).
L’appareil va repérer chaque onde pulsatile artérielle et ensuite déterminer la saturation selon la couleur du sang qui sera déduite en fonction de l’absorption des lumières émises. Il va donc fournir une SpO2, mais également une fréquence cardiaque et un index de qualité de signal8. Chaque seconde, environ 600 mesures sont effectuées et envoyées à un processeur qui effectue l’analyse. Le résultat affiché reflète les 3 à 6 dernières secondes de saturation. Il est mis à jour toutes les demi-secondes.
4.2. Saturation fonctionnelle, saturation fractionnelle
La différenciation des deux termes est importante dans la compréhension du principe de fonctionnement des oxymètres. La saturation fractionnelle s’obtient par la valeur d’oxyhémoglobine (Hb02) divisée par la valeur de l’hémoglobine totale (Hbtotale).
La saturation fonctionnelle en revanche, s’obtient avec la valeur d’oxyhémoglobine divisée par la somme d’oxyhémoglobine et de déoxyhémoglobine, elle ne tient pas compte des hémoglobines anormales.
La plupart des oxymètres actuels utilisés in vivo sont incapables de faire la différence entre les formes anormales et normales de l’hémoglobine. Ils mesurent donc la saturation fonctionnelle. Cependant les algorithmes de ces appareils sont conçus afin de combler cette carence. Ces algorithmes sont inégaux en fonction des marques ce qui explique les variations de mesures observables selon les produits.
Pour comparer les mesures entre saturation fonctionnelle et fractionnelle, il faut utiliser l’équation de conversion suivante
4.3. Les différents types d’appareils
Ils se présentent sous de multiples formes selon l’usage qui leur est destiné. D’un bloc, afin de les appliquer directement sur le doigt, portatifs avec des sondes interchangeables et un fonctionnement sur batterie, ou bien au lit du patient pour une surveillance continue. Ils affichent en général au moins la fréquence cardiaque en plus de la saturation et le plus souvent un indice de qualité de signal.
- Au lit du patient : Ces appareils sont souvent destinés à un usage hospitalier. En service conventionnel, on les trouve à fonction unique afin d’effectuer des mesures à court ou moyen terme. Ils sont alors mobiles car peu encombrants. Selon le degré de performance, ils sont capables de garder en mémoire les alarmes ou encore d’imprimer des résultats de mesure. Certains cabinets médicaux peuvent en être équipés.
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Le Nonin 9600
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Nellcor N-395
- Dans les services de soins intensifs, d’urgence ou de réanimation, la mesure de saturation fait souvent partie d’un ensemble constitué de modules. La mesure peut faire l’objet de traitements complexes ; affichage d’une courbe plethysmographique, indice de perfusion, report d’alarmes sur une centrale à distance.
Ces appareils sont plus volumineux, mais permettent toutefois un transport de courte distance grâce à une batterie.
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GE Dash 3000 Pro
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GE Dash 4000 Pro
- En pré-hospitalier : Selon le degré de médicalisation et les moyens à disposition des prestataires, ils sont également de deux types. A fonction unique pour les plus simples, ils sont peu encombrants et portatifs. Leur taille peut être très réduite9.
Nellcor N-20 avec leurs coques de protection
Les appareils des secours spécialisés ressemblent à ceux utilisés dans les services de réanimation. Ils fonctionnent également en modules et la saturation fait partie d’un ensemble qui comprend en général la mesure de la pression artérielle, un ECG sommaire et éventuellement une EtC0210. La miniaturisation demeure la principale différence avec un appareil hospitalier.
Ce matériel, destiné à être porté au plus près du patient dans n’importe quel type de situation, (pluie, vibrations, chocs) est robuste et autonome.
Le modèle le plus récent de Lifepak : le lifepak 15
Enfin, pour clore la présentation des appareils ont peut citer les oxymètres fœtaux qui permettent de suivre la saturation et le rythme cardiaque d’un enfant in utero.
4.4. Les capteurs
Les capteurs existent sous différentes formes et différentes tailles afin de s’adapter à toutes les situations. Le plus souvent, ils se présentent sous l’apparence de pinces à placer sur un doigt. Il faut impérativement utiliser les capteurs compatibles avec la marque du constructeur sous peine d'exposer le patient à des brulures accidentelles.
Les pinces : Elles sont prévues pour être utilisées sur les mains, sans distinction de qualité entre la droite et la gauche. Elles sont relativement volumineuses et restent parfois difficilement en place si le porteur est agité, ou oublie tout simplement sa présence.
C’est un dispositif réutilisable. Elles peuvent être soit rigides, soit semi-rigides afin de s’adapter au mieux à toutes les morphologies. Leurs bords sont équipés de volets latéraux pour éviter l'arrivée de lumière parasite sur le capteur.
Les pinces autocollantes : Elles se présentent comme des sparadraps avec une face collante pourvue des deux diodes lumineuses. Elles se collent tout simplement de façon à ce que les diodes se trouvent au dessus de l’ongle du doigt choisi. Cette présentation a l’avantage d’être beaucoup plus stable et permet des mesures fiables au long cours. Elle est donc particulièrement adaptée à un usage pédiatrique, néonatal11, ou chez les personnes non coopérantes. Souvent, par souci d’économie, la sonde est réutilisable et seul le dispositif autocollant est changé.
Les pinces à oreilles : Comme leur nom l’indique, elles sont prévues pour effectuer la mesure au niveau de l’oreille. Idéalement, elles se placent sur le lobe, mais elles peuvent également obtenir une mesure sur le pavillon. Elles sont indiquées lorsque le sujet possède une mauvaise circulation périphérique et qu’une mesure au niveau des membres est impossible, ou de mauvaise qualité.
Elles présentent l’inconvénient d’être relativement instables si le patient bouge. Comme les pinces pour les doigts, elles sont réutilisables.
Les capteurs à réflectance se placent sur le front au moyen d’un bandeau ou d’un système autocollant. Plus stables que les pinces à oreille, ils représentent également une alternative efficace à la mesure périphérique sur les membres. Ces capteurs se placent parfois au niveau des ailes du nez.
De tous ces modèles de capteurs, on considère les capteurs digitaux comme les plus fiables12. C’est pourquoi ces capteurs sont fournis par défaut avec les appareils13.
Ces capteurs nécessitent la plupart du temps une désinfection simple à l’aide d’un produit détergeant désinfectant. La présence de composants électroniques sur les sondes ne permet pas le trempage intégral. Les principes de traitement du matériel qui ne peut être immergé sont applicables. Souvent un premier nettoyage afin d’éliminer les souillures, puis l’application d’un désinfectant après rinçage et séchage.
4.5. L’appareil idéal
Il existe une norme applicable à l’utilisation de ces appareils. Il s’agit de la norme NF EN 865 d’avril 1997 publiée par l’AFNOR14 (une norme européenne ayant le statut d’une norme française). De cette norme, mais également par bon sens ! ressortent des éléments importants dans le choix et les fonctions que ces appareils peuvent fournir.
Un appareil performant doit être adapté aux conditions dans lesquelles il va être employé. D’une manière générale, il faut au moins pouvoir disposer d’un affichage visible de jour comme de nuit et dans des conditions climatiques difficiles pour le pré-hospitalier (par exemple, les affichages à cristaux liquides sont fragiles et peu lisibles par grand froid).
Cet affichage doit comporter un indice de qualité de signal numérique et/ou graphique. Celui-ci peut être couplé à un indicateur sonore, qui en plus de renseigner sur la rythmique du pouls, peut selon son intensité avertir d’un changement de valeur de saturation. Si l’appareil est amené à être déplacé souvent, il est préférable de le protéger dans une coque spécifique ou un emballage renforcé.
L’état de charge de la batterie est un plus indéniable qui permet de lever le doute sur un dysfonctionnement de l’appareil. Ces appareils étant destinés à la surveillance continue des patients, ils doivent être munis d’alarmes à valeurs réglables.
Un seul type d’oxymètres semble peu adapté à un usage professionnel : ceux qui se présentent d’une pièce à poser sur un doigt ; ils sont particulièrement sensibles aux artefacts, fragiles et peuvent poser des problèmes d’hygiène et de maintenance (impossibilité de nettoyer ou de changer la sonde aisément).
Adapté pour un usage personnel, ce type d’appareil est déconseillé pour les professionnels malgré son faible encombrement
5. Utilisation en pratique
Tous les appareils disposent de notices d’utilisation et sont simples à mettre en œuvre. Dans la plupart des cas, il suffit de placer le capteur au niveau d’un doigt. Il est donc inutile de s’étendre sur la façon de les utiliser. Il existe cependant un certain nombre de pièges à éviter et d’astuces à connaître afin d’en user de façon optimale.
5.1. Qualité du signal
Il existe plusieurs façons d’évaluer la qualité de la mesure effectuée. Sur les appareils portatifs, l’indice de qualité est souvent représenté par une jauge ou des diodes lumineuses. Plus le nombre de diodes est allumé, meilleure sera la qualité du signal. Le principe est le même pour les jauges qui indiquent une bonne qualité, lorsqu’elles sont à leur niveau maximum.
Une des meilleures façons d’évaluer le signal est de disposer d’une courbe pléthysmographique. L’aspect de celle-ci va renseigner sur la qualité de la perfusion des capillaires et éventuellement sur le problème qui empêche une mesure correcte.
Courbe correcte, signal fiable. | |
Courbe de faible qualité, signal atténué. |
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Interférences électriques. | |
Parasites de mouvements ou mauvaise position de la sonde. |
De par leur mode de fonctionnement15, les saturomètres ont besoin d’un signal de qualité. Le site de mesure doit donc bénéficier d’une bonne perfusion sanguine. Les patients en vasoconstriction, en hypothermie ou présentant des carences circulatoires locales au niveau des membres posent des problèmes de mesure.
Selon les marques, les appareils ont besoin d’un minimum de perfusion afin d’effectuer une mesure.
5.2. Précision des appareils
Même si les fabricants améliorent sans cesse leur matériel, il faut prendre en compte la relative imprécision des mesures. Le taux d’erreur estimé des appareils oscille entre 2% et 3%16 pour des valeurs de mesure comprises entre 70% et 100%. En dessous de ces valeurs, la saturation est évaluée par extrapolation.
La mesure est alors particulièrement aléatoire, le taux d’erreur est souvent supérieur à 10%. En pratique, il n’est de toute manière pas intéressant d’avoir des valeurs exactes à des saturations aussi basses : la conduite à tenir sera identique.
Enfin, chaque marque possède ses propres logiciels d’interprétation et ses propres algorithmes. Ceux-ci sont calibrés pour fonctionner avec un certain nombre de périphériques. Si une sonde incompatible est utilisée, la mesure peut être erronée.
5.3. Artefacts de mouvements
Qu'ils soient générés par le patient ou par l'environnement (par exemple, un transport en ambulance), ils peuvent affecter de façon significative les mesures. Selon les études effectuées, le taux d’erreur sur artefacts de mouvements peut s’élever à 20%17. Ici aussi, les logiciels des fabricants peuvent faire toute la différence, en éliminant par omission les perturbations des mouvements, afin de déterminer une valeur plus exacte. Il n’en reste pas moins qu’il faut se méfier des valeurs de saturation chez les personnes agitées, ou victimes de tremblements.
5.4. Sonde déplacée
Un capteur mal positionné provoque en général une sous estimation de lecture par rapport à la valeur réelle de saturation. C’est un problème rapidement résolu, car le premier réflexe de l’opérateur est souvent de vérifier la position de cette sonde.
5.5. Interférences colorimétriques
Le principe de fonctionnement s’appuyant sur l’absorption des deux lumières émises, tout ce qui peut perturber cette absorption est susceptible de provoquer des erreurs. Le bleu de méthylène par exemple, peut fausser la mesure car il absorbe plus de lumière. Des mesures sous évaluées sont plus facilement rencontrées chez les sujets à peau foncée.
La présence de vernis à ongle dans les tons bleus, verts ou de couleur noire18, provoque une lecture sous estimée. En revanche, les faux ongles n’affectent pas les mesures.
5.6. La lumière ambiante
En présence de lumière fluorescente au xénon, ou simplement lors d’une forte luminosité au soleil, la lecture est perturbée. Le chiffre obtenu sera plus bas que la valeur réelle de la Sp02.
5.7. Œdèmes
Les sujets qui présentent des œdèmes des membres peuvent poser des problèmes de mesure. En effet, dans ces situations, les sondes peuvent présenter des résultats erronés en raison du changement de densité sur le site de mesure.
5.8. Dyshémoglobinémies
Les saturomètres sont conçus pour mesurer le taux d’oxygène associé à l’hémoglobine normale (hémoglobine A). La carboxyhémoglobine19 et la méthémoglobine20 qui sont des hémoglobines pathologiques affectent de façon significative la lecture. Celle-ci sera considérée comme normale alors que les valeurs réelles de Sa02 sont basses et le patient en hypoxie. Le traitement de la méthémoglobine est le bleu de méthylène. On imagine donc assez bien la difficulté d’obtenir une lecture fiable. De sur-estimée, la valeur va passer à sous-estimée. Seule une mesure des gaz du sang par prélèvement direct sera fiable.
5.9. Anémies
En cas de saignement, il ne faut pas être rassuré par un taux de saturation élevé. Selon l’importance des pertes sanguines, le volume total de globules rouges est diminué. Moins de globules rouges signifie moins de vecteurs de transport pour l’oxygène. Par conséquent, si les hématies restantes sont toutes correctement saturées, le patient peut néanmoins être hypoxique. On estime la mesure peu fiable lorsque le taux d’hémoglobine est inférieur ou égal à 5g/dl (ce qui caractérise déjà une anémie conséquente).
5.10. Choisir le site
Les contre mesures à prendre en fonction des limitations sont souvent évidentes. Elles sont listées dans le tableau ci-dessous. Il convient d’ajouter à cette liste trois recommandations : ne pas poser la sonde sur un bras porteur :
- d’un brassard de Pression Non Invasive (PNI)
- d’un artériocathéter
- d’une fistule artério-veineuse
En revanche, il peut être utile de placer ces capteurs sur des membres lésés. La nécessité d'obtenir une onde pulsatile et donc une bonne perfusion périphérique permet également de surveiller la bonne vascularisation du membre. Par exemple, placer la sonde sur un bras fracturé et fraîchement plâtré confirme, si l'onde est pulsatile et de bonne qualité, que la perfusion est bonne en aval de la lésion (ce qui ne dispense nullement de surveiller également la mobilité et la sensibilité).
6. Complications de la technique
Les problèmes liés à la mesure de la saturation sont rares. Certains appareils peuvent perturber la mesure, mais ils sont utilisés dans des cadres bien précis21. Certains traitements sont susceptibles d’exacerber la sensibilité à la lumière. On a noté des cas de brûlures au niveau de l’emplacement de la sonde chez des personnes rendues photosensibles.
L’inconfort lié au port d’une sonde n’est qu’une complication passagère facilement résolue en alternant les sites de mesure. On recommande de changer le site de mesure toutes les 4 heures pour les sondes réutilisables et toutes les 8 heures pour les sondes à usage unique.
Les principales complications ne sont pas dues aux appareils eux-mêmes, mais bien souvent aux utilisateurs. Le saturomètre peut en effet donner un faux sentiment de sécurité. D’une part, les causes d’erreurs de mesure peuvent être nombreuses, d’autre part, la méconnaissance des principes de fonctionnement en fait parfois un outil mal utilisé. Une étude a, par exemple, révélé que 30% des praticiens et 93% des infirmières pensaient que le saturomètre mesurait la Sa0222.
Les alarmes itératives peuvent également poser problème. Un niveau d’alarme trop élevé provoque de nombreuses alertes qui finissent par abaisser le niveau de vigilance. On ignore les alarmes parce qu’elles deviennent habituelles. Les recommandations de la SRLF23 préconisent que le niveau inférieur de la SpO2 soit réglé à 85% chez l’adulte. Cependant, de nombreux utilisateurs préfèrent le régler à 90%, afin de déceler plus précocement un éventuel problème. La règle de départ est d’évaluer le réglage de l’alarme en fonction d’une valeur initiale mesurée chez le patient.
Par exemple, une personne insuffisante respiratoire chronique peut présenter une saturation à 91% sans que cela soit alarmant. Dans ce cas, régler l’alarme à 90% expose l’utilisateur à des déclenchements répétitifs.
Tableau résumé des principaux problèmes et de leurs solutions24
Problème | Conséquence | Solution |
---|---|---|
Mesure anormalement basse | Valeur Sp02 basse |
|
Mouvements parasites du patient | Valeur Sp02 basse, mauvaise qualité de signal |
|
Mauvaise circulation périphérique | Valeur Sp02 Basse, mauvaise qualité de signal |
|
Présence de vernis bleu, vert ou noir | Valeur Sp02 basse |
|
Hypothermie, mains froides | Valeur Sp02 basse, mauvais qualité de signal |
|
Lumière ambiante vive | Valeur Sp02 basse |
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Sujet à peau foncée | Valeur Sp02 basse |
|
Traitement au bleu de méthylène | Valeur Spo2 basse |
|
Anomalies de l’hémoglobine | Valeur Sp02 normale et faussement rassurante |
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Intoxication au CO | Valeur Sp02 normale chez un sujet inconscient |
|
Hémorragie patente ou latente suspectée | Valeur Sp02 normale et faussement rassurante |
|
7. Dernières évolutions
L’avenir de ces appareils est dans des mesures de plus en plus fiables pour des utilisations de plus en plus simples. L’utilisation d’un nombre de longueurs d’ondes plus grand, afin de mesurer la saturation en tenant compte des hémoglobines anormales, entre dans ce champ de recherches.
Enfin, les méthodes d’étalonnage in vivo et in vitro doivent encore se perfectionner, pour que les oxymètres s’approchent de la valeur fractionnelle sans extrapoler par algorithmes.
Grâce à l’utilisation de ces nouvelles longueurs d'onde, les tout derniers appareils sont maintenant capables de proposer des valeurs de SpCO26 et de methémoglobine.
Un atout majeur, en particulier en pré hospitalier. Dans un proche avenir et après mise à jour, des appareils comme le RAD 57 devraient même être capables d'afficher une saturation fractionnelle et donc théoriquement identique à celle qui serait mesurée avec une gazométrie artérielle.
Le RAD 57 capable de mesurer la SpCO
Conclusion
La formation des personnels étant amenés à utiliser ce moyen d’évaluation reste à parfaire. Par une augmentation des moyens diagnostics, l’utilisateur oublie bien souvent de regarder le patient. Les éléments cliniques seront toujours prépondérants face à une simple valeur affichée sur un « scope ». Et c’est bien le patient qu’il faut prendre en charge, pas le saturomètre.
En conséquence, se souvenir qu'un patient qui présente des signes cliniques de détresse vitale -même avec une valeur de saturation normale- doit bénéficier d'une prise en charge adéquate (oxygène à fort débit). L'inconscient, le polytraumatisé, le choqué sont tous des patients qui peuvent avoir une SP02 normale au moment de la prise en charge. L'oxymètre est un outil et non une fin en soi.
Ce document est une adaptation réactualisée de « La mesure de la saturation », publié en 2006.
Notes
1 AFNOR, norme NF EN 865 Avril 1997.
2 Les premiers appareils furent fabriqués et commercialisés en 1975, les tout premiers essais eurent lieu en 1935.
3 Il existe une exception lorsqu’un protocole a été écrit au préalable par un médecin, qui peut autoriser un infirmier ou un infirmier anesthésiste à adapter sa conduite selon la situation (Code de la Santé Publique).
4 Également appelées érythrocytes où hématies.
5 D'où la coloration rouge du sang
6 Longueur d’onde 660nm.
7 Longueur d’onde 940nm soit infra rouge.
8 L’onde pulsatile peut être de qualité variable.
9 Certains ne sont pas plus grands qu’un paquet de chewing-gum
10 Abréviation pour End Tidal CO2. Mesure qui permet de calculer le taux de CO2 expiré par une personne. Elle est par exemple utile pour évaluer la qualité d’une intubation.
11 Dans ces situations, les mesures sont le plus souvent prises au niveau des pieds.
12 0.2 à 1.7% de marge d’erreur.
13 En revanche chez les enfants on ne note pas de différences significatives entre les mesures des différentes sondes.
14 Association Française de NORmalisation. Une nouvelle norme est en projet depuis novembre 2003 (NF EN ISO 9919).
15 C’est par rapport aux pulsations cardiaques (à chaque systole) que l’appareil va réagir.
16 Langton J, Hanning CD, Effect of motion artefact on pulse oximeters, Br J Anaesth 1990; 65: 564-570.
17 Plummer JL, Zakaria AZ, Isley AH, Fronsko RR, Owen H, Evaluation of the influence of movement on saturation readings from pulse oximeters, Anaesthesia 1995; 50:423-426.
18 Les autres couleurs sont moins perturbantes. Il faut cependant se méfier puisque les marques peuvent utiliser des produits variables dans leur capacité à absorber la lumière.
19 Lorsqu’une personne s’intoxique au CO (monoxyde de carbone), celui-ci se lie à l’hémoglobine qui prend le nom de carboxyhémoglobine.
20 La méthémoglobine est une forme d’hémoglobine oxydée qui existe en faible proportion en situation normale. Elle augmente dans certaines intoxications avec des produits oxydants (produits industriels, engrais…) et entraîne une cyanose.
21 Certains appareils de stimulation électrique et bistouris au bloc opératoire.
22 Stoneham MD, Saville GM, Wilson IH, Knowledge about pulse oxymetry among medical and nursing staff, Lancet 1994; 344: 1339-1342.
23 Tableau valable pour des appareils fiables, aux normes et entretenus.
24 Mesure de l’hémoglobine chargée de monoxyde de carbone.
25 Saturation Pulsée en monoxyde de carbone
Bibliographie
- Nellcor Sensors, Pulse oximetry : clinical considerations and recommendations, Nellcor Puritan Benett 2001.
- A.H. Kendrick, Non vasive gas measurments. Pulse oximetry, Dept of Respiratory Medicine, Bristol Royal Infirmary.
- Comroe JH, Bothello S, The unreliability of cyanosis in the recognition of arterial anoxaemia, Am J Med Sci 1947; 214: 1-9.
- Langton J, Hanning CD, Effect of motion artefact on pulse oximeters, Br J Anaesth 1990; 65: 564-570.
- Plummer JL, Zakaria AZ, Isley AH, Fronsko RR, Owen H, Evaluation of the influence of movement on saturation readings from pulse oximeters, Anaesthesia 1995; 50:423-426.
- Stoneham MD, Saville GM, Wilson IH, Knowledge about pulse oxymetry among medical and nursing staff, Lancet 1994; 344: 1339-1342.
- Les recommandations des experts de la Société de Réanimation de Langue Française, Réanim Urgences 2000 ; 9 : 407-12.
- Tablette Nonin Avant 9600, Nonin Medical Inc, 2002.
- Norme AFNOR NF EN 865, avril 1997.
- Elaine N. Marieb, Anatomie et physiologie humaines, DeBoeck Université 1992.
Vincent ELMER HAERRIGInfirmier anesthésiste Diplômé d’étatRédacteur infirmiers.comvincent.elmer@infirmiers.com
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