Pour traiter la douleur provoquée par les soins, l’approche médicamenteuse est souvent privilégiée. La période d’efficacité optimale des antalgiques est variable... Il est donc nécessaire de bien connaître - et comprendre - ces différentes variables afin d'affiner au mieux la stratégie antalgique, la prescrire ou la dispenser. Merci au Centre national de ressources de lutte contre la douleur (CNRD) de partager cet article avec la communauté d'Infirmiers.com.
Cet article est paru sur le site de la CNRD le 27 mars 2014
En vue d’un effet recherché, le maniement de produits possédant une action pharmacologique nécessite de respecter certaines règles : la connaissance de l’état de santé du patient, en particulier ses fonctions rénale, hépatique, cardiaque… et les propriétés intrinsèques du médicament utilisé : effets attendus, période d’efficacité, mode d’élimination... Les antalgiques ou anesthésiques locaux les plus couramment utilisés pour contrer la douleur provoquée par les soins (DPS) au quotidien n’échappent pas à ces règles. La prescription du médecin doit évidemment en tenir compte, mais secondairement, sur le terrain, comprendre et connaître quelques éléments de pharmacocinétique permet aussi au soignant d’optimiser la stratégie antalgique utilisée pour le soin.
Quelques définitions
Résorption
C’est le processus par lequel le médicament passe dans la circulation générale depuis son site d’administration : par exemple, on absorbe un médicament par voie orale, puis il est résorbé par la muqueuse gastro-intestinale.
Forme galénique
Il s’agit de la forme sous laquelle se trouve le médicament, elle intervient dans la solubilisation du médicament, et donc conditionne la résorption obtenue selon la voie d’administration : intraveineuse, orale, rectale, transdermique, nasale, sublinguale...
Rappelons que les formes orales peuvent être « à libération prolongée (LP) » permettant de délivrer une quantité constante de médicament au cours du temps en visant la zone thérapeutique. La libération immédiate (LI) permet la délivrance sans délai de la dose : c’est cette forme qui est utile pour prévenir la DPS.
Pic plasmatique
Il s’agit de la période où la concentration du produit est la plus élevée dans le sang. Il dépend du mode d’administration (unique ou répété), de la voie d’administration, et de la distribution du produit (c’est-à-dire sa répartition dans l’organisme).
Délai d’action
C’est l’intervalle entre l’administration et le début d’efficacité.
Demi-vie
C’est le temps nécessaire pour que la concentration plasmatique diminue de moitié. Elle permet de calculer l’intervalle entre deux prises du médicament pour obtenir la concentration plasmatique souhaitée sur une durée déterminée.
Durée d’action
C’est l’intervalle entre le début et la fin de l’efficacité.
Recommandations et règles d’utilisation
Par conséquent, il est indispensable, avant toute administration médicamenteuse ponctuelle pour un soin douloureux, d’avoir pris en compte les items suivants :
Rechercher les antécédents du patient avant de faire le choix d’une molécule
En particulier pour les traitements morphiniques, évaluer l’état cardio-respiratoire, hépato rénal… (attention aux populations fragiles : nouveau-nés, personnes âgées…).
Choix de la forme galénique
- Si on souhaite un effet général du médicament, il faut l’administrer par voie générale, c’est-à-dire par voir buccale ou parentérale, en fonction des formes disponibles.
- Lorsque c’est possible, on préfère la forme orale et les formes à libération immédiate, plutôt que la forme parentérale, invasive.
- La forme parentérale est utilisée en urgence, ou dans l’impossibilité d’utiliser la voie orale.
- On évite la forme rectale, qui, indépendamment de son acceptabilité médiocre, comporte une résorption et un passage hépatique mal maitrisés et fréquemment variables.
- Bien connaître le délai d’action et la durée d’action (délai d’obtention du pic plasmatique et demi-vie).
- Si on souhaite un effet local, on utilise une forme dédiée : transdermique, collyre, gel… mais attention, une diffusion systémique est toujours possible à partir d’une administration locale.
Respecter les posologies, les intervalles et les délais d’efficacité
Après l’administration d’un antalgique par voie générale ou locale, et avant de réaliser le soin, il est nécessaire de respecter le délai d’action, puis réaliser le soin dans l’intervalle permis par la durée d’action. Cette période est théoriquement comprise entre le pic plasmatique (ou tissulaire) et la demi-vie. Un soin dont la durée s’étendrait au-delà de ces limites nécessiterait d’envisager une ou plusieurs autres administrations, voire le changement pour un médicament à demi-vie plus longue.
L’évaluation de l’intensité de la douleur lors du soin
Cette évaluation se fait avec une échelle validée. On réajuste le traitement antalgique en fonction des scores obtenus. L’évaluation doit être régulière et notée dans le dossier de soins.
En matière de soins répétitifs
Il faut donner le traitement préventif de manière systématique, même en absence de plaintes formulées, si le score de douleur était élevé les jours précédents pour le même soin.
Pour conclure
Penser à expliquer le traitement au patient et à sa famille, surtout lors des soins à domicile, car elle bien souvent c’est elle qui administre le traitement. En prévention de la douleur au moment même du soin, qui correspond à un excès de nociception, les médicaments des paliers 1 et 2 de l’Organisation mondiale de la santé (cf. tableau ci-dessous) sont généralement inefficaces. Dans cette indication, par voie générale, la morphine, palier 3, a une indication, souvent associée à d’autres traitements.
Le tableau qui suit rappelle les délais d’utilisation des produits les plus couramment utilisés en service de soins. Il n’est donc pas exhaustif. Pour des situations inhabituelles ou spécialement douloureuses, il est conseillé d’anticiper le soin en équipe, avec l’aide éventuelle des algologues de l’établissement.
Docteur MAILLARD CNRD - Centre National de Ressources de lutte contre la Douleur http://cnrd.fr
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