Les noyades constituent l’une des urgences les plus dramatiques, entrainant la mort ou de lourdes séquelles neurologiques, en particulier chez l’enfant. La mortalité par noyade chez l’enfant est de 25 à 70 % selon les données.
Définitions
- Noyade : asphyxie aiguë survenant après la pénétration d’un liquide (eau dans la quasi-totalité des cas) dans les voies aérodigestives entrainant une MORT par suffocation.
- Noyade (drowning) : « processus générant une altération respiratoire secondaire à la submersion ou l’immersion dans un liquide ».
On distingue ainsi la victime de submersion quasi noyé = « near drowning »
Epidémiologie
- 2ème cause de mortalité accidentelle chez l’enfant et l’adolescent. 1ère cause de mortalité chez l’enfant de
- 400.000 décès par noyade /an monde (OMS)
- 2ème cause de mortalité USA enfants 1- 19 ans
- 4ème cause d’accident chez l’enfant (traumatismes, intoxications, brûlures)
Noyade domestique (baignoire) chez l’enfant de 6 mois à 2 ans
Piscine chez l’enfant de 5 à 10 ans
Rivière de 18 mois à 4 ans
Mer de 6 à 11 ans
Facteurs de risque : adolescence, convulsion, anomalies cardiaques ECG (QT long), alcool, cannabis…
Physiopathologie
Noyade secondaire par incapacité à réagir au stimulus engendré par le contact de l’eau, avec des causes variées :
- cause médicale telle une crise convulsive, une hypoglycémie, un accident vasculaire cérébral, un trouble du rythme cardiaque survenus dans l’eau ;
- perte de conscience, conséquence d’un traumatisme crânien ou rachidien préexistant à l’inhalation de liquide ;
- syncope secondaire à un traumatisme localisé (oculaire, hypogastrique ou génital) généralement à la suite d’un plongeon, ou à une brutale variation entre la température extérieure et celle de l’eau (syncope thermo différentielle) par hydrocution avec réponse vagale au contact de l’eau froide sur le visage; un accident allergique ou un réflexe muqueux entrainent une syncope.
Accident de plongée : nage en apnée où l’hypocapnie, résultante de l’hyperventilation préalable à l’immersion, supprime la perception du besoin de respirer ou du moins le retarde suffisamment pour que se produise une syncope hypoxique avant la reprise des mouvements respiratoires qui survient alors sous l’eau.
La plongée sous-marine en apnée (syncope hypoxique) ou en scaphandre autonome (toxicité neurologique de l’oxygène, narcose à l’azote, barotraumatisme, problème technique, voire épuisement des réserves d’air comprimé) génère également un certain nombre de noyades avec des problèmes spécifiques surajoutés
La nature de l’agent hydrique a peu d’intérêt en pratique ; on distingue la noyade en
- Eau de mer : hypertonique par rapport au plasma (x 3) hémoconcentration
- Eau douce : hypotonique par rapport au plasma, hémodilution, hypokaliémie, hémolyse
Physiopathologie
Plusieurs mécanismes interviennent : le choc thermique (hypothermie par immersion brutale en eau froide) entrainant une perte de conscience avec diminution de l’activité cérébrale (effet protecteur de l’hypothermie) avec
- Phase 1 : laryngospasme fermeture de la glotte à l’inhalation d’eau (2 mn)
- Phase 2 : ingestion brutale d’eau dans l’estomac
- Phase 3 : hypoxie par ouverture de la glotte et inondation broncho alvéolaire (85%) ou persistance du laryngospasme (noyade « sèche » dans 15 %)
- Phase 4 : anoxie plus ou moins prolongée avec souffrance neurologique (coma, convulsion) puis arrêt cardiorespiratoire conduisant au décès.
Noyade primitive = noyade vraie
- cas nageur /plongeur expérimenté épuisé ou défaillance technique.
- Dans les 2 cas, lutte intense puis asphyxie progressive : la syncope est secondaire.
Syncope primitive, hydrocution, water schock, noyade secondaire
- Choc traumatique (plongeon)
- Syncope réflexe (eau =>VAS)
- Inhibition émotive (E, postprandial)
- Choc allergique (urticaire froid.)
- Choc thermique ou syncope thermo-différentielle (+++ si entrée brutale)
- Accident de plongée
- Crise convulsive.
Les différents stades :
- Stade 1 : aquastress ou « grosse tasse »
- Stade 2 : petit hypoxique
- Stade 3 : grand hypoxique
- Stade 4 : grand anoxique
Phases de la noyade
Apnée réflexe
- fermeture de glotte (spasme laryngé) lors de l'arrivée du liquide dans la trachée => bradycardie extrême vagale => l'arrêt cardiaque (noyé blanc). Si laryngospasme persiste : noyade à poumons secs.
- reprise respiratoire
- inondation broncho alvéolaire avec perte de conscience, convulsions, hypertension, tachycardie, inhalation de particules et/ou de corps étrangers.
- Arrêt respiratoire
- Arrêt circulatoire
Examen clinique
- Signes respiratoires : ventilation +/- efficace; encombrement; Corps étrangers (CE) ; OAP La ventilation peut être efficace ou non. Il existe un encombrement intense avec souvent bronchospasme, possibilité de corps étrangers (CE) et de vomissements déglutis. L'œdème pulmonaire est toujours présent. La Radio Pulmonaire montre en général des opacités à prédominance périhilaire.
- Signes circulatoires : Arrêt Cardio Respiratoire, collapsus, troubles de rythme => ECG, Scope ++++
- Signes neurologiques : obnubilation au coma profond (anoxie), convulsions...
- Signes digestifs : vomissements, distension gastrique (eau de la noyade, déglutition sous l'effet de l'hypoxie, air du bouche à bouche).
- Hypothermie : effet protecteur (fonction de la température de l'eau et de durée de l'immersion) hypothermie majorée chez enfant. Bradycardie (onde J Osborn pathognomonique)
- Signes humoraux
- troubles hydro électrolytiques: hémoconcentration, hyperkaliémie par acidose > hémolyse, ou hypokaliémie par hémodilution et hypothermie,
- acidose mixte,
- hypoxémie,
- hémolyse rare,
- insuffisance rénale rare,
- troubles de la coagulation d’origine multifactorielle (hypoxie, atteinte de la membrane alvéolo-capillaire, hémolyse, sepsis).
Classification clinique
Facteurs pronostiques
Classification | Définition | Mortalité (%) |
---|---|---|
1. | Auscultation N avec toux | 0 |
2. | Auscultation anormale, râles (quelques champs) | 0,6 % |
3. | Œdème pulmonaire aigu sans hypo TA | 5,2 |
4. | Oedeme pulmonaire aigu avec hypo TA | 19,4 |
5. | Arrêt respiratoire isolé | 44 |
6. | Arrêt cardiorespiratoire | 93 |
Source : Szpilman D. Chest 1997 ; 112 660 -665
Évolution
- Durée de la submersion
possibilités de ressuscitation : 7 à 10 mn pour les noyades primitives (arrêt 3 à 4 mn après la submersion et lésions nerveuses définitives 3 à 4 mn après l'arrêt circulatoire).
Délai diminué de 4 mn si hydrocution et augmenté en cas d'eau très froide (10 à 30 mn).
- Rapidité des premiers secours
- Nature de l'eau : eau mer hypertonique
Principalement son caractère pollué ou chloré (?).
Les complications évolutives
Surinfection broncho-pulmonaire, syndrome de Mendelson, complications de la réanimation.
Traitement : 1 noyé sur 5 en ACR (arrêt cardiorespiratoire) peut être ramené à la vie, s’il est correctement traité.
Sur les lieux de l’accident
- Premiers gestes de réanimation : A (Airway), B(Breathing), C (Circulation)
- Respecter l’axe tète cou tronc avec immobilisation
- Poser une sonde gastrique ++++ et assurer une vidange gastrique +++, séchage
- Oxygénothérapie O2 masque à haute concentration et Intubation (séquence rapide) en cas de détresse respiratoire sévère et/ou agitation
- En cas d’ACR : MCE (massage cardiaque externe) prolongé
- Voie veineuse ou intraosseuse (enfant) et traitement du choc par amines (adrénaline, vasopressine)
- Lutte/ contrôle de la volémie
- Traitement des convulsions : midazolam, Phénytoïne
- Transport médicalisé (SAMU) vers l’hôpital (risque d’OAP secondaire)
- Groupe 1 : aquastress
La victime n ‘a pas inhalé d'eau : dextro, surveillance 24 h Hôpital
- Groupe 2 : petit hypoxique
L'eau a pénétré dans l'arbre respiratoire : toux + gène respiratoire, râles pulmonaires, conscience normale. Vidange gastrique, O2 au masque, surveillance 48 h en soins intensifs (surveillance de la fonction respiratoire)
- Groupe 3 : grand hypoxique
Détresse respiratoire nécessitant une intubation trachéale et ventilation artificielle
- Groupe 4 : anoxique
Arrêt circulatoire: Défibrillation externe possible, furosémide 0,5 mg/kg IV chez l'adulte, protection cérébrale.
Traitement ultérieur
- Si autonomie respiratoire : O2 et position ½ assise
- Si asymptomatique : surveillance de 24h (risque d’OAP secondaire)
- Symptomatique : O2, ventilation au masque facial, lutte contre l’hypothermie, antibiothérapie à large spectre (augmentin)
Conclusion
Une prévention des accidents de piscine, la qualité et la rapidité des premiers secours ainsi qu’une réanimation prolongée permettent d’améliorer le pronostic des noyades.
Webographie
- http://www.who.int/violence_injury_prevention/other_injury/drowning/en/index.html
- http://www.cdc.gov/injury/wisqars/index.html
- http://www.invs.sante.fr/publications/index.html
- http://www.inpes.sante.fr/
- http://www.croix-rouge.fr/Je-me-forme/Particuliers/Les-accidents-de-l-ete/Noyade - http://www.calyxis.fr/
- http://www.vhct.org/case699/index.htm
- http://www.adrenaline112.org/
Bibliographie
- Mercier L., Rondeau N., Ronchi L. Noyades. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-030-G-10, 2007.
- DU de gestes d’urgences en pédiatrie. Pr Denis Oriot. CHU Poitiers
Eric REVUE Rédacteur infirmiers.com ericrevue@yahoo.fr
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