Une étudiante en soins infirmiers (L1) à Saint-Etienne, a effectué un stage dans service de chirurgie. Une situation particulière l’interpelle : un pansement mal réalisé sur le pied d'une patiente qui va être amputé suite à une escarre talonnière de stade 4. La réflexion qui en résulte a mis à l’épreuve ses connaissances théoriques en hygiène et elle nous fait part de son étonnement et de ses réflexions.
L'étonnement ou comment des étudiants en soins infirmiers racontent leurs premiers questionnements en stage
Formatrice et formateur dans un institut de formation en soins infirmiers Croix-Rouge à Saint-Etienne, Zohra Messaoudi et Christian Teyssier ont demandé à leurs étudiants de 1ere année, dans le cadre de l'unité d'enseignement Hygiène et infectiologie (UE 2.10) de réaliser une analyse de situation à partir d'un étonnement vécu lors de leur premier stage. Dans la continuité des trois premiers textes que nous avons publiés en 2015 , textes jugés parmi les plus pertinents par leurs enseignantes, puis d'une nouvelle série déployée en 2016 , suivis de nouvelles publications en 2017 , de nouveaux étonnements s'offraient à nous en 2018 . Continuons de découvrir celles qui ont été vécues en 2019 ! Et pour sûr encore en 2020 !
Merci pour ce partage, il serait en effet dommage que ces riches réflexions de profanes restent anecdotiques.
J’ai effectué mon stage dans un centre hospitalier de Saint-Etienne, en service de chirurgie où les spécialités retrouvées étaient l’urologie vasculaire, la neurochirurgie, l’ORL et l’ophtalmologie. Le service pouvait accueillir 52 lits pour des séjours de courtes durées compris entre 1 et 5 jours en moyenne. Le personnel de service était composé de 19 médecins, une cadre de santé, 8 aides-soignants, 3 agents de service hospitalier et 10 infirmières. On pouvait également y retrouver d’autres professionnels comme des diététiciennes, des kinésithérapeutes, des assistantes sociales, des psychologues ainsi qu’un dispositif de soutien à l’annonce.
La moyenne d’âge des patients était variée, pouvant aller d’enfants en bas âge souvent pour des opérations d’ablation d’amygdales ou de végétations à des personnes plus âgées pour des interventions de vessie, de rachis, des amputations ainsi que des patients trachéotomisés.
La situation interpellante...
La situation que j’ai décidé de décrire pour la validation de l'UE 2.10.S1 (travail écrit individuel d'analyse d'une situation rencontrée en stage) concerne les règles d’hygiène observées lors d’un pansement d'escarre. Ce matin-là, à 7h lors de la relève, nous parlons de Mme L. Agée de 64 ans, elle est diabétique, souffre d’hypercholestérolémie et est dialysée trois fois par semaine. L’infirmière qui nous fait la relève nous explique qu’elle souffre d’une escarre de stade 4 au pied droit et que le chirurgien a confirmé l’amputation de ce pied. Lors de notre tour du matin, nous arrivons à la chambre de Mme L, l’infirmière me demande de lui prendre ses constantes. Je m’exécute et constate que la patiente a le regard dans le vide, le teint gris et les lèvres violacées. Nous essayons d’établir un contact avec elle, en vain. Elle ne répond pas, ne nous regarde pas. L’infirmière vérifie le pansement de l’escarre et décide alors de lui refaire. Elle me demande d’aller récupérer un chariot avec un set de pansement, de l’eau stérile et des bandes. A mon retour, avec le matériel nécessaire, elle commence le pansement. Elle humidifie les compresses avec l’eau, retire l’ancien pansement et là nous découvrons l’escarre de Mme L. au talon, les orteils sont aussi nécrosés et de couleur noire. L'infirmière commence alors une superposition avec les compresses humidifiées d’eau stérile sur le talon et au moment de se retourner pour prendre la bande, le tas de compresses positionné sur le talon tombe au sol, l’infirmière le ramasse avec sa pince et le repositionne sur l’escarre. Puis, elle continue son pansement, place sa bande et laisse les orteils à l’air comme cela avait été fait précédemment. Lorsque nous sortons de la chambre, je lui demande si il n’aurait pas été préférable de prendre de nouvelles compresses au lieu de ramasser celles tombées au sol. Réponse de l'infirmière : c'est un pied qui va être amputé, alors ce n’est pas grave
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Nous pouvons donc nous poser les questions suivantes : qu'est-ce qu'une amputation ? Faut-il négliger les règles d’hygiène lorsqu’il y a une amputation de prévue ? Quels sont les risques encourus par la patiente suite à cette action ?
Quid de l'escarre...
Les escarres du talon sont très douloureuses, et peuvent limiter sévèrement la mobilité, voire même conduire à des amputations chez les patients atteints de diabète.
D’après le cours de notre enseignante sur les escarres, celle-ci est survenue suite à des facteurs intrinsèques tels que l’immobilisation prolongée de la patiente. En effet, Mme L. est alitée et ne peut être mobilisée. Elle est dans le refus de soins et même d’alimentation ; la dénutrition étant également un facteur favorisant, la pose d’une sonde de jéjunostomie pour alimentation entérale par laparotomie était prévue. Son diabète est également un problème car, souvent, ces patients ont une mauvaise circulation sanguine. L'escarre talonnière était de stade 4 avec exposition osseuse et les soins apportés n’avaient aucun effet. La patiente disposait d’un matelas à support dynamique à pression alternée et la décision du chirurgien fut l’amputation afin d’éviter que l’infection ne se propage dans les tissus mous et les os.
D'après le dictionnaire Larousse, une amputation est l'ablation d'un membre ou d'un segment de membre. Mais quel est le rapport entre le diabète et l'amputation ? Le diabète survient lorsque l'organisme ne parvient pas à utiliser son principal "carburant" : le glucose (le sucre). Normalement, le processus de la digestion permet au glucose de rejoindre la circulation sanguine. Le taux de sucre augmente, ce qui stimule le pancréas. Cet organe libère alors une hormone, l'insuline, qui permet au glucose de pénétrer dans les cellules de l'organisme. Une partie du sucre est immédiatement utilisée comme combustible par les tissus, le reste est stocké dans le foie. L'action de l'insuline permet donc de rétablir un taux de sucre normal dans le sang. Lorsqu'il existe une défaillance dans la production d'insuline, on parle de diabète de type 1; un défaut d'assimilation du sucre par les cellules correspond à un diabète de type 2(fréquent chez les personnes ayant une alimentation trop sucrée, une surcharge pondérale et étant sédentaires). Quand le diabète est mal régulé durant une trop longue période, le sucre en circulation dans le sang provoque le rétrécissement des artères (artérite diabétique). Une diminution de l'apport en oxygène lèse peu à peu certains nerfs (neuropathie), entraînant une perte de sensibilité nerveuse. Le rétrécissement peut également atteindre des vaisseaux sanguins de petits calibres (des artérioles) qui sont répartis entre le genou et les orteils ; ici, la diminution d’oxygénation empêche la cicatrisation. Ne ressentant plus la douleur, le patient ne s’inquiète pas des différentes lésions qui peuvent apparaître à la surface de ses membres. La cicatrisation ne s'effectuant pas, l'infection progresse, de plus en plus rapidement. Une gangrène peut alors débuter. Et si rien n'est fait à temps pour rétablir la circulation des zones asphyxiées, l'amputation sera inévitable. En France, le diabète est à l'origine de complications redoutables parmi lesquelles près de 8 000 amputations par an, selon une étude publiée dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH).
Les règles d’hygiène lors d’un pansement doivent être respectées...
Le chirurgien qui allait procéder à l’amputation était le docteur V., il travaillait dans ce service depuis 8 ans. Entrant dans la salle de soins pour faire quelques points sur certains patients avec les infirmières, j'en profitais, lorsqu’il eût terminé et qu’il se trouva dans le couloir, pour lui poser quelques questions sur les précautions d’hygiène à adopter sur un membre qui allait être amputé. Il me répondit simplement que les règles d’hygiène était les mêmes que sur un membre qui n’allait pas l'être. Je précisai alors ma question au sujet du pansement que j'avais observé et notamment la chute de compresses au sol. Il me répondit alors : les règles d’hygiène pour un pansement sur un membre avant amputation ne changent pas, sinon à quoi bon refaire le pansement
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Les règles d’hygiène lors d’un pansement doivent donc être respectées afin d’éviter toute infection comme vu lors de notre TD en infectiologie et hygiène (2.10). Comme indiqué dans le cours sur les précautions standards, l’hygiène est une branche de la médecine qui étudie les moyens de maintenir l’être humain en bonne santé en le protégeant des maladies. En milieu de soins, l’objectif est de prévenir la survenue d’infections associées aux soins en appliquant des procédures d’hygiène de base complétées selon les besoins (certaines activités cliniques, patients à risque) par des mesures spécifiques (ex. Précautions Complémentaires d’Hygiène PCH).
Les procédures d’hygiène de base doivent être respectées par l’ensemble des professionnels de santé. Elles reposent sur une application rigoureuse, en routine, de l’hygiène des mains et des précautions standard lors de l’exposition à des produits biologiques ou lors de contact avec des muqueuses. C’est un ensemble de pratiques à respecter systématiquement pour tout patient, quel que soit son statut infectieux connu ou présumé. La cause d'infection d'une plaie est une bactérie la plupart du temps. Le staphylocoque est la bactérie la plus fréquemment retrouvée. Désormais, réaliser des prélèvements n'est pas recommandé en systématique car cela n'aide en rien la prise en charge. Les symptômes d'une plaie infectée sont la chaleur, la douleur et la rougeur de la plaie. En cas d'infection plus avancée, on retrouvera un écoulement purulent. Le meilleur traitement est de laver la plaie, la désinfecter. En cas d'infection avérée, le médecin peut prescrire des antibiotiques, en crème ou en comprimés.
Pour conclure
Les règles d’hygiène en globalité sont primordiales et obligatoires lors d’un pansement sur n’importe quel type de plaie ; c’est à ce moment-là que les facteurs d’infection augmentent et cela peut avoir de graves conséquences pour le patient. Les décisions des chirurgiens sur la suite chirurgicale du patient ne doivent pas faire déroger aux règles de précautions standards en matière d’hygiène. En France, un patient sur vingt est atteint d’une infection nosocomiale, soit plus de 15 000 personnes, selon les données de l’Institut de veille sanitaire. Un pourcentage qui n’a malheureusement pas diminué depuis 2006…
Bibliographie
- Cours sur les escarres UE 4.1
- Cours Module hygiène sur les précautions standards UE 2.10
- Site internet www.docteurclic.com
Etudiante en soins infirmiers
ESI L1 (2018/2021)Croix-Rouge Formation Rhônes-Alpes, Saint-Etienne
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