A l’heure où les préfets réquisitionnent des étudiants infirmiers de 3ème année et des cadres formateurs en IFSI (Institut de Formation en Soins Infirmiers), de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer cette mesure juridique et évoquent même une éventuelle désobéissance civile.
En effet, des pétitions circulent sur internet comme celle des étudiants infirmiers de la Loire adressée à Madame Bachelot, Ministre de la santé et des sports 1.
Cette pétition met en cause la nécessité et la légitimité d’un tel dispositif mais critique également le mode opératoire et la méthode. Les étudiants des IFSI de la Loire mais pas seulement, dénoncent une telle réquisition dans une troisième année charnière et déjà bien chargée entre évaluations théoriques, pratiques et mémoire de fin d’études.
Ils dénoncent aussi le fait de ne pas être rémunéré dans le cadre de la réquisition (considérée comme un stage de santé publique) en rappelant qu’au 21ème siècle les infirmières et par extension les étudiants infirmières ne sont plus des bonnes sœurs.
Sur de nombreux forums d’étudiants infirmiers, la polémique enfle et les étudiants expriment de vraies inquiétudes face à cette réquisition et à ses possibles conséquences.
Le manque de recul sur les éventuels effets secondaires du vaccin et notamment du squalène contenu dans l’adjuvant bien que l’AFSSAPS ne note aucun effet secondaire majeur et prévalent à l’heure actuelle2 ou encore le fait que la personne qui prépare ne soit pas celle qui injecte ce qui est contraire aux recommandations professionnelles sont autant de questionnements éthiques soulevés par les étudiants.
Il faut d’ailleurs noter qu’une grande majorité d’étudiants infirmiers, tout comme leurs pairs, ne sont pas vaccinés contre la grippe A ni même contre la grippe saisonnière malgré des exhortations ministérielles et institutionnelles massives.
Certains étudiants soulignent malgré tout la belle expérience humaine que cela représente et l’expérience supplémentaire qu’il est possible d’acquérir à travers cette campagne.
C’est donc dans un contexte relativement difficile et explosif qu’intervient la réquisition par les préfets forcée par le manque évident de volontaires, professionnels ou étudiants, qui non seulement ne veulent pas se faire vacciner mais ne veulent pas non plus vacciner la population contre une grippe qu’ils considèrent comme très contagieuse mais peu dangereuse en général.
Rappelons que la réquisition est un acte légal (art. L.3131-8 du CSP) par lequel une autorité exige un service ou un bien d’une personne ou d’un groupe de personnes, elle peut être « volontaire » ou « forcée », dans ce cas là, des poursuites judiciaires peuvent être engagées en cas d’inexécution de l’ordre donné, cependant la réquisition apporte également une couverture assurantielle et juridique renforcée par l’état.
Cette réquisition, en vertu de la loi du 5 mars 2007 sur la préparation du système de santé aux menaces sanitaires de grande ampleur prévoyant un dispositif dénommé "plan blanc élargi", des étudiants infirmiers dans le cadre de la pandémie de grippe A H1N1 a pour but « de miser sur le potentiel étudiant pour préserver l’offre de soins en période de tension » 3.
Cette période de tension s’explique par la contagiosité importante de ce virus (augmentation de 80% des consultations aux urgences pédiatriques, + 55% de consultations chez les médecins généralistes, + 22% aux urgences adultes4 s’ajoutant à la pénurie infirmière et médicale actuelle en France mais aussi aux restructurations liées à la nouvelle gouvernance du plan Hôpital 2007 et plus récemment à la loi HPST (hôpital, santé, patient, territoire).
Chez les cadres formateurs, les réquisitions, dans une période difficile avec le chevauchement du programme 1992 et du programme 2009 et l’investissement supplémentaire qu’il induit avec la multiplication d’activités pédagogiques encadrées (plus de travaux dirigés et des travaux personnels guidés), est aussi plutôt mal vécue.
C’est donc les étudiants infirmiers de 3ème année (ayant validé la deuxième année de formation) et les cadres formateurs en IFSI qui se retrouvent en première ligne de ces réquisitions comme le stipule l’arrêté ministériel du 4 Novembre 2009 toutefois cette éventualité avait été évoquée dès début octobre par le ministère.
Ces réquisitions, qui se passent par vacations de 4 heures du lundi au samedi de 9h à 20h, imposent la présence de deux IDE (infirmiers diplômés d’état) et 2 deux ESI (Etudiants en soins infirmiers) ainsi que d’un ou deux médecins et du personnel administratif par vacation.
Les modalités de réquisitions, qui dépendent des départements et des décisions préfectorales, sont donc inégales. A titre de comparaison, dans la Loire (42), les étudiants sont réquisitionnés pendant une semaine à raison de 8 heures par jour alors que dans le département des hauts de seine (92), les étudiants seront probablement réquisitionnés sur 1 à 2 vacations pour le mois.
Aux vues de ces éléments, cette mesure légale de réquisition pleinement ancrée dans la pratique infirmière risque donc d’être une première expérience professionnelle amère pour un certain nombre d’étudiants infirmiers à la veille du diplôme d’état.
Notes
- http://www.mesopinions.com/
- Bulletin N°1 – Suivi de pharmacovigilance des vaccins grippaux A H1N1 du 09/11/2009
- Document ministériel : Mobilisation des professionnels de santé datant du 01/10/2009
- France info.fr daté du 29/10/2009
Mickael Perchoc
Etudiant en soins infirmiers – 3ème année
mickael.perchoc@gmail.com
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