En Congrès à Reims, du 4 au 7 octobre derniers, les étudiants de la Fnesi ont montré, une fois encore, leur détermination à devenir maîtres de leur avenir avec deux affirmations majeures : une intégration universitaire complète et la création d’une discipline en sciences infirmières.
Il est réjouissant et surtout rassurant d’observer les étudiants en soins infirmiers... Certains les disent désabusés, théoriciens et peu praticiens, désengagés face à leur avenir, loin des réalités économiques, passifs... Il suffit de venir écouter leurs débats et leurs prises de position au cours du congrès annuel de la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnesi), cette année à Reims, pour en être convaincus : les étudiants ont la gnaque... Ils pansent certes et pensent aussi ! Et c’est franchement une bonne nouvelle d’observer une si belle motivation pour faire évoluer leur formation et dessiner les contours d’un métier infirmier qui se doit d’évoluer pour affirmer sa place essentielle au cœur des politiques de santé du 21e siècle.
Pour Ève Guillaume (L3 à l'Ifsi de Nancy), présidente reconduite lors de l’Assemblée générale de la Fnesi, avec un projet fort intitulé « Pour une formation infirmière moderne, active et évolutive », « il est aujourd’hui évident que notre intégration universitaire doit être une réalité concrète avec les conditions sociales qui vont avec, et que la création d’une discipline en sciences infirmières s’impose si nous voulons défendre la qualité de notre formation, notre cœur de métier et les compétences qui s’y rattachent ».
« Pour une formation infirmière moderne, active et évolutive », la profession de foi d’Ève Guillaume, présidente de la Fnesi.
Les débats nourris lors de ce congrès ont permis d’expliciter ces différentes problématiques en donnant des points de vues différents, parfois concordants, mais pas toujours, ce qui a ajouté de l'animation aux échanges...
Lors de la première table-ronde « 20 ans après, ESI si nous étions égaux aux étudiants de l’enseignement supérieur », la Fnesi a défendu une ligne de conduite sans appel : « on veut être à l’université et dès maintenant », ce à quoi la représentante du ministère de la Santé, Michèle Lenoir-Salfati, a répondu : « ce modèle est en discussion car les infirmiers ne sont pas les seuls acteurs. Il faut s’assurer que l’université a les moyens d’intégrer des formations paramédicales et quel modèle pédagogique peut être initié ». De son côté, Joëlle Kozlowski, présidente du Comité d’entente infirmières et cadres (CEFIEC), s’est montré très prudente sur l’évolution de la formation en soins infirmiers, rappelant « le poids de l’histoire » que personne ne peut ignorer... Un bilan et une évaluation de la réforme de 2009 est attendu d’ici à la fin d’année de la part du ministère de la Santé, affirmant d’ores et déjà par la voix de Michèle Lenoir-Salfati que « les diplômés de juin 2012 sont de bons infirmiers » dès fois que certains en douteraient... Bref un « wait and see » que les étudiants en soins infirmiers ne veulent pas entendre !
« Acceptons qu’une évolution soit une évolution de la profession pouvant contribuer à une amélioration de la qualité, de la quantité et de la répartition des soins offerts » a affirmé Odessa Dariel.
Lors de la deuxième table-ronde intitulée « L’infirmière dans une dimension internationale, perspective d’ouverture d’une profession en demande d’évolution », les débats et la réflexion se sont enrichis de belles contributions venus notamment d’outre-Atlantique, histoire de concrétiser de nouveaux parcours servis par des professionnels exemplaires...
Odessa Dariel, docteur en soins infirmiers, chercheure (École des Hautes études en santé publique – EHESP) l’a affirmé d’emblée : « Acceptons qu’une évolution soit une évolution de la profession pouvant contribuer à une amélioration de la qualité, de la quantité et de la répartition des soins offerts. Pour moi, le terme évolution comprend les quatre domaines des sciences infirmières : la clinique, la formation, le management/la gestion et la recherche. » Elle a rappelé la nécessité de « pouvoir définir, examiner et évaluer le coût de nos activités et leurs résultats sur la santé de nos patients. Ceci demande des recherches sur l’efficacité des interventions infirmières mais aussi de la recherche sur la profession et le système de santé, apportant ainsi des résultats aux décideurs. »
De son côté Odette Roy, docteur en soins infirmiers, professeure associée à la faculté des sciences infirmières de l’université de Montréal, adjointe à la directrice des soins infirmiers et de la prestation sécuritaire des soins et des services Hôpital Maisonneuve-Rosemont, responsable et chercheure du Centre d'excellence en soins infirmiers et administratrice du SIDIIEF - autant de titres à la hauteur du personnage - a apporté son regard de clinicienne au débat. Elle a en effet rappelé que la Déclaration de Genève, présentée en mai 2012, lors du congrès du Sidiief « souligne que chaque fois que le nombre d’infirmières détenant une formation supérieure augmente de 10 %, les risques de mortalité ou de complications pour les patients diminuent de 5 %. En plus des changements qui affectent les systèmes de santé et la pratique infirmière, il semble bien que l’accès à la formation universitaire se justifie aussi pour des raisons de sécurité des patients ». Avec un enthousiasme communicatif, un leadership affiché et une perception fine des mutations à venir mais aussi - et surtout - des positions à défendre, elle rappelé la nécessité de conserver à tout moment de la formation universitaire en trois cycles (bachelor, master, doctorat) ses « arrimages infirmiers » et les savoirs et compétences qui vont avec. « J’ai toujours combiné travail et études. Une situation clinique me conduit à des questionnements de recherche et me pousse à aller plus loin ». Face à cette profession de foi, les arguments de Michèle Lenoir-Salfati, représentante du ministère de la santé, ont parus bien maigres et surtout balbutiants à l’heure où, en France, différentes notions dans l’univers infirmier peinent à trouver une définition claire : transferts de compétences, coopérations interprofessionnelles, pratiques avancées, nouveaux métiers, praticiennes, cliniciennes...
Chaleureusement applaudies à l’issue de cette table-ronde, par une standing ovation, les infirmières chercheures ont apporté une preuve sans appel de l’efficacité d’une formation universitaire. Pour les étudiants français, « le changement c’est donc maintenant !»
« J’ai toujours combiné travail et études, a expliqué Odette Roy.
Une situation clinique me conduit à des questionnements de recherche et me pousse à aller plus loin »
Pour conclure, Jonathan Catineau (3e A à l’Ifsi de Montluçon), trésorier de la Fnesi, a exhorté les étudiants en soins infirmiers à se mobiliser et à prendre en mains leur avenir. Son message est explicite : « Ils vous pensent amateurs : soyez professionnels ! Ils vous pensent gentils : sachez être méchants ! Ils vous pensent peu représentatifs : montrez que beaucoup d'étudiants sont derrière vous ! ». Message repris par Eve Guillaume : « Tout seul on va plus vite mais ensemble on va plus loin ! ».
Souhaitons donc une belle route aux étudiants en soins infirmiers qui leur permettra de bâtir la formation que mérite aujourd’hui la profession infirmière et à la hauteur des espérances de chacun. Elles sont nombreuses et permettront, sans nul doute, de répondre aux grands défis de santé de demain.
Bernadette FABREGAS
Rédactrice en chef Infirmiers.com
bernadette.fabregas@infirmiers.com
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