En juin 2017, Marjorie Delvallez, alors étudiante en soins infirmiers à l'Institut de Formation en Soins Infirmiers du centre hospitalier d'Arras - promotion 2014-2017 - a soutenu avec succès son travail de fin d'études sur la thématique suivante : L’humour face à l’anxiété pré-opératoire « Faites de beaux rêves » Elle souhaite aujourd’hui le partager avec la communauté d’Infirmiers.com et nous l'en remercions.
Voilà comment Marjorie nous explique le choix de sa question de recherche. « Ma situation se déroule vers 10h, lorsque j’accueille Monsieur T., 18 ans, grand sportif et qui va bénéficier d'une cure de pseudarthrose du scaphoïde gauche. Je me présente et je lui demande s’il est bien installé car il est en position demi-assis dans son brancard. Il me répond que oui car cette position lui permet de voir ce qui se passe autour de lui. Je prends son dossier pré-anesthésique afin de réaliser les vérifications de rigueur et l’identitovigilance en m’appuyant sur la Check-List de la Haute Autorité de Santé. Suite à quoi je m’informe sur le motif de l’intervention de Monsieur T.
Il m’explique brièvement son histoire et espère que tout ira mieux par la suite car il voudrait réaliser une licence de STAPS après le lycée. Je lui explique que tout cela reste possible et qu’il verra en fonction des suites opératoires. Monsieur T n’a pas d’antécédents médicaux et chirurgicaux, il passe pour la première fois au bloc opératoire. Au regard de son intervention sous anesthésie générale, je vérifie également qu’il est bien à jeun.. Il me dit que oui puis me demande combien de temps il va être endormi et exprime sa peur de ne pas se réveiller. Je lui explique qu’il sera sous anesthésie le temps de l’intervention puis ira en salle de réveil. Il me répond d’un hochement de tête mais manifeste une certaine inquiétude. Je finis par vérifier son dossier, son bilan sanguin puis explique à Monsieur T que je vais lui poser une voie veineuse périphérique pour l‘injection des médicaments pour l’anesthésie et les douleurs.
Après avoir préparé mon matériel, je retourne auprès du patient avec un infirmier. Je m’assois au niveau du bras droit du patient et installe mon matériel. Il me signale qu’il n’aime pas les prises de sang et me demande si la « piqûre » va faire mal. Je lui explique que ça peut seulement picoter quand l’aiguille entre mais qu’il ne sentira plus rien après. Lorsque je prends sa main, je remarque que celle-ci est moite et qu’il tremble. Je lui propose alors d’allonger un peu plus le brancard et de tourner la tête pendant le soin afin d’éviter de majorer son anxiété.
Lors du soin, j’amène la conversation sur le sport qu’il pratique afin de le détendre et focaliser son attention sur autre chose. J’apprends qu’il fait du football et il se met à parler de son équipe préférée avec l’infirmier pendant que je termine mon soin. La voie veineuse périphérique posée, je lui demande s’il a des questions avant de partir au bloc opératoire. Il me dit avoir peur de ne pas se réveiller, peur d’avoir mal après l’intervention. J’explique à Monsieur T qu’il aura des médicaments pendant l’intervention pour ne pas avoir mal et que s’il présente des douleurs en salle de réveil il pourra en demander davantage.
Son visage reste crispé, ses yeux pétillants et ses mains tremblantes. L’infirmier s’approche du patient et de moi-même et dit alors : « Concernant l’anesthésie il ne faut pas avoir peur, il faut juste penser à une belle fille avant pour faire un beau rêve ». Un sourire s’esquisse instantanément sur le visage du patient qui s’exclame : « Mais si j’ai toujours mal après l’intervention, j’aurai une belle fille pour m’aider ? » Ce à quoi l’infirmier rétorque : « Ben… faudra profiter de vos copines du lycée pour qu’elles vous aident … ». Je pris part à cet échange en m’exclamant sur le ton de l’humour : « Il ne faudra pas trop profiter non plus… sinon je leur dirai que vous faites exprès d’avoir mal ! ». Nous rions tous les trois, le visage de Monsieur T est plus détendu et expressif.
L’infirmier nous quitte en expliquant à Monsieur T de ne pas hésiter à nous solliciter s’il a d’autres questions. Le temps que je reprenne tout mon matériel, un infirmier du bloc opératoire est arrivé pour amener Monsieur en salle d’intervention. Tout en souriant, je lui dis « Faites de beaux rêves », ce à quoi il répondit : « Oui, à tout à l’heure » avec un sourire aux lèvres.
L'humour peut-il être utilisé sans enfreindre l’éthique professionnelle ?
Dans la situation, nous nous situons en phase pré-opératoire avec un patient manifestant de la peur et de l’anxiété face à l’approche de son intervention. Le bloc opératoire est rarement synonyme d’humour, de joie et de rire. Cependant les soignants ont permis de détendre le patient avant de partir en salle d’intervention.
Dans un premier temps, je me situe seule avec le patient. J’essaye de le rassurer en répondant à ses questions et en lui expliquant le déroulement de son intervention. Cependant, il demeure assez inquiet. Malgré le peu de temps que l’on a avec le patient avant son passage au bloc opératoire, il est important de le rassurer et de le détendre car l’anxiété préopératoire majore le risque de complications post-opératoires.
Dans un second temps, lorsque je réalise la pose de la voie veineuse périphérique je suis avec un infirmier. Il écoute ce que dit le patient, puis face à l’anxiété pré-opératoire de Monsieur T, il s’approche et se permet de plaisanter. L’humour utilisé dans la communication par le soignant permet immédiatement de dédramatiser la situation et provoque un sourire instantané chez le patient.
Face à ce mode de communication, je me suis posée plusieurs questions : la situation nous permet-elle d’utiliser l’humour dans la communication ? Est-il approprié d’utiliser l’humour en tant que soignant ? Pourquoi le soignant utilise l’humour ? Est-ce un mécanisme de défense face à une question à laquelle il ne saurait répondre ?
Voyant que Monsieur T était réceptif à l’humour de l’infirmier, je me suis permis à mon tour de l’utiliser. Cependant, seule dans cette situation je ne l'aurai pas fait même si au quotidien je suis une personne qui aime plaisanter. En effet, je m’interroge sur la place de l’humour dans la relation soignant-soigné : utiliser l’humour n’est-il pas enfreindre l’éthique professionnelle ? Peut-on utiliser l’humour avec tous les patients et dans toutes les situations ? L’humour peut-il être utilisé par tous les professionnels de santé ? Et enfin l’humour a-t-il un réel impact auprès du patient ? Toutes ces questions m’ont permis d’élaborer ma question de départ : En quoi l’humour utilisé par l’infirmier(e) peut-il réduire l’anxiété du patient adulte en phase pré-opératoire ? »
Lire le TFE - L’humour face à l’anxiété pré-opératoire « Faites de beaux rêves » (PDF)
Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern
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