En juillet 2019, Sophie Lasnier, étudiante en soins infirmiers à l’Institut de formation en Soins Infirmiers du CHU de Nantes (promotion 2016-2019), soutenait son travail de fin d'études sur la thématique suivante : "Du corps objet au corps sujet : comment prendre soin dans un environnement hautement technique ?". Elle souhaite aujourd’hui le partager avec la communauté d’infirmiers.com et nous la remercions.
Voici comment cette étudiante présente ce travail de fin d’études. "Ma question initiale, à l’origine de ce mémoire, était de déterminer en quoi l’infirmier pouvait améliorer le vécu du patient en réanimation. Au fil de mes recherches, il m’est apparu que c’était principalement en concentrant ses actions sur l’objectif d’individualisation des soins que l’infirmier pouvait améliorer ce vécu, bien souvent traumatique.
Dans les premiers jours de prise en charge, ce patient, placé en coma artificiel, présente de multiples complications, le rendant dépendant de nombreuses machines. Quelques jours plus tard, nous faisons entrer sa fille de 7 ans dans la chambre. Celle-ci exprime un sentiment d’irréalité, ne reconnaît pas son père, ose à peine le regarder et le toucher. Cette situation m’a beaucoup émue et provoqua une prise de conscience. En effet, je me rendis compte que, bien qu’ayant eu jusque là conscience de m’occuper d’une personne à part entière, mais n’ayant pu communiquer de manière classique ou apprendre à le connaître, je n’avais peut être pas réussi à dépasser ma vision de lui en tant que malade, pour le considérer plus globalement.
La médecine moderne puise ses fondements dans une conception occidentale de dualité entre corps et esprit. Le développement technique et la spécialisation croissante des champs médicaux ont ainsi progressivement conduit à envisager le corps comme objet morcelé. Cette évolution entraine ainsi une distinction entre le corps objet de soin et le corps sujet. La réanimation en est l’illustration parfaite, exemple d’une médecine révolutionnaire, qui, grâce aux progrès techniques, prend en charge des patients aux pathologies toujours plus complexes et aiguës. La gravité de l’état des patients de réanimation nécessite des soins de haute technicité et une surveillance constante. L’équipe soignante évolue ainsi à toute heure sous des lumières artificielles, leur travail rythmé par le bruit de multiples alarmes. De plus, la réanimation est souvent associée à la clinique du coma. Cependant, ces patients font face à des réalités, des états de conscience et des capacités de communication variés.
Je me suis beaucoup interrogée sur ce que les patients de réanimation pouvaient ressentir. D’une part, je souhaitais donc faire le point sur le degré de
conscience et les capacités sensoriels des patients à l’état de conscience altérée. Qu’entendent-ils ? Que ressentent-ils ? Ont-ils des besoins spécifiques liés à leur
état ? Mais aussi quelles sont les conséquences à plus long terme de leur hospitalisation ? Quels souvenirs peuvent-ils garder de leur séjour en réanimation et quel peut être, à plus long terme, l’impact psychologique d’un tel séjour ? Que peut faire l’infirmier pour améliorer ce séjour ?
Ainsi, s’interroger sur le vécu du patient lors de son séjour en réanimation peut s’avérer complexe. Cependant, un point commun existe entre tous ces patients : ils font face à des vulnérabilités importantes et multiples, que ce soit sur le plan physique, émotionnel, psychique et liées à leur perte d’autonomie. Il en résulte à long terme des conséquences psychiques importantes. Ces séjours sont perçus par les patients comme un véritable traumatisme, pouvant altérer leur qualité de vie.
Ces constats récents ont conduit, depuis une dizaine d’années, les professionnels de réanimation, les chercheurs et les sociétés savantes à travailler à l’amélioration du bien-être de ces patients. Parmi les nombreuses barrières au mieux vivre identifiées, l’absence d’individualisation des soins est particulièrement prégnante. Or, l’infirmier a un rôle essentiel à jouer dans cette individualisation, de par sa proximité avec le patient. Par ses attitudes, ses compétences, notamment en terme de communication et de soins relationnels, l’infirmier peut prendre soin de ces patients souvent éclipsés par les machines qui les maintiennent en vie. Le défi est alors d’établir une relation soignant/soigné ou tout l’enjeu est de rendre présent l’absent. C’est ainsi en travaillant sur ses représentations du patient, en cultivant une approche holistique incluant la famille, et en assumant son rôle de plaidoyer que l’infirmier peut prendre soin. Cependant, cette démarche ne peut rester le fait d’une initiative individuelle, et doit s’intégrer dans une culture de service.
Comme le souligne la conférence de consensus "Mieux vivre la réanimation" (2009), "Les soins relatifs au "mieux vivre" sont insuffisamment valorisés, alourdissent la charge de travail et nécessitent une plus grande disponibilité des soignants. Ces barrières expliquent pourquoi ces soins sont trop souvent considérés comme non prioritaires »
Lire le TFE - "Du corps objet au corps sujet : comment prendre soin dans un environnement hautement technique ?" (PDF)
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Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern
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