Parmi les mesures du Ségur, se trouve la possibilité pour les Instituts de Formation en Soins Infirmiers (ISFI) d’augmenter leurs quotas d’étudiants, notamment pour remplir les objectifs de recrutement avancés par le gouvernement. Mais dans les faits, y répondre est loin d’être aisé. Une enquête menée par le Comité d’Entente des Formations Infirmières et Cadres (CEFIEC), dont les résultats ont été récemment publiés, met en lumière certaines des problématiques auxquelles les IFSI sont confrontés.
Evaluer l’existant pour mieux répondre aux demandes
Conditions de travail difficiles, manque de reconnaissance et d’attractivité, perspectives d’évolution de carrière peu claires…, les défauts dont souffrent les métiers du soin ont été cruellement mis en lumière par la pandémie de Covid-19. De quoi provoquer une pénurie de soignants – selon les estimations, 5 à 10% des postes d’infirmiers seraient vacants dans les établissements – d’autant plus préjudiciable que, parallèlement, les questions de vieillissement de la population et de dépendance, avec leurs cortèges de maladies chroniques, deviennent de plus en plus prégnantes. Pour pallier la pénurie, le gouvernement a annoncé, en plus des mesures de revalorisation inscrites dans le cadre du Ségur, la création de 6 000 places supplémentaires rien que pour les étudiants en soins infirmiers. Un chiffre qu’il espère voir atteindre les 13 600 d’ici 2023 . Mais au-delà des effets d’annonce, les IFSI sont-ils à même, matériellement et humainement, de remplir ces objectifs ? C’est pour répondre à cette question que le CEFIEC a lancé, en collaboration avec le ministère de la Santé, une enquête auprès de ses 357 instituts adhérents. L’objectif : identifier et évaluer les entrées en formation, les interruptions et leurs causes, mais aussi l’employabilité des étudiants à la sortie de la formation.
Méthodologie de l’enquête • L’enquête s’est déroulée du 5 décembre 2021 au 4 janvier 2022, via un questionnaire diffusé auprès des IFSI. • Le CEFIEC comptabilise 214 répondants, sur les 357 instituts adhérents, soit 59,94% de la population totale. • Certaines questions enregistrent toutefois des taux de réponse inférieurs à 50%. |
Parcoursup, un succès…
Premier constat : sur la plateforme Parcoursup, la formation en soins infirmiers demeure particulièrement plébiscitée, un succès qui se traduit au sein des IFSI par des demandes d’admissions supérieures à leurs capacités d’accueil dédiées à cette voie d’entrée. En 2019, soit l’année même marquant la fin du concours d’entrée, le pourcentage de places pourvues pour la rentrée équivalait à 85,53% pour une capacité de 74,32%, des chiffres qui, en 2021, équivalaient à 81% contre 76,36% respectivement, selon les réponses de 161 IFSI. Ces entrées via Parcoursup s’effectuent aux dépens de celles réalisées grâce à la Formation Professionnelle Continue (FPC), dont le taux au sein des instituts demeure en-deçà de la cible prescrite
. A noter que, deux mois après la rentrée, une augmentation du pourcentage de places pourvues par Parcoursup est constatée. Un phénomène qui s’expliquerait par les retards d’accord de financement des candidats FPC (intervenant parfois post-rentrées) libérant ainsi des places au profit des candidats Parcoursup
, observe Michèle Appelshauser, présidente du CEFIEC et auteure de l’enquête. Deux hypothèses viennent également compléter ce postulat : un faible taux de réussite aux épreuves d’admission en FPC et un nombre insuffisant de dossiers. Les objectifs de formation n’apparaissent donc pas remplis alors que, confrontés à ces demandes d’augmentation des pouvoirs publics, les IFSI ont dû s’adapter dans la majorité des cas à moyen constant : locaux, ressources humaines, équipements pédagogiques
. La moitié des répondants pris en compte (153, sur ce sujet) n’a été en mesure d’augmenter ses quotas que de 1 à 10 places.
Un autre axe permettant d’augmenter le nombre de diplômés en fin de cursus est certainement d’intervenir sur le nombre d’interruptions de formation.
… qui doit toutefois être relativisé
Un autre constat apparaît à la lecture du rapport : le profil des étudiants qui entrent dans la formation grâce à Parcoursup n'est pas toujours compatibles avec le métier d’infirmier. Les 161 IFSI ayant répondu de manière consolidée à cette partie du questionnaire font ainsi état de 18 008 places disponibles à la rentrée 2021, pour 17 612 places finalement pourvues (soit 97,80%). Toutefois, après deux mois, ce chiffre tombe à 15 341, soit une perte de 2 271 étudiants de première année. Et le premier motif d’abandon chez les étudiants entrés via Parcoursup est lié à des erreurs d’orientation
, souligne le CEFIEC. Un problème qui se pose moins pour ceux provenant de la filière FPC, qui ont certainement davantage réfléchi leur projet, certains ayant déjà développé une expérience professionnelle dans le milieu du soin
. Le second motif d’abandon est identifié comme cause personnelle
. À noter que les motifs relatifs à la crise sanitaire, aux difficultés d’encadrement ou encore aux problématiques financières sont peu représentés.
Dans le contexte d’hémorragie de soignants qui caractérise le système de santé français, un autre axe permettant d’augmenter le nombre de diplômés en fin de cursus est certainement d’intervenir sur le nombre d’interruptions de formation
, relève l’enquête. Le CEFIEC préconise donc d’agir plus largement sur ce levier, en particulier en sensibilisant les formateurs aux étudiants à risque
, présentant des signes avant-coureurs de décrochage (perte de motivation, difficulté à respecter les échéances de rendu des écrits ou à s’inscrire dans les pratiques du lieu de stage, signes d’anxiété, absentéisme…). Les autres pistes consistent également à intervenir en amont, avec le renforcement des partenariats entre lycées et IFSI et l’organisation de journées d’immersion au sein de ces derniers et des Instituts de Formation d’Aides-Soignants (IFAS), entre autres.
Quel devenir pour les étudiants ?
Et une fois diplômés, que deviennent les étudiants ? L’enquête du CEFIEC s’appuie sur les réponses de 2 500 étudiants – soit 10% de leur population totale – et ne peut donc formuler que des estimations. Selon les résultats, le secteur public hospitalier capterait l’essentiel des diplômés, à hauteur de 71,28%, suivi du privé lucratif (17,8%) et du privé non lucratif 10,92%). Preuve que, malgré les difficultés qu’il rencontre, l’hôpital public conserve une part de son attractivité auprès des entrants dans la profession infirmière. Au sein des services, ce sont les unités de spécialité Médecine, Chirurgie, Obstétrique (MCO) et les services de réanimation qui sont privilégiés, à 66%. En revanche, les secteurs tels les EHPAD, les SRR/SLD ou la santé mentale
captent peu de postulants, respectivement : 8,24 %, 4,48 %, 10,12 % et 6,4 %
, observe-t-elle. Quant aux modalités des embauches, l’enquête révèle que la majorité d’entre elles s’effectue en CDD (47%), les propositions de CDI n’en représentant que 27%. Vacations et intérim , eux, ne pèsent qu’à hauteur de 4%. Reste désormais, pour le CEFIEC, à tirer les enseignements de ces résultats afin de proposer des réponses adaptées aux problématiques rencontrées et accompagner les efforts de formation des futurs personnels infirmiers.
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